Vol au-dessus d’un nid de coucou

Les soins psychiatriques, d’hier à aujourd’hui

On parle beaucoup de la maladie mentale, moins souvent de ses traitements. La pièce Vol au-dessus d’un nid de coucou (inspirée du roman du même nom de Ken Kesey), présentée ces jours-ci au Rideau Vert, rappelle cruellement qu’il n’y a pas si longtemps se pratiquait une « castration » du cerveau, dans diverses « salles de torture », histoire de « tranquilliser » les patients récalcitrants. D’où la question : que reste-t-il de la lobotomie, des électrochocs, des camisoles de force ? Le point avec Marie-Ève Cotton, médecin psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

La lobotomie

Dans la pièce de théâtre, on présente la lobotomie comme une « intervention chirurgicale en cas de violence extrême et incontrôlable ». Le personnage principal, McMurphy, subit un tel traitement après avoir quasiment étranglé l’infirmière. Il en ressort en étant l’ombre de lui-même, dans un état quasi végétatif.

Dans les faits, la lobotomie, une opération « intracérébrale », a été inventée en 1935 (et a valu à son inventeur, Egas Moniz, un prix Nobel de médecine en 1949), histoire de diminuer les « manifestations » des patients souffrant de névroses, les schizophrènes et les bipolaires notamment, pour qui il n’existait à l’époque aucun autre traitement. « C’était avant l’avènement des stabilisateurs d’humeur » (lithium), signale aussi la psychiatre. On ouvrait alors le crâne pour sectionner une petite partie du cerveau, et effectivement, les malades avaient ensuite moins de symptômes. « Mais c’est sûr que les lésions cérébrales entraînaient des problèmes cognitifs et des changements dans l’état d’être », précise-t-elle.

Aujourd’hui ? Sauf erreur, la lobotomie n’est pas formellement interdite au Canada. « Mais je n’ai jamais vu ça dans ma pratique », assure la psychiatre. Cela dit, en théorie, « dans les livres », on continue de préciser que « dans certains cas de troubles […], ce pourrait être une mesure de dernier recours. […] Mais ça m’étonnerait beaucoup qu’il y en ait eu depuis les années 60 », croit la psychiatre. En effet, avec l’apparition des antipsychotiques, l’usage de la lobotomie a pour ainsi dire disparu. « La médication n’a pas le désavantage d’apporter de troubles cognitifs », insiste-t-elle.

Les électrochocs

Dans la pièce de théâtre, on entend à plusieurs reprises des patients recevoir des électrochocs « branchés sur le 220 ». Le traitement, dit-on, était ici utilisé « en cas de signe de violence ». En un mot : en guise de punition auprès des patients récalcitrants.

Ce qu’il faut savoir, c’est que les premiers électrochocs ont été administrés en 1938, en guise de simulation sur le cerveau d’une crise d’épilepsie. À l’époque, les chercheurs ont en effet constaté que les patients schizophrènes qui faisaient une crise d’épilepsie avaient moins de symptômes schizophréniques par la suite. « C’est cette observation […] qui a déclenché la découverte de l’usage médical des électrochocs », signale la psychiatre.

Par la suite, et pour des raisons qu’on ne saisit pas encore parfaitement, on a aussi constaté un effet positif des électrochocs sur l’humeur : en posant des électrodes sur les tempes et en amenant un courant dans le cerveau, on a découvert qu’on libérait des neurotransmetteurs, lesquels agissent ensuite sur l’humeur, notamment des personnes avec des troubles bipolaires.

« Le cerveau est l’organe le moins connu. […] C’est clair qu’il y a une efficacité, mais quel est précisément le mécanisme ? […] On ne le sait pas précisément », explique Marie-Ève Cotton, médecin psychiatre.

À une époque où les droits des malades placés dans des « asiles » étaient plus ou moins respectés, la psychiatre concède qu’il a pu ici y avoir « des dérapages » et des « abus de pouvoir ».

Aujourd’hui ? Depuis la découverte des antidépresseurs, les électrochocs sont devenus des traitements « d’exception », dit-elle, réservés aux « dépressions sévères, majeures, résistantes aux médications ». Désormais toujours sous anesthésie générale, l’opération ne dure qu’une minute, et le patient est ensuite immédiatement réveillé.

Les camisoles de force

Toujours dans la pièce de théâtre, on voit des patients ligotés dans une camisole de force pour subir des électrochocs. Qu’en est-il aujourd’hui ?

« La contention n’est plus pareille, assure la psychiatre. Aujourd’hui, on utilise des bandes de cuir aux poignets et aux chevilles. »

La psychiatre justifie la « contention » par des exemples très concrets. « J’ai déjà eu un patient convaincu qu’il avait une caméra dans l’œil et qui voulait se l’arracher… », dit-elle.

C’est dans ces contextes bien précis, histoire de limiter les dégâts, qu’on va donc immobiliser un patient avant de lui administrer un calmant, pour ensuite le « décontentionner au plus vite », résume-t-elle.

« C’est utilisé seulement dans des cas extrêmes, et on fait ça le plus court possible. »

Vol au-dessus d’un nid de coucou, mise en scène par Michel Monty, inspirée du roman de Ken Kesey (1962), est présentée jusqu’au 23 avril au Rideau Vert.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.