Soccer

Un repêchage de la deuxième chance

Certains vivent leur quart d’heure de gloire, d’autres, leur quart d’heure de chance.

Ce dimanche de printemps 2012 s’annonçait comme les autres pour Fred Félix lorsque son téléphone se met à sonner. Au bout du fil, Frederico Moojen, ancien joueur de l’Impact, lui propose de faire un tour au premier camp de repêchage d’universités qu’il organise en compagnie d’Antonio Ribeiro. Le jeune homme de 21 ans s’y présente sans stress, mais en sachant très bien qu’un recruteur recherche un latéral droit.

« Comme ce n’était pas prévu que j’y aille, je suis arrivé en retard. Ils m’ont fait entrer à 15 minutes de la fin, j’ai bien joué et j’ai même marqué le but gagnant de ce match-là, se souvient Félix en entrevue. Un coach m’a ensuite dit qu’il avait bien aimé ma prestation et m’a demandé si j’étais intéressé à aller jouer là-bas. J’en ai parlé à mes parents, à Freddy, puis, après une deuxième offre, on a dit oui. On dirait que tout était prévu. »

Là-bas, c’est en fait l’université William Carey, située à Hattiesburg, au Mississippi. Au mois d’août, il découvre la petite ville de près de 50 000 habitants et un campus typiquement américain. D’un point de vue académique, le changement d’air lui fait du bien. Il avoue que, à l’époque, il se trouvait à une période charnière (« do-or-die ») de son existence.

« À Montréal, ça n’allait pas trop bien à l’école. Je n’étais pas très studieux, disons. Alors, j’ai tout de suite sauté sur cette offre. C’était une deuxième chance parce que je pense que j’allais me faire expulser de l’école. »

— Fred Félix 

« J’avais de mauvaises notes. J’étais entouré de plein d’amis et c’était difficile de me concentrer. Au Mississippi, je n’avais pas vraiment le choix. Je ne voulais pas que mon père gaspille son argent et, là-bas, je ne connaissais personne. J’étais au milieu de nulle part et je n’avais pas le choix de me concentrer. J’habitais sur le campus et il y avait deux activités, le soccer et les études. »

Félix a disputé quatre saisons avec les Crusaders, dans la National Association of Intercollegiate Athletics (NAIA), dont il compare le niveau avec le semi-professionnel québécois. Il a, en quelque sorte, bouclé la boucle en se présentant à titre de recruteur pour l’université William Carey lors d’un récent camp de repêchage Ribeiro-Moojen. Durant sa dernière année universitaire, il a également cumulé les fonctions de joueur et d’assistant à l’entraîneur. « Parfois, c’est moi qui m’occupais de l’échauffement et tout ça », explique-t-il.

Mais sa plus belle réalisation est bien à l’extérieur du terrain, où il a obtenu un baccalauréat en enseignement de l’éducation physique. Alors, où serait-il sans ce dimanche chanceux de 2012 et cette vitrine offerte ? « C’est dur à dire, mais c’est sûr que je n’aurais pas eu mon bac. Peut-être que je serais à l’université en train d’essayer de trouver quelque chose. C’est clair que je ne serais pas en prison parce que j’ai toujours été un gars tranquille, mais peut- être que j’aurais deux ou trois enfants. »

Un essor récent

Le cas de Félix est loin d’être unique. De plus en plus d’écoles et d’agences organisent des événements à l’intention des recruteurs universitaires ou des dépisteurs européens. Les intervenants soulignent la nécessité d’offrir une avenue supplémentaire aux adolescents. 

« De l’âge de 8 à 16 ans, c’est parfait. Mais après, on dirait qu’il n’y avait aucune structure pour ces jeunes-là, mentionne Serge Epoh, cofondateur de Soccer Placement. Je souhaitais rajouter une option supplémentaire avec les universités américaines, mais aussi avec l’Europe, où les jeunes peuvent aller à partir de 18 ans. »

De leur côté, Ribeiro et Moojen font figure de précurseurs avec un premier camp organisé au printemps 2012. Devant le succès grandissant, ils organisent désormais des rencontres distinctes pour les garçons et les filles. Cette année, les deux événements se dérouleront sous le regard de recruteurs d’une vingtaine d’universités. 

« On veut que les jeunes aient une panoplie de choix et que ce soit eux qui décident de leur destination. S’ils veulent quitter Montréal ou rester dans la région, les opportunités sont là », conclut Ribeiro.

Comment ça marche ?

Autour de 80 participants, âgés de 15 à 21 ans, devraient participer au prochain camp organisé par Antonio Ribeiro et Frederico Moojen, au mois de mai. Au minimum, chaque joueur – de niveau AAA – disputera 45 minutes, le samedi et le dimanche, afin de taper dans l’œil d’un recruteur. Des organismes, telle la Fondation Bruny-Surin, commanditent la participation des joueurs les moins fortunés.

Ribeiro prévient : une participation à un camp ne débouche pas automatiquement sur une expérience aux États-Unis. Mais, l’an dernier, plus de la moitié des participants ont reçu une offre de bourse. Et selon son expérience, les joueuses sont plus recherchées que leurs homologues masculins. 

« Les recruteuses américaines aiment les filles québécoises. Ce sont non seulement de bonnes et grandes joueuses, mais elles réussissent également très bien à l’école. »

— Antonio Ribeiro

Ribeiro conseille aux participants de passer le test SAT – nécessaire à une admission à l’université – avant le camp d’évaluation

Serge Epoh, qui a longtemps joué de l’autre côté de l’Atlantique, attire également des recruteurs de clubs européens. Toulouse (Ligue 1) et Lens (Ligue 2) étaient ainsi représentés cette année. 

« En 2015, le recruteur d’Auxerre ne s’attendait pas à voir autant de talents au Québec, relaie-t-il. On est proches des États-Unis, donc, c’est assez physique au niveau du jeu. Mais, comme le recruteur l’a vu l’année dernière, il y a des jeunes qui viennent du monde entier. Il y a aussi ce bagage technique qui s’est mis en place. » 

Deux joueurs ont d’ailleurs participé à un stage à Auxerre après le camp de 2015. Cette année, 20 joueurs vont finaliser leurs démarches pour intégrer une université ou l’Académie de l’Impact. Chez les filles, neuf d’entre elles ont été recrutées.

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