Une deuxième vie pour vos épluchures
Quand on dit que l’essentiel est invisible pour les yeux, c’est aussi vrai pour les fruits et les légumes.
En effet, si on se régale de leur chair et parfois de leur pelure, qu’en est-il du reste ? Noyaux, pépins, cosses, fanes, tiges et trognons se retrouvent au compost dans l’indifférence générale. Pourtant, ils sont bourrés de vitamines et remplis de vertus cachées…
Devant ce constat, surtout dans une ère où les épiceries zéro déchet se multiplient, Marie Cochard a décidé de prendre les grands moyens pour contrer le gaspillage. L’écojournaliste française a trouvé des usages à ces éléments négligés, qu’elle regroupe sous le terme « épluchures ». Et elle a été surprise de découvrir que les fruits, les légumes et même d’autres aliments comme la viande, le pain ou les huîtres avaient plus d’un tour dans leur sac !
« Les gens voient surtout une contrainte dans le fait de trier les déchets ou d’avoir un compost. Donc je me suis dit que ce serait plus séduisant de leur montrer ce qu’on peut faire avec les épluchures, tout en réalisant des économies. »
— Marie Cochard
L’ouvrage qui en a résulté se présente sous forme d’abécédaire, pour faciliter son utilisation. « Chaque fois qu’on est devant un tas d’épluchures, l’idée est de pouvoir ouvrir rapidement le livre, regarder ce qu’on peut faire et choisir ce qui est le plus pratique pour nous à ce moment-là », explique la mère de deux jeunes garçons, qui vit près du bassin d’Arcachon, au sud de Bordeaux.
La plupart des résidus de fruits et légumes sont comestibles, sauf les feuilles de tomate et de rhubarbe, potentiellement toxiques. On n’a donc qu’à se servir parmi l’éventail de possibilités pour cuisiner toutes sortes de délices : muffins aux peaux de banane, quiche aux fanes de carotte, gelée aux queues de fraise, chips de peaux de kiwi… « Souvent, l’épluchure a un goût approchant, mais un peu différent, et ça permet de faire encore plus de choses, note Marie Cochard. Par exemple, les fanes de carotte sont un peu acides et cela leur confère une saveur intéressante. »
Même si tout peut potentiellement se manger, l’usage des épluchures dépasse – et de loin – celui des fourneaux. « L’idée était de montrer qu’on peut s’en servir à la cuisine, mais aussi au jardin, à la salle de bains, sans oublier les astuces soins », reprend Mme Cochard. Ainsi, saviez-vous qu’on peut cirer ses chaussures avec l’intérieur d’une peau de banane ? Teindre ses cheveux avec des pelures d’oignon ? Fabriquer un nettoyant maison avec des écorces de citron ? Il y a autant de possibilités qu’il existe d’épluchures. « Elles ont chacune des propriétés différentes, mais toutes intéressantes et complémentaires », remarque Marie Cochard.
Évidemment, pour pouvoir croquer à pleines dents dans toutes les parties des fruits et légumes sans avaler une énorme quantité de pesticides, mieux vaut opter pour l’agriculture biologique. À ceux qui se plaignent du prix plus élevé de ces aliments, Marie Cochard répond que d’en utiliser toutes les parties permet de consommer moins au bout du compte. « Si vous mangez les fanes parce qu’il n’y a pas eu de produits dessus, ou que vous cuisinez les pépins de courge, vous allez forcément payer moins cher parce que vous allez vous passer d’un autre produit que vous auriez acheté en supermarché », fait-elle valoir.
Pour découvrir toutes ces astuces, Marie Cochard a mené une vaste enquête… qui a commencé autour d’elle. Elle s’est d’abord renseignée auprès de ses amis issus de cultures différentes : « J’ai découvert qu’on n’a pas les mêmes a priori sur les pépins, les noyaux, les écorces, dit-elle. Par exemple, en Iran, on consomme la peau de la pastèque confite. En Chine, on mange les pépins de melon grillés ; en Guyane, on fait une bière avec l’écorce d’ananas… »
Marie Cochard a aussi ajouté une dimension anthropologique à sa démarche, en interrogeant des personnes âgées au sujet de pratiques qui ne datent pas d’hier. « Tout, en fait, provient d’un savoir-faire ancestral », note la journaliste.
Elle se souvient encore clairement de son grand-père qui faisait rôtir les pommes au four avec leur pelure, qui cuisait l’ail en chemise et qui apprêtait les pommes de terre en robe des champs. « À l’époque, ils ne se posaient pas la question. Comme il y a eu beaucoup d’utilisation de produits phytosanitaires depuis, c’est normal qu’on ait eu peur et qu’on ait tout épluché », admet-elle.
« Mais maintenant qu’on revient à des pratiques comme l’autoproduction, la culture sur les toits ou les achats en circuit court auprès des petits producteurs, je pense qu’il faut se souvenir qu’avant, on ne jetait rien. »
— Marie Cochard
Dans son livre, elle trace aussi des portraits de gens qui ont repris des techniques ancestrales, ou qui gagnent leur pain quotidien grâce à des résidus alimentaires. « J’avais envie d’aller plus loin et de montrer que certaines personnes avaient créé une activité économique autour d’un déchet, pour prouver que le rebut pouvait vraiment devenir une ressource », avance l’auteure.
On fait ainsi la connaissance de Marielle, qui transforme la peau de poisson en objets de cuir, de Colette, qui fabrique des confitures avec des fruits moches, ainsi que de Natasha, qui cuisine spécialement avec les fanes de légume.
Dans toute leur simplicité, les fruits et les légumes n’ont pas fini de nous ébahir !