POLITIQUE

Laurent Lessard contredit par son prédécesseur péquiste

L’ancien député de Frontenac nie catégoriquement avoir mis de l’avant le projet résidentiel au cœur de la controverse touchant le ministre des Transports

QUÉBEC — Le ministre des Transports Laurent Lessard ment quand il soutient qu’il n’a que repris des dossiers de son prédécesseur péquiste quand il est allé faire pression pour un projet de coopérative d’habitation en 2003, soutient l’ancien député de Frontenac, le péquiste Marc Boulianne.

La Presse révélait hier que M. Lessard, à l’époque où il était secrétaire parlementaire du ministre des Affaires municipales Jean-Marc Fournier, s’était retrouvé dans les bureaux de la Société d’habitation du Québec (SHQ) pour faire pression sur la direction afin qu’un projet parrainé par son employé Yvon Nadeau soit approuvé. M. Nadeau se trouvait aussi à la réunion, dirigeant la présentation que le député Lessard avait cautionnée de sa présence.

Peu après l’élection du Parti libéral, le tandem demandait des dérogations aux normes du programme AccèsLogis de la SHQ afin de faire subventionner un projet à l’architecture particulière – les appartements étaient de forme hexagonale.

Joint chez lui à Sherbrooke, l’ancien député péquiste Marc Boulianne est formel. Un tel projet ne se trouvait pas dans ses cartons quand il a mordu la poussière face à Laurent Lessard dans Frontenac, en 2003.

« D’abord, des appartements de forme hexagonale, je n’ai jamais vu ça ! »

— Marc Boulianne, député de Frontenac de 1998 à 2003

En outre, « je n’ai jamais mis de l’avant un projet d’habitation qui dérogeait aux normes de la SHQ, qui aurait eu besoin d’une dérogation », ajoute l’ex-député. Finalement, il assure que jamais, durant toute sa carrière politique, il n’a demandé une rencontre avec la direction de la SHQ pour faire des demandes pour un projet ni participé à une telle rencontre.

UNE CONCEPTION HORS NORME 

Le projet en question, « Agora », était une coopérative de « solidarité », et non d’habitations qui sont destinées aux personnes à faibles revenus. À ce titre, il prévoyait des espaces commerciaux que ne peut subventionner la SHQ. En outre, la SHQ avait vite jugé irrecevable la conception architecturale : des appartements en hexagone qui auraient coûté beaucoup plus cher à construire.

Avant de frapper à la porte de la SHQ, M. Nadeau avait tâté le terrain au ministère des Finances pour des avantages fiscaux. Comme le projet n’était pas viable sans un coup de pouce de l’État, le refus des deux organismes avait signé l’arrêt de mort du projet du responsable du bureau de circonscription de Laurent Lessard.

En début de journée hier, M. Lessard a défié les journalistes pour qu’ils interrogent son prédécesseur. « Quand je suis arrivé comme député, j’ai repris les dossiers de Marc Boulianne, mon prédécesseur. M. Boulianne travaillait fort avec ce groupe-là auprès de la SHQ. Posez la question à M. Boulianne ! », a lancé M. Lessard. Des sources proches de ces tractations à l’époque ne se souviennent pas d’interventions du député péquiste auprès de la SHQ pour le dossier « Agora ».

M. Lessard ne s’offusque pas que son employé de circonscription puisse occuper plusieurs postes. Il laisse entendre que M. Nadeau ne tire que des revenus minimes de sa gestion d’un site de location de chalets au pied du mont Adstock subventionné par Québec. « Je connais des députés qui ont deux emplois », a-t-il soutenu.

POURQUOI CE TIR CROISÉ ?

Laurent Lessard s’interroge sur ce qui, subitement, l’a mis sur la sellette depuis qu’il est passé au ministère des Transports, le plus important donneur d’ouvrage au Québec.

« Je ne comprends pas, je suis le même gars qu’avant, quand j’étais aux Forêts. Depuis que je suis aux Transports, pourquoi ce tir groupé tout à coup ? Parce que j’ai dans mon mandat de modifier le processus d’octroi des contrats ? Je ne le sais pas ! »

— Laurent Lessard, ministre des Transports

« Je cite une coïncidence, je ne présume de rien », a-t-il lancé, refusant de dire s’il estimait que la machine administrative à Québec ou des soumissionnaires avaient intérêt à lui mettre des bâtons dans les roues.

M. Lessard soulignait aussi ne pas connaître John MacKay avant sa nomination à la Société d’habitation du Québec. « Je ne le connaissais pas avant, appelez aux emplois supérieurs pour connaître ses qualifications », a dit M. Lessard, qui était titulaire des Affaires municipales lors de la nomination de cet organisateur de longue date du Parti libéral de la région de Québec. Récemment, M. MacKay a été nommé président de la Société des établissements de plein air (SEPAQ), encore sous la responsabilité de M. Lessard, alors passé aux Forêts.

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