Agression contre Philippe Couillard

Un jeune trans s’en prend au premier ministre

« Viva la révolución! », a hurlé Esteban Torres en lançant de toutes ses forces un objet non identifié au premier ministre du Québec.

Philippe Couillard l’a reçu en pleine poitrine.

Immédiatement, ses gardes du corps se sont rués vers lui et l’ont escorté vers un édifice situé à quelques dizaines de mètres de là, où il s’est engouffré. D’autres personnalités politiques, dont la ministre Christine St-Pierre, ont aussi été évacués à toute vitesse sous le regard ébahi de la foule rassemblée.

Esteban Torres, 20 ans, militant transgenre bien connu au sein de la communauté LGBT, a pour sa part été empoigné aux bras et aux jambes par deux agents du Service de police de Montréal et conduit à l’écart, où il a été arrêté. « Solidarité », a crié en espagnol le jeune homme avant de disparaître derrière une porte.

La Sûreté du Québec (SQ), chargée de l’enquête puisque la victime est le premier ministre, a confirmé qu’un homme avait « tenté de s’en prendre au premier ministre en lui lançant un objet ». Philippe Couillard n’a pas été blessé. C’est le service des enquêtes sur les crimes majeurs qui tentera de faire la lumière sur cette affaire qui soulève des questions tant sur la sécurité du premier ministre que sur les véritables intentions du jeune agresseur. 

« Il est encore trop tôt pour déterminer les motifs de l’agression » ou « la nature des chefs d’accusation auxquels le suspect pourrait faire face », explique le porte-parole de la SQ Claude Denis.

CÔTE À CÔTE

Dans les minutes précédant l’agression, les deux hommes étaient pratiquement côte à côte. Le jeune militant avait pris la parole un peu plus tôt dans le cadre de la veillée en plein cœur du village gai à Montréal à la mémoire des victimes de la tuerie d’Orlando, où s’étaient réunis plusieurs centaines de personnes et de nombreux élus fédéraux, provinciaux et municipaux.

M. Torres avait dénoncé avec beaucoup d’émotion l’islamophobie, le racisme, l’homophobie et la transphobie, prononçant plusieurs phrases en espagnol en l’honneur des nombreuses victimes d’origine latino-américaine à Orlando et s’arrêtant souvent, la gorge nouée par l’émotion.

Quelques minutes plus tard, c’était au tour de Philippe Couillard de s’adresser à la foule. Il a été accueilli par de nombreuses huées lancées notamment par des membres du Pink Block, groupe anticapitaliste, queer et féministe, dont fait partie Esteban Torres, qui avait été invité par les organisateurs par souci d’inclusion. Le même accueil a été réservé au maire Denis Coderre et à la ministre de Patrimoine canadien Mélanie Joly. 

Irrité, l’animateur de la soirée, le comédien Jasmin Roy, a rappelé la foule à l’ordre à plusieurs reprises. « On a des ministres et un premier ministre qui sont ici. Il y a quelques années, ça n’aurait pas été possible », a-t-il dit.

EN UN INSTANT

C’est peu après cette intervention, après un moment de silence observé à la mémoire des victimes du bar Pulse, que M. Torres s’en est pris à M. Couillard, debout à quelques mètres à peine de lui sur la scène.

Vu la quantité de gens massés devant la tribune, la nature exacte des gestes posés par le militant n’est pas claire. Tout s’est passé très vite.

Selon des témoins qui se trouvaient tout près, il aurait lancé quelque chose en direction de M. Couillard, qui ressemblait à une boule, en faisant le geste de vouloir le frapper. 

Le président de Fierté Montréal, Éric Pineault, a rapidement dénoncé le geste du jeune orateur, venu assombrir une soirée qui se voulait pacifique et rassembleuse.

« C’est un homme trans qui est très militant. Je condamne son geste. La violence n’est jamais la réponse. Ce n’est pas comme ça qu’on va faire avancer la société. »

— Éric Pineaut, président de Fierté Montréal, au sujet du jeune agresseur

M. Pineault avait du mal à comprendre les motifs qui ont poussé Esteban Torres à s’en prendre ainsi au politicien, venu appuyer la cause LGBT au Québec. « Il y a des personnes qui vivent des choses difficiles. Qui vivent beaucoup de discrimination », dit-il, qualifiant l’agression de « déplorable ».

Les membres du Pink Blok présents hier n’avaient pas plus d’explications. Sous le choc, ils ont dit souhaiter parler à Esteban Torres avant de s’adresser aux médias.

SOIRÉE DE SOLIDARITÉ

La soirée avait pourtant bien commencé. Des centaines de personnes se sont massées rue Sainte-Catherine, vers 19 h. « Je trouve Montréal particulièrement lumineuse », a lancé d’entrée de jeu l’animateur, Jasmin Roy, en contemplant la foule.

Éric Pineault a ensuite invité les personnalités publiques encore dans le placard à « faire leur coming-out ». « Soyons visibles. Soyons fiers de ce que nous sommes. »

La députée de Québec solidaire Manon Massé a reçu une salve d’applaudissements après avoir déclaré au micro « Je suis lesbienne ». « Honnêtement, je ne crois pas que je viens de vous annoncer quelque chose », a-t-elle ajouté en riant.

Le député libéral de l’Alberta Randy Boissonnault, premier député ouvertement homosexuel dans cette province, a témoigné en français de la solidarité de son gouvernement envers la communauté dont il fait partie.

« Avec le temps, en bâtissant des ponts avec toutes les communautés, l’amour vaincra. »

L’événement s’est terminé par la lecture à haute voix du nom de chacune des 49 victimes tuées à Orlando.

Agression contre Philippe Couillard

Rien ne laissait présager une attaque contre Couillard

Aucune menace sur les réseaux sociaux, auprès de la police ou du cabinet politique de Philippe Couillard. Rien n’annonçait l’incident survenu hier soir, ont confié à La Presse des sources policières. La sécurité physique du premier ministre n’a pas été compromise. Le militant de gauche aurait lancé le contenu de son verre en direction du visage du premier ministre, selon les rapports préliminaires hier soir. Pour les responsables de la sécurité des personnalités, cet incident illustre la difficulté de doser l’encadrement d’un politicien qui tient à être dans la foule et à y circuler pour serrer des mains. On ne peut filtrer les gens qui l’approchent, explique-t-on. Le nombre de policiers autour de Philippe Couillard, hier, était suffisant pour faire face à la situation, assurent nos sources. 

— Denis Lessard, La Presse

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