Opinion : Anniversaires de Montréal et du Canada

Le respect des Autochtones passe par la connaissance de leur histoire

Cette année, les célébrations du 150e anniversaire du Canada nous permettront de nous interroger sur la signification historique de la fondation de notre pays. Quant à Montréal, ou Tiohtiá:ke, elle fêtera son 375e anniversaire. Toutefois, son histoire remonte à bien plus loin, puisque les membres de la nation Kanien’kehá:ka sont les dépositaires des terres où se trouve la ville et que celles-ci sont connues historiquement pour avoir servi de lieu de rassemblement à nombre de peuples des Premières Nations (Whitebean et Hele, 2017).

Malheureusement, cette histoire est mal connue, comme l’a déclaré la Commission de vérité et réconciliation dans le sommaire de son rapport final : « Un trop grand nombre de Canadiens ne savent pas grand-chose, voire rien du tout, sur les racines historiques profondes de ces conflits. Le manque de connaissances historiques a d’importantes répercussions pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ainsi que pour l’ensemble du Canada. Ainsi, dans les cercles gouvernementaux, cela donne lieu à de mauvaises décisions en matière de politiques publiques. Dans le domaine public, ce manque de connaissances a également pour effet de renforcer les attitudes racistes et d’alimenter la méfiance entre les Autochtones et les autres Canadiens. »

Ce constat a été confirmé par l’étude sur les Autochtones vivant en milieu urbain, réalisée en 2010 par l’Institut Environics auprès de Canadiens non autochtones pour évaluer leur connaissance des peuples autochtones d’aujourd’hui.

Ainsi, seulement 15 % des Canadiens non autochtones connaissent l’histoire de la colonisation au Canada, les apports culturels des Autochtones et certains des obstacles que ces derniers rencontrent, comme le racisme ou les inégalités scolaires et économiques.

Étant professeure dans une université qui accueille des étudiants venus des quatre coins du globe, je ressens une douleur particulièrement vive lorsque j’apprends de la bouche de mes étudiants qu’ils ont déjà entendu utiliser en classe le terme « sauvages » pour désigner les Autochtones. Quand cette dénomination et d’autres noms racistes dans la même veine sont utilisés dans ma classe, je suis en mesure d’éduquer les étudiants et de faire en sorte que ces écarts de langage ne se reproduisent pas.

En revanche, du fait que l’histoire des peuples autochtones et la réalité qui est la leur sont tenues pour négligeables, nombre d’éducateurs sont, de leur propre aveu, ignorants de l’histoire autochtone et de ses liens avec la violence coloniale actuelle. Or, plutôt que d’attaquer le racisme de front, on préfère se voiler la face et laisser les élèves autochtones ressentir de la colère envers leurs professeurs et leurs camarades de classe ignorants, et de la frustration à l’idée que, s’ils n’éduquent pas eux-mêmes ces personnes, nul ne le fera à leur place.

Le Québec bon dernier

Les appels à l’action lancés par la Commission de vérité et réconciliation ont explicitement demandé aux écoles d’enseigner ce qui s’est passé dans les pensionnats autochtones et d’intégrer les connaissances autochtones dans les programmes scolaires, dans l’espoir de commencer à combattre l’ignorance et de faire des écoles un lieu plus accueillant pour les élèves autochtones. À l’heure actuelle, le Québec se classe bon dernier au Canada en ce qui a trait à la prise en compte de la réalité autochtone dans les programmes scolaires de la province, et ce, malgré l’action militante de l’association Femmes autochtones du Québec et, ces dernières années, de nombreux organismes autochtones et non autochtones.

L’histoire nous l’a montré : bâtis sur les modèles de connaissance occidentaux, les systèmes scolaires ont été un des rouages du processus de colonisation. À l’heure où Montréal et le Canada s’apprêtent à célébrer un anniversaire important, il est indispensable que la pédagogie et les modèles de connaissance autochtones puissent jouer un rôle central dans tout projet de transformation ou de réforme des programmes scolaires. Informez-vous, sensibilisez vos proches et aidez-nous à faire changer les systèmes scolaires. Comme le veut l’adage : les petits cours d’eau font les grandes rivières.

* Métisse de Saint-François-Xavier, au Manitoba, Elizabeth Fast est conseillère spéciale sur les devenirs autochtones auprès du vice-recteur exécutif de l’Université Concordia et professeure adjointe au département des sciences humaines appliquées. Ses travaux portent sur les liens entre l’identité, le sentiment d’appartenance et la violence coloniale chez les jeunes Autochtones.

* Citoyenne canadienne et américaine d’ascendance européenne mixte, Brenda Cleary est originaire de Denver, au Colorado, territoire traditionnel des peuples ute, cheyenne et arapaho. Artiste communautaire et éducatrice, elle étudie aux cycles supérieurs à l’Université Concordia. Elle s’intéresse à la prévention du suicide chez les jeunes grâce à la construction d’une identité positive.

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