Personnalité de la semaine

Sarah Laprise

Elle a aidé 14 jeunes à réaliser un rêve : gagner une compétition de robotique, aux États-Unis. Sarah Laprise est notre personnalité de la semaine.

Sarah Laprise est prof de sciences à Verdun. Elle a été formée pour enseigner la chimie et la biologie. Elle travaille à l’école secondaire Monseigneur-Richard, auprès des élèves des trois premières années. Déjà là, elle mérite une médaille, diront certains parents d’ados qui trouvent bien courageux ceux dont le défi quotidien est d’apprendre à nos jeunes – qui ont de 12 à 15 ans dans ce cas – comment construire leur cœur et leur cerveau à l’aube de la vie adulte.

Mais si Sarah Laprise a été choisie personnalité de la semaine, c’est parce qu’elle a décidé d’aller un peu plus loin, d’en faire un peu plus et d’aider 14 jeunes à réaliser un rêve : gagner une compétition du concours FIRST Robotics, aux États-Unis.

C’est la première fois qu’une équipe comme celle-là, sortie des sentiers battus, accomplit un tel exploit.

Mme Laprise, 42 ans, dont 17 ans passés en enseignement, n’était pas obligée de faire tout ça. Son école lui avait demandé d’intégrer la robotique dans ses cours de sciences, dans le cadre d’un programme enrichi appelé Science 2.0, ce qu’elle a fait en allant chercher un peu de formation pour pouvoir apprendre aux élèves à construire et programmer de petits robots en briques Lego.

Concours, activités, tout s’était passé comme prévu. Sauf que lorsqu’on participe à des compétitions de petits robots, on voit aussi qu’il y a des compétitions de gros robots juste à côté, ce qui fascinait ses jeunes. Ils se sont donc mis à demander à leur prof de passer à l’étape supérieure. Ils ont insisté, redemandé et redemandé… Et elle a décidé de les écouter et d’essayer de dépasser, avec eux, les limites qu’ils s’étaient d’abord fixées. Ainsi a commencé l’aventure des « gros robots », ceux qui ne sont pas en Lego, ceux qu’on lance dans une arène pour participer à un jeu en équipe, souvent avec de parfaits inconnus.

Travail d’équipe

Pour monter tout ça en deux ans, Mme Laprise a dû s’entourer de gens qui connaissaient la robotique, aller chercher des sous… Ainsi est née une équipe de quatre autres adultes, parmi lesquels des parents et un ingénieur à la retraite, prêts à encadrer les 14 jeunes.

« Moi, je m’occupe de les encourager, de les aider à accomplir ce qu’ils veulent. »

— Sarah Laprise

D’autres fournissent l’expertise.

Mme Laprise est donc là pour faire bouger les troupes, pour aller chercher leur motivation. Elle est là quand il y en a de très, très déçus après des défaites, pour leur dire que ce n’est pas la fin du monde, que la peine est fondée, mais va partir, qu’il faut continuer. Elle en a aussi amené plusieurs à travailler fort, à briller dans le cadre de cette activité, alors que ce ne sont pas du tout des premiers de classe. Mme Laprise croit beaucoup à la diversité en enseignement. Au fait que tous les enfants n’apprennent pas de la même façon, avec les mêmes recettes…

Tous ces efforts ont amené la bande, les Robucks de Verdun, à Troy dans l’État de New York, en mars dernier. Une grande compétition où les équipes doivent créer des alliances. C’est là que la troupe de Mme Laprise a attiré l’attention de deux équipes américaines, des gens de Brooklyn et de Latham, qui trouvaient que le BB8 des Québécois était un robot bien efficace. Et ensemble, ce trio scolaire international est arrivé premier.

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J’ai parlé longuement avec Mme Laprise en milieu de semaine, des raisons qui l’avaient incitée à lancer ces projets, de sa vision passionnée de l’enseignement, de ce qui la différenciait des autres profs. On a parlé de tas de choses, mais le lendemain, elle m’a envoyé un courriel où elle expliquait quelque chose de crucial.

« Ce qui m’a amenée là ? En enseignement ou en robotique ? Au final, les deux se rejoignent, je voulais faire la différence, enseigner différemment. Je suis hémiparétique. [L’hémiparésie est une paralysie partielle, parfois légère, d’une moitié du corps.]

« J’ai eu un primaire horrible et un secondaire plus acceptable grâce à mes amis et à des enseignants qui voyaient beaucoup plus en moi que ma boiterie et mon œil croche… »

— Sarah Laprise

« C’est d’ailleurs l’une des premières choses que je dis à mes nouveaux élèves : je me nomme et je leur dis que mon œil est croche et qu’ils s’habitueront, je fais de nombreuses blagues à ce sujet et je dédramatise, je ris lorsque j’échappe un objet ou que mon genou refuse de réagir. Je veux leur montrer que, malgré tout, avec des efforts, on peut réussir et que rien ne peut les arrêter s’ils croient en eux. Que moi aussi je me suis déjà fait dire que je ne finirais pas mon secondaire… Sans tomber dans le mélodrame, ça explique ce que je suis devenue. J’ai plusieurs personnes en tête qui doivent se dire : “Je ne pensais jamais qu’elle se rendrait là.” »

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