OPINION AIDE MÉDICALE À MOURIR

Testons la validité de la loi fédérale

Je vous supplie, monsieur le ministre Barrette, de compatir avec ces personnes qui se tordent de douleur et dont le droit est impunément bafoué

Monsieur le ministre de la Santé Gaétan Barrette,

Au nom d’Hélène L., de Gisèle Pérusse Soyez, de Louise Laplante et de toutes les autres personnes, percluses de douleur, qui doivent se laisser mourir de faim et de soif, je viens vous supplier de faire une référence à la Cour d’appel du Québec pour tester la validité de la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir afin que les personnes qui, comme elles, sont atteintes de maladies graves et irrémédiables, et qui souffrent de façon intolérable, mais dont la mort n’est pas immédiatement prévisible, puissent avoir recours à l’aide médicale à mourir.

Je vous adresse cette demande pressante parce que je sais que vous êtes convaincu que cette situation est « cruelle et inhumaine », que la loi fédérale « ne répond pas entièrement à l’arrêt Carter », et surtout parce que je suis convaincu que, comme homme public, il est de notre devoir moral d’intervenir, quand on en a les moyens, pour protéger les personnes dont la souffrance est intolérable, « râlantes, recroquevillées, qui courent après leur souffle… comme un chien écrasé ».

Si c’est ça, une société civilisée inclusive qui doit protéger la dignité des plus vulnérables…

Ce qu’il y a de révoltant, et de proprement inhumain, c’est que depuis l’arrêt Carter, la Cour suprême a autorisé les patients qui souffrent de cette façon à bénéficier de l’aide médicale à mourir en obtenant une autorisation judiciaire, de la même manière que celles qui étaient en fin de vie. Il y a eu au moins quatre autorisations judiciaires à cet effet : en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique et en Alberta (Cour d’appel unanime).

Le Parlement fédéral a annulé ce droit le 17 juin dernier, bien qu’au Sénat, on ait cherché à obtenir du gouvernement de demander directement à la Cour suprême si cette décision était constitutionnelle ; le gouvernement a refusé. Dans un pays comme le Canada, on ne doit pas approcher la vie et la mort des gens dans l’à peu près légal. Dans des cas aussi sérieux que ceux-là, il faut être clair et aussi, disons-le, rester humain. Il y a des personnes qui souffrent le martyre et dont c’est le droit de décider de leur fin de vie.

Vous avez le pouvoir, comme ministre et comme gouvernement, d’intervenir ; vous vous devez, comme médecin, en votre âme et conscience, de faire un geste courageux pour mettre fin à cette situation révoltante.

Bien sûr, il y a une contestation de la loi fédérale, initiée en juin en Colombie-Britannique par Julia Lamb. Mais on attendra encore des années avant que la Cour suprême ne se prononce, et le ministre fédéral de la Justice a déjà mis tout son arsenal d’avocats et d’arguments en branle pour empêcher que Mme Lamb soit entendue rapidement et obtienne une décision favorable. C’est honteux et indigne de la protection des droits due à ces personnes. Il faut mettre fin à cette cruauté le plus rapidement possible.

Le gouvernement du Québec a cru opportun en 2013 de référer à la Cour d’appel le statut du Sénat ; en 2014, l’avenir du registre des armes à feu ; et en 2015, le contrôle du marché des valeurs mobilières. Récemment, il n’aura fallu que trois mois pour régler le cas des pitbulls.

Je vous demande de faire diligence, dans des circonstances beaucoup plus tragiques.

Je vous supplie de compatir avec ces personnes qui se tordent de douleur, et dont le droit est impunément bafoué. Le Québec avait pris les devants avec la Loi concernant les soins de fin de vie en 2014.

M. le ministre, de grâce, posez la question à la Cour d’appel du Québec pour que nous redevenions la société compatissante qui fait notre force.

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