Europe  Road trip

LA GRANDE SÉDUCTION DE L’ISLANDE

Une île aux paysages démesurés ; un simple ruban d’asphalte pour en faire le tour. Pas de doute, l’Islande est un pays parfait pour qui rêve de voyager sur quatre roues. Seule condition : se préparer à toute éventualité, y compris celle d’avoir à partager la route avec une marée de touristes séduits par les nouvelles liaisons aériennes à rabais. Récit d’un voyage de 2000 km à bord d’un véhicule récréatif, avec pépins mécaniques et météo brutale en prime. 

UN REPORTAGE DE STÉPHANIE MORIN

SUD-OUEST

Concentré de beautés

Sitôt sortie des autoroutes de Reykjavík, l’étroite route nationale 1 plonge dans une succession de déserts de lave, de panaches de vapeur et de chutes vertigineuses. Ici, les touristes sont nombreux ; ils n’ont pas besoin de rouler bien loin pour découvrir l’Islande des cartes postales.

Coups de cœur : 

– parc national de Þingvellir

– Gullfoss

– plage noire de Vík

JOUR 1

Hafnarfjörður–Laugarvatn

Distance : 164 km

En Islande comme au Québec, les quartiers industriels ont le charme discret. Mais Hafnarfjörður, en banlieue de Reykjavík, est un passage obligé pour récupérer chez l’entreprise Go Campers notre véhicule récréatif, un Renault Trafic 2007 aux allures d’iceberg. Deux couchettes, un minifrigo, un évier, un réchaud à gaz, un système de chauffage. L’essentiel pour 10 jours de vadrouille. 

L’itinéraire est décidé – le tour de l’île sur la route 1 dans le sens antihoraire –, mais aucun hébergement ni restaurant n’est réservé. Un luxe possible au mois de mai, alors que les touristes sont encore peu nombreux.

Avant de nous tendre les clés, le gérant, Benedikt, nous prodigue ses derniers conseils. Ne pas emprunter les routes de catégorie F ; il faut pour cela un 4x4. Faire attention aux moutons, aux rennes et aux touristes, tous capables de s’arrêter au milieu de la route aux moments les moins opportuns.

Mais surtout, vérifier la météo souvent sur le site de l’Agence météorologique islandaise (en.vedur.is). Si le vent dépasse les 16 m/s (57 km/h), il faut se garer et attendre que ça passe. Un voyageur l’a appris à ses dépens, début mai, quand son véhicule a versé, poussé par une bourrasque. Et l’an dernier, un véhicule récréatif a littéralement explosé sous l’effet du vent.

On le savait déjà. On avait regardé quelques vidéos avant de partir, juste pour se donner la frousse ! (Tapez « Wind, camper, Iceland » dans Google. Vous verrez…)

On est parés, le voyage peut commencer. Direction : le Cercle d’or, un parcours panoramique qui regroupe trois des sites les plus visités du pays.

Geysir, d’abord, qui a donné son nom à tous les geysers du globe. L’ancêtre ne crache plus comme autrefois (il faut un tremblement de terre pour le faire réagir…), mais son voisin Stokkur se charge du spectacle. Il ne passe pas 10 minutes sans qu’il ne projette en l’air un panache d’eau et de vapeur. Une simple corde sépare les spectateurs du géant. Autour, tout n’est que marmites bouillonnantes et sources fumantes.

Un vrai décor de début du monde.

Mais c’est à Gullfoss (1) que l’on comprend toute la démesure géographique de l’île. L’eau se déverse en grondant sur deux cascades avant de s’engouffrer dans un canyon étroit, couvrant tous ceux qui s’approchent d’une bruine glacée. Des chutes indomptables, d’une beauté qui fait monter les larmes aux yeux.

Comment terminer pareille journée ? Aux bains, là où les touristes et les locaux, les parents et les enfants, barbotent côte à côte dans des bassins chauds. Ceux de Laugarvatn Fontana bordent un lac où se reflètent les montagnes.

De retour au camping local (un vaste terrain gazonné, sans table à pique-nique, où chacun s’installe à sa guise), on tire les rideaux à 23 h. Il fait encore clair…

JOUR 2

Laugarvatn–Hvolsvöllur

Distance : 130 km

Le parc national de Þingvellir (2) est cher au cœur des Islandais, et pour cause. C’est ici qu’ils ont créé le plus vieux parlement toujours existant du monde, en l’an 930 environ. Ici aussi qu’a été proclamée, sous une pluie insolente, l’indépendance du pays, le 17 juin 1944.

Encore aujourd’hui, le lieu a gardé un je-ne-sais-quoi de solennel : le drapeau islandais flottant au-dessus des rochers, l’ancien amphithéâtre où les lois étaient récitées, les vestiges des anciennes demeures vikings. De larges sentiers de randonnée permettent de passer d’un site à l’autre. On pourrait facilement y passer des heures.

Þingvellir se trouve aussi à cheval entre les plaques tectoniques américaine et eurasienne. Chaque année, les plaques s’éloignent de quelques millimètres, les terres s’écartent, l’écorce terrestre s’enfonce… 

La quête d’un camping pour la soirée n’a pas été aisée. Nous sommes à la mi-mai, et plusieurs campings sont toujours fermés. De portes closes en barrières verrouillées, nous avons suivi les pylônes électriques plantés dans la lande jusqu’au camping d’Hvolsvöllur, situé à l’écart de la route 1. La douche est chaude… Bonne nouvelle : il fait 3 degrés.

JOUR 3

Hvolsvöllur–Vík

Distance : 80 km

Visiter l’Islande peut être frustrant ; on passe ses journées à faire des choix difficiles et à se dire qu’il faudra revenir. Trois jours seulement et déjà, cette impression d’être pressé par le temps…

En restant sur la route 1 (et en respectant les limites de vitesse), on peut faire le tour de l’île en 16 heures environ.

Seulement, on voudrait s’arrêter à chaque courbe, emprunter tous les chemins de traverse. Aucun paysage n’est banal ici, et chaque route de gravier semble mener à un trésor.

Du coup, on avance beaucoup (beaucoup) moins vite que prévu.

Pis, on termine cette journée plus ou moins rassasiés. À chaque arrêt – spectaculaires chutes de Seljalandsfoss et de Skógafoss, plage de sable noir de Vík (3) –, on souhaiterait explorer davantage et suivre ce qu’on croit être des sentiers de randonnée. Mais c’est compliqué : l’entrée des sentiers est rarement indiquée et, hormis dans les parcs nationaux, les cartes pour randonneurs sont impossibles à trouver. Pour le voyageur autonome qui ne souhaite pas embaucher un guide à 250 $ la journée (il en pleut dans ce pays !) et qui veut aller au-delà des arrêts éclair pour faire exploser son compte Instagram, ce n’est pas toujours aisé…

Sud-Est et Est

Terre de géants

Accueillis par le glacier monstre Vatnajökull, il nous faut nous frayer un chemin entre de hauts sommets acérés et enneigés pour atteindre les fjords de l’Est. Premier vrai rendez-vous avec la mer rageuse et impétueuse qui se fracasse sur des montagnes aux allures de forteresse.

Coups de cœur : 

– embouchure de la rivière Jökulsá

– randonnée à Skaftafell

– village de Seyðisfjörður

JOUR 4

Vík–Höfn

Distance : 272 km

Le tempo devait être augmenté, il l’a été ! Nous avons mangé du bitume aujourd’hui, sur la plus belle route qu’on puisse imaginer, coincée entre mer et glacier. Sur ce filet d’asphalte, sinueux et sans accotements, les ponts sont étroits et ne comptent qu’une seule voie. Il faut constamment garder les yeux sur la route en attendant la prochaine aire d’arrêt, quitte à rater des morceaux de ce paysage taillé par des géants. Ici, le conducteur distrait risquera mille fois l’accident !

Gros coup de cœur pour Skaftafell (1) , à la limite sud du Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe. Pour arpenter ce géant gelé, qui étend ses bras blancs presque jusqu’à la route, il faut un guide : les crevasses ne pardonnent pas. Mais à Skaftafell, on peut emprunter plusieurs sentiers – balisés ! – pour des randonnées de quelques heures. L’un des plus populaires s’étend sur 5,3 km ; il mène jusqu’à la dramatique « Chute noire » (Svartifoss) et passe par une ancienne ferme au toit de tourbe.

Tous les guides du genre « 1000 endroits à voir avant de mourir » placent le lagon de Jökulsárlón dans les hauteurs de leur palmarès.

On ne les contredira pas : le site est spectaculaire, avec ses icebergs bleutés qui flottent dans une eau turquoise où nagent quelques phoques. Pas pour rien que de nombreux films ont été tournés ici (James Bond, Batman…) !

L’embouchure de la rivière Jökulsá (2) est peut-être plus belle encore. Des fragments de glacier brillent comme des diamants sur la plage noire. Après un sommeil millénaire, le solide redevient liquide, la glace retourne à l’océan. Émouvant.

Devant les langoustines d’une fraîcheur parfaite du restaurant Pakkhús à Höfn, on flotte encore, jusqu’à en oublier le prix de l’assiette : près de 70 $. Entrée, dessert et verre de vin en sus…

JOUR 5

Höfn–Seyðisfjörður

Distance : 292 km

Endormis sous les rayons, réveillés par les grêlons ! Voilà qui illustre bien cette maxime islandaise imprimée sur moult t-shirts pour touristes : si vous n’aimez pas la météo, attendez cinq minutes… La température change abruptement dans ce pays ; les quatre saisons peuvent passer en une seule journée.

Après quatre jours les yeux tournés vers les montagnes, les glaciers et les champs de lave, notre itinéraire a rendu à la mer – tantôt démontée, tantôt paisible – la place qu’elle mérite. Plutôt que de suivre sagement la route 1 qui s’enfonçait dans l’île en une droite suspecte, nous avons bifurqué sur la route des fjords à Breiðdalsvík. Un détour d’une vingtaine de kilomètres, pour aller zyeuter des villages de pêcheurs et des falaises qui se jettent dans l’Atlantique.

Puis pouf ! L’hiver nous est tombé dessus d’un coup. Après Egilsstaðir, la route 93 qui mène à Seyðisfjörður (3) grimpe au milieu d’un champ de neige. Que du blanc, à perte de vue. Pendant 21 km, c’est janvier en mai…

Le village de Seyðisfjörður est réputé, avec raison, pour ses maisons de bois bien conservées et son ambiance décontractée. Au bistro Skaftfell, les familles partagent une pizza aux fruits de mer devant un jeu de société. Des jeunes musiciens font un spectacle au bar local devant parents et amis. « Un voisin nous a dit qu’on était aussi mauvais qu’Of Monsters and Men à leurs débuts ; il y a de l’espoir ! »

Il est bon de goûter un brin à la vie locale… Même si la haute saison touristique n’est pas tout à fait installée, le nombre d’étrangers dépasse largement celui des résidants dans la majorité des endroits où nous sommes passés jusqu’ici. Du coup, on cherche les Islandais pur jus avec qui partager un verre de brennivín, ce schnaps qui décape à base de patate et de carvi.

Au camping de Seyðisfjörður, nous sommes 11 (!) Québécois, sur la trentaine de clients… Pour le choc culturel, on repassera !

NORD ET OUEST

Des paysages qui frappent l’imaginaire

Ces terres de légende ont inspiré bon nombre de sagas, récits épiques des premiers âges de l’Islande. Les vents violents, les rudes hivers et les volcans imprévisibles n’ont pas seulement forgé le paysage. Ils ont aussi frappé l’imaginaire.

Coups de cœur :

– Hverir

– Akureyri

–le village de Stykkishólmur

JOUR 6

Seyðisfjörður–Reykjahlíð

Distance : 193 km

L’enfer sent le soufre, c’est connu. Et de toute évidence, l’enfer a une porte d’entrée à Hverir (1), le point marquant de la journée, pourtant riche en anomalies géologiques. Fumerolles, marmites de boue, cheminées qui sifflent ; un vrai décor de science-fiction. Le hic : il faut avoir le cœur solide pour endurer l’odeur du soufre.

Aux abords du lac Mývatn, l’odeur s’estompe à peine. Ce joyau du nord islandais regorge de faune (pas moins de 115 espèces d’oiseaux y sont répertoriées) ; des sentiers de randonnée mènent à des cratères ou des caves (dont une qui a servi de décor à Game of Thrones).

Plusieurs restaurants islandais font une place de choix aux produits locaux sur leur menu. Mais rares sont ceux qui poussent le concept « de la terre à la table » aussi loin que Vogafjós.

Ici, clients et vaches laitières partagent le même toit et ne sont séparés que par une simple paroi de verre. On peut donc déguster la mozzarella ou la crème glacée maison en contemplant celles qui ont fourni la matière première !

JOUR 7

Reykjahlíð–Akureyri

Distance : 101 km 

Mauvaise, très mauvaise journée.

Peu après notre départ, le moteur a commencé à montrer des signes inquiétants de surchauffe. On croisera forcément un garage bientôt, qu’on s’est dit…

Eh bien, non.

C’est dimanche aujourd’hui et, de toute façon, on n’a croisé aucun village assez gros pour abriter un mécanicien capable de diagnostiquer notre Renault 2007. Appel catastrophé chez Go Campers. On est à Goðafoss (une chute grandiose, rien à redire !) et c’est un miracle qu’on ait trouvé un café où s’abriter… « Rendez-vous à Akureyri (2) , on va essayer de vous trouver un garage. »

Benedikt et sa bande se sont démenés pour trouver un garagiste qui accepte de se pointer au boulot en ce jour du Seigneur. Verdict : radiateur percé (une pierre ? de l’usure ? Il ne peut rien jurer). On est à pied.

La pièce est introuvable à Akureyri et doit être expédiée depuis Reykjavík par avion. En attendant, Go Campers se charge de nous louer une voiture et paiera pour notre nuitée bien au chaud, à l’hôtel.

Que faire à Akureyki par un dimanche frisquet ? S’installer au Te & Kaffi pour dévorer des magazines et plonger dans l’humour hypertrash du bédéiste Hugleikur Dagsson. Manger du poisson frais dans un poêlon fumant chez Örkin hans Nóa. Traîner au bar Akureyri Backpackers assis sur d’anciennes banquettes automobiles à motif arc-en-ciel…

Bref, renouer avec la ville, après six jours à la montagne.

JOUR 8

Akureyri–Varmahlíð

Distance : 163 km

Attendre. Attendre. Attendre.

La journée a passé à espérer le coup de fil du garage qui n’est pas venu avant 17 h… Seuls rayons de soleil de cette journée frustrante : virée jusqu’à Laufás (où des maisons à toit de tourbe dominent le fjord) et excursion à cheval à la ferme de Skjaldarvík.

La volubile guide néerlandaise Becky nous a tout dit sur les chevaux islandais dont la pureté de la race est jalousement préservée – « Un cheval qui sort de l’île ne peut plus y revenir ! » – pendant que nos montures aux noms imprononçables se suivaient à la queue leu leu. On était loin de la chevauchée fantastique, mais le décor était magnifique.

L’auberge familiale qui jouxte l’écurie a des allures de paradis, avec ses hamacs et son bassin chaud avec vue sur le fjord. L’adresse est notée pour un prochain séjour…

JOUR 9

Varmahlíð–Kleppjárnsreykir

Distance : 253 km

Les pépins mécaniques avaient déjà plombé notre itinéraire et voilà que le vent a commencé à forcir. Sur le site officiel de la météo islandaise, on annonçait pour la journée des vents violents, en particulier sur la péninsule de Snæfell, qui devait faire office de cerise sur le sundae de ce voyage. Longue d’à peine 100 km, cette péninsule regroupe un échantillon de tout ce que la nature islandaise peut offrir : un glacier, d’anciennes rivières de lave souterraines devenues des cavernes, des villages juchés sur des falaises, des sommets volcaniques…

Que faire, sinon rouler vers le sud dans l’espoir que la météo change d’ici demain matin ?

À Borgarnes, le musée de la colonisation constitue un arrêt obligé, dit notre guide Lonely Planet. Deux expositions avec audioguide sont proposées : une (magnifique) sur la saga d’Egill, un Viking du Xe siècle, et une autre, plus interactive, sur la découverte et la colonisation de l’Islande. Le Lonely Planet avait raison…

Le vent, lui, semble ne pas vouloir tomber. Même bien à l’abri dans notre camping loin de la mer, on sent le VR trembler à chaque bourrasque. Effrayant.

JOUR 10

Kleppjárnsreykir–Borgarnes par la péninsule de Snæfell

Distance : 360 km

C’est sous la pluie battante que nous avons (finalement !) mis le cap vers la péninsule de Snæfell. Les météorologues prédisaient une accalmie jusqu’à 18 h, avant que les vents ne reprennent de la vigueur.

C’était notre ultime chance ; nous ne l’avons pas regretté. Surtout que, pendant plusieurs heures, le ciel s’est dégagé pour qu’on puisse apprécier à sa pleine valeur le village de Stykkishólmur (3) et ses maisons colorées du XIXe siècle. Le mont Kirkjufell, le site le plus photographié du pays, dit-on, a aussi été à la hauteur de sa réputation. Sa forme étonnante, son manteau vert, les cascades qui lui font face : tout est là pour faire bourdonner les appareils photo !

Même quand le ciel s’est couvert et que la pluie a recommencé à tomber, on pouvait mesurer pourquoi cette péninsule fascine autant les écrivains – Jules Verne l’a immortalisée dans son Voyage au centre de la Terre – que les adeptes du New Age – qui la considèrent comme un des plus grands « centres énergétiques » du globe.

On reviendra. C’est la promesse qu’on s’est faite en roulant vers Borgarnes, le vent dans le dos. La capitale est juste à côté, et il y a amplement de quoi s’amuser sur ce bout d’Islande en concentré.

Mais demain, pas le choix, il faut rentrer, à Reykjavík…

Europe  Road trip

Rouler dans une Islande assiégée ?

Un road trip en Islande n’est pas qu’une simple promenade du dimanche. La nature est hostile, la route, étroite, et les services, limités. Conseils et suggestions pour ne pas perdre la tête sur la route 1, à l’heure où le pays attend un nombre record de visiteurs.

Accueillir 1,73 million de touristes dans une île encore largement sauvage, qui compte normalement 330 000 résidants. C’est le défi colossal qui attend l’Islande cette année, alors que le pays s’apprête à fracasser de nouveaux records de visiteurs étrangers sur son territoire.

Les chiffres sont aussi démesurés que les paysages islandais : le nombre de touristes a bondi de 245 % entre 2005 et 2015, selon l’Office de tourisme d’Islande. En 2016, 34 % plus de visiteurs sont attendus.

Déjà, pour les quatre premiers mois de l’année, Reykjavík a accueilli 35 % plus de touristes qu’à la même période l’an dernier. La multiplication des vols au rabais, notamment de Montréal, a grandement favorisé cette popularité.

Or, les infrastructures de l’île ont été conçues pour répondre aux besoins de la population locale, pas pour cette marée de touristes. Les routes, déjà étroites, rétrécissent à une seule voie sur la majorité des ponts de la route 1. Les aires de stationnement peuvent accueillir une poignée de véhicules seulement. La signalisation bilingue est déficiente. Il y aura forcément de la congestion pendant la haute saison.

Pire, le nombre de toilettes publiques est largement insuffisant le long de la route 1, et ce, même sur des sites hyper fréquentés comme la chute Seljalandsfoss. Aucune toilette publique sur 100 km de route ? Ce n’est pas rare dans l’est et le nord. On vous laisse imaginer ce que font certains qui ont un besoin pressant… Pour l’instant, un projet est sur la table pour installer entre 50 et 60 toilettes portatives, mais le financement gouvernemental se fait attendre, selon l’entreprise de service public de radio et télévision islandaise RÚV.

Cette hésitation du gouvernement a de quoi causer l’étonnement : l’afflux de dollars étrangers représente une véritable manne. Mais le manque de toilettes n’est pas le seul problème que devra régler le gouvernement islandais s’il souhaite offrir aux visiteurs étrangers un séjour de qualité.

L’écologie fragile de l’île devra être préservée pour que tous, habitants locaux comme touristes, puissent continuer d’en profiter.

Sur certains sites très fréquentés, comme Geysir, le nombre de visiteurs dépasse 5000 certaines journées. Or, le sol autour des geysers s’érode à la vitesse grand V. L’accès au site étant gratuit, aucune guérite ne régule le nombre de visiteurs et aucun gardien ne patrouille le terrain pour interdire l’accès hors des sentiers ou protéger d’eux-mêmes les voyageurs imprudents.

Car le nombre d’incidents impliquant des touristes a bondi en flèche. En février, un touriste s’est noyé, emporté par une vague alors qu’il prenait une photo des colonnes de basalte sur la plage de Reynisfjara, dans le sud de l’île. Une quarantaine de touristes ont aussi été aperçus alors qu’ils grimpaient, seuls, sur le glacier de Jökulsárlón. Lors de notre séjour, pas une journée n’est passée sans qu’on voie un touriste passer par dessus un cordage de sécurité, s’approcher des falaises et escalader des rochers pour prendre un égoportrait.

RESSERREMENT EN VUE

Le pays ne pourra faire autrement que légiférer pour prévenir ces débordements. Déjà en 2014, la directrice générale de l’Office de tourisme d’Islande, Ólöf Ýrr Atladóttir, évoquait la possibilité de limiter le nombre de visiteurs sur certains sites. Aucune mesure précise n’a été adoptée pour l’instant, mais l’idée d’installer des barrières ou d’instaurer un système de réservation, pour certains sentiers notamment, est toujours dans l’air.

Des résidants qui donnaient jadis libre accès à leurs terres ont été moins patients : certains sites sont désormais inaccessibles (comme la carcasse d’un avion près de Vik) ou ne peuvent être visités qu’avec un guide.

En entrevue avec le magazine Iceland Review en mars dernier, Ólöf Ýrr Atladóttir ajoutait qu’il faudrait cinq ans pour que les infrastructures soient mises à niveau. Des routes doivent être élargies, des belvédères installés sur certains sites, des panneaux d’avertissements plus clairs sont prévus.

D’ici là, l’Islande pourrait ressembler à un Far West où personne n’est vraiment là pour faire régner la loi.

Islande

Hébergement

Avec l’augmentation du nombre de touristes dans l’île, l’hébergement peut être compliqué, en particulier dans le sud et le sud-ouest. Il faut donc réserver bien à l’avance ses nuitées si on souhaite dormir dans une auberge ou un hôtel. Les campings n’acceptent pas les réservations. Tous sont ouverts aux VR et offrent des services limités. Les prix varient entre 12 $ et 16 $ par personne, par nuitée. Les douches, la majorité du temps payantes, sont en nombre restreint, ce qui peut causer des problèmes quand les campings sont pleins…

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Quel véhicule louer ?

Le véhicule récréatif est parfait pour qui veut faire le tour de l’île : il offre un bon abri aux intempéries et beaucoup de liberté. Pour visiter le cœur de l’Islande, toutefois, il faut prévoir un véhicule 4X4. De nombreuses entreprises louent des VR compacts, tels des Renault Kangoo, au confort rudimentaire. L’aménagement intérieur est souvent artisanal. D’autres louent des modèles de grande dimension (le modèle Fiat Ducato, notamment) dont la conduite peut être compliquée par le vent. Nous n’avons testé qu’une entreprise, Go Campers, et ce, de façon incognito ; nous la recommandons sans hésiter.

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Assurances

Plusieurs locateurs incluent une assurance collision dans leurs prix de location. C’est loin d’être suffisant. La franchise à payer en cas d’incident est astronomique : souvent plus de 3000 $. Pour réduire cette somme, il faut ajouter une assurance collision supplémentaire. Une protection contre les dommages causés par le gravier est aussi fortement recommandée, même sur les routes asphaltées. Quant à l’assurance contre les cendres et le sable, on peut s’en passer à condition de suivre de près les prévisions météo, surtout pour éviter le sable soulevé par de forts vents.

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Combien de temps ?

La route 1 qui fait le tour de l’île s’étend sur 1300 km environ ; on peut la parcourir en entier en moins d’une journée ! Mais pour en profiter vraiment, mieux vaut prévoir un séjour de 10 jours. Une semaine ? C’est serré ! L’itinéraire (dans le sens horaire ou antihoraire) a quant à lui peu d’importance. Les paysages sont beaux, peu importe le côté où ils sont abordés. La météo (notamment le froid du Nord) pourra davantage dicter ce choix. Chose certaine : les routes de classe F sont en tout temps interdites aux véhicules à deux roues motrices.

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Budget

En Islande, tout coûte cher et l’afflux récent de touristes semble avoir fait grimper encore davantage les prix dans les campings, les musées… L’essence se vend autour de 2 $ le litre, un peu moins pour le diésel. Six bières achetées au Vínbúðin (version islandaise de la SAQ) coûtent entre 25 $ et 30 $. Deux burgers et deux colas : 50 $. Le coût de location du VR oscille entre 130 $ et 700 $ par jour, selon le modèle choisi, assurances non incluses. En général, la location de sac de couchages, de chaises de plage et de GPS est en sus.

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Quand y aller ?

La meilleure saison pour faire un road trip en Islande s’étend de la mi-mai à la mi-octobre. La route 1 qui ceinture l’île est alors ouverte sur son entièreté, ce qui n’est pas le cas au cœur de l’hiver. Certaines routes qui mènent à l’intérieur de l’île peuvent n’ouvrir qu’en juin et être fermées en septembre. À savoir : des locateurs de VR restent en activité toute l’année et offrent des véhicules aux campeurs qui ne craignent pas de dormir sous les -20 ℃.

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