Chronique

La culture, le sujet dont on se fout !

Chaque fois, c’est la même chose. Et chaque fois, ça m’enrage. Les candidats engagés dans les campagnes électorales dispersent à tout vent leurs idées sur les thèmes de l’économie, de la santé, de l’éducation et de l’environnement. Mais sur la culture ? Niet ! Des miettes. La culture est le sujet avec lequel on ne sait pas comment composer. C’est l’objet difficile à ramasser.

La campagne qui bat son plein est loin de faire exception à cette habitude. Après plusieurs semaines de cabale, comme disait mon père, on ne peut pas dire que le mot culture a souvent roulé dans la gorge des chefs. Lors du dévoilement de leur plateforme, chacun a offert quelques idées sur ce thème avant de replonger dans les « choses sérieuses ».

Puis-je rappeler, avant d’aller plus loin, que l’industrie culturelle est un levier économique majeur pour le Québec ? Dans un rapport présenté en 2015, le ministère de la Culture et des Communications affirmait que les retombées liées à ce secteur se chiffraient à 12,8 milliards de dollars et que plus de 175 000 emplois y étaient rattachés.

Désolé d’avoir eu recours à des chiffres pour souligner l’importance de la culture. Je sais, cela ne devrait rien avoir à voir avec l’argent. 

La culture pour une société, c’est son souffle, son cœur. Ça serait bien que ceux qui ont le désir de franchir l’une des portes de l’hôtel du Parlement de Québec, après le 1er octobre prochain, comprennent cela.

Mais revenons aux idées. Pour le PLQ, la chose fut facile. L’ensemble de la vision du parti est résumé dans la politique culturelle présentée par la ministre Marie Montpetit en juin dernier. Perçue, avec raison, comme une promesse électorale au moment de son dévoilement, cette politique propose un investissement de 600 millions pour soutenir les divers aspects de cette politique (il y a 41 mesures), notamment le renouvellement du statut de l’artiste et un meilleur accès à la culture pour le milieu éducatif.

Ce dernier point fait d’ailleurs l’unanimité chez tous les partis. C’est de loin l’idée la plus populaire. Le PQ veut un passeport culturel (un crédit de 50 $ échangeable auprès d’organismes culturels) pour les élèves du secondaire (un concept inspiré de l’Italie et de la France). La CAQ souhaite offrir deux sorties culturelles gratuites par année aux élèves du primaire et du secondaire. Quant à QS, il promet quatre sorties culturelles aux mêmes élèves.

Ces mesures sont excellentes et vitales. Mais il faudrait clarifier la question de la gestion de ces budgets. Le gouvernement doit s’assurer que les commissions scolaires vont utiliser les sommes allouées uniquement pour des sorties culturelles et que ces sommes ne feront pas l’objet d’un transfert. Rappelons qu’en juin dernier, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a demandé aux commissions scolaires de respecter les principes de la gratuité scolaire. Jugeant qu’elles ne pourraient alors assumer les coûts des sorties, certaines commissions scolaires ont décidé d’en annuler un bon nombre. Cela fait d’ailleurs craindre le pire aux compagnies de théâtre qui visent un jeune public.

L’autre grande idée commune à tous les partis touche la lutte contre les géants américains du numérique. 

Pour le PQ, il doit y avoir plus de place pour le contenu québécois dans les plateformes étrangères comme Netflix. On oublie toutefois de préciser que les géants américains, quand ils daignent accepter du contenu étranger, exercent un fort contrôle. Est-ce cela que nous voulons ?

À cet égard, je préfère la proposition de QS de créer une plateforme numérique d’émissions jeunesse pour concurrencer YouTube et Netflix. Si on veut avoir les coudées franches, il faut s’en donner les moyens, il faut créer son propre territoire.

Bref, hormis ces deux avenues, on ne peut pas dire qu’on fait preuve d’une créativité et d’une audace débordantes. Où sont les suggestions au sujet d’un meilleur accès à la culture pour les gens qui vivent hors des grands centres ? Où sont les propositions pour favoriser une plus grande diversité culturelle sur les plateaux de cinéma et sur les scènes de théâtre ? Où sont les véritables idées pour faire face à ce Goliath, rebaptisé GAFAM, qui fait que les trois quarts de nos artistes musicaux crèvent de faim ? Où sont les mesures pour contrer la crise que traversent les médias ? Et celles pour encourager le mécénat ?

Face au désert d’idées devant lequel on se retrouve, je suis très surpris de voir que les artistes demeurent indifférents et silencieux. 

À 19 jours du scrutin, je ne peux pas dire que j’ai entendu beaucoup de gens du milieu culturel monter au créneau pour réclamer des changements dans tel ou tel domaine de la culture et des communications.

Vous me direz que ce phénomène n’est pas nouveau. Cela fait plusieurs années que l’on s’interroge sur l’invisibilité des artistes durant les campagnes électorales. Certains ont parfois tenté de réveiller leurs confrères et consœurs en lançant des cris d’alarme, mais leur appel s’est buté à un terrible désabusement.

Ce soir, au cours du débat télévisé rassemblant les chefs des principaux partis, aucune place ne sera officiellement réservée à la culture. Ça sera aux débatteurs d’amener le sujet sur le tapis et de montrer qu’ils ont des idées qui vont dans ce sens. Ça sera pour eux l’occasion de nous dire qu’ils croient en la survie de la société, celle qu’ils espèrent représenter et défendre.

Un débat uniquement sur la culture

Si les arts et la culture vous tiennent à cœur, sachez que les quatre principaux partis qui s’opposent dans la présente campagne ont été invités à participer à une rencontre-débat qui portera uniquement sur ce thème. Organisé par la coalition La Culture, le cœur du Québec et animé par Patrick Masbourian, le débat aura lieu le 24 septembre, à 19 h, à HEC Montréal (amphithéâtre Banque Nationale).

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