Sexe, mensonges et autres dérapages

242 sanctions disciplinaires en cinq ans

Aider un ami criminel, faire un geste sexuel devant une garderie, pointer son arme sur un collègue, discuter avec un journaliste : les policiers montréalais ont été sanctionnés à 242 reprises depuis cinq ans par la Division des affaires internes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Les pratiques controversées de cette division sont d’ailleurs scrutées à la loupe par la Sûreté du Québec (SQ) et la commission Chamberland.

Des suspensions clémentes

Plus d’une vingtaine de policiers du SPVM ont écopé de suspensions clémentes pour leur négligence ou leur insouciance depuis cinq ans. Un policier qui avait pointé son arme de service sur le dos d’un collègue s’en est tiré avec trois jours de suspension, alors qu’un confrère qui avait laissé échapper un coup de feu près d’un « bac de déchargement » a été seulement réprimandé. Même sanction pour un policier qui avait égaré son gilet pare-balles et deux chargeurs de pistolet ou pour un autre qui avait prêté son ceinturon et son étui de pistolet à un citoyen. Ajoutons que le fait d’avoir libéré le mauvais détenu n’a valu qu’un simple avertissement à un policier.

De graves écarts de conduite

Mensonges, drogue, violence : au-delà de la négligence, de nombreux policiers ont eu de graves écarts de conduite. Un policier a été destitué pour avoir menacé de mort un confrère d’un autre corps policier, mais a été reconnu non coupable à son procès. Dans une autre affaire, un officier a écopé de 60 jours de suspension pour avoir signé un faux rapport et avoir incité un agent à le rédiger et à mentir. Deux policiers ont été pincés pour consommation de drogue, tandis qu’un autre a laissé « deux jeunes filles fumer, en sa présence, de la marijuana à son propre domicile ».

« Dans la bonne direction »

Les policiers du SPVM ont écopé de 121 suspensions et de 106 réprimandes entre le 1er janvier 2012 et le 21 février dernier, révèle un document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics. Il s’agit d’une moyenne de 48 sanctions disciplinaires par année pour environ 4500 policiers. Aucun nom n’est indiqué dans le document. Le SPVM s’en « va dans la bonne direction » grâce aux efforts mis dans la prévention, assure la commandante Marie-Claude Dandenault. « Depuis 10 ans, on a baissé de moitié [le nombre de sanctions]. Mais évidemment, 50, ce n’est pas un chiffre qui fait notre affaire. On voudrait le plus bas possible », précise-t-elle.

Fréquentations douteuses

Un policier a été destitué pour avoir « fréquenté ou fraternisé avec des personnes et/ou des endroits de réputation douteuse ou criminelle » dès juillet 2006. Il n’a pas été accusé au criminel. Un collègue a écopé de deux jours de suspension pour avoir aidé un ami arrêté dans une « perquisition d’envergure » liée à un « complot d’importation de 1100 kg de cocaïne » à récupérer sa voiture saisie. Il a reçu cinq jours de plus pour être resté en contact avec lui en prison. Dans un cas inusité, un policier a été suspendu deux jours pour avoir eu « l’intention de solliciter certains trafiquants de stupéfiants de son secteur pour l’achat de coupons provenant d’un organisme de charité […] afin d’en faire distribution à des familles dans le besoin ».

Des gestes à caractère sexuel

Une poignée de policiers ont été sanctionnés pour des gestes ou des écrits à caractère sexuel. L’un d’eux a même été destitué pour avoir eu des « rapprochements physiques avec une jeune fille la sachant juvénile », mais a été reconnu non coupable au criminel. Dans un autre cas, un policier a été suspendu 15 jours pour avoir eu un « comportement à caractère sexuel dans son véhicule stationné devant une garderie ». Son geste n’a pas été précisé. « Si le geste à caractère sexuel était vraiment de nature criminelle, il aurait été accusé au criminel », a soutenu la commandante Dandenault. Quelques policiers ont été surpris à envoyer des courriels ou des messages textes à caractère sexuel. Cinq jours ont été imposés à l’un d’eux pour des courriels à « connotations sexuelles explicites déshonorantes ».

Comportement déplacé

Certains policiers ont été blâmés pour leur insistance ou leur comportement déplacé envers des citoyennes. Les deux agents qui avaient fait les manchettes en mai 2014 lorsqu’ils ont été aperçus dans leur voiture de patrouille avec deux jeunes femmes à leurs côtés ont été mutés. Un policier a été suspendu une journée pour avoir abordé des citoyennes pour que celles-ci lui donnent leur numéro de téléphone. En avril 2016, un policier s’est rendu chez une citoyenne pour lui dire qu’il annulait son constat d’infraction remis la veille. Dans un autre cas, le policier a écopé de 25 jours pour son « comportement inapproprié avec une plaignante victime de son secteur ».

Poursuite automobile

La conduite automobile arrive au premier rang des motifs disciplinaires, avec 35 sanctions depuis 2012. Dans la majorité des cas, les policiers se sont lancés dans une poursuite en voiture sans respecter les règles. En effet, ceux-ci doivent entreprendre une poursuite seulement si la vie ou l’intégrité physique d’une personne est gravement menacée. Le SPVM a d’ailleurs serré la vis dans les dernières années, souligne la commandante Marie-Claude Dandenault. « La nouvelle procédure est un peu plus serrée, parce qu’on connaît les conséquences possibles. Il y a des risques associés à une poursuite automobile. C’est à haute vitesse et on est dans un contexte urbain », explique l’officière.

Dans la tourmente

La Division des affaires internes du SPVM est dans la tourmente depuis que d’anciens hauts dirigeants du corps policier ont allégué que leurs collègues des affaires internes avaient déjà fabriqué des preuves pour mener des enquêtes. Dans la foulée de ces révélations, la Sûreté du Québec a pris en charge tous les dossiers du Module des enquêtes spéciales qui se concentre sur les enquêtes criminelles. Ainsi, le SPVM continue de diriger les enquêtes relatives au Règlement sur la discipline interne. Les documents obtenus par La Presse ne contenaient aucune information sur les dossiers des enquêtes spéciales.

— Avec William Leclerc, La Presse

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