Chine

Thérapies forcées pour des homosexuels

Bien que l’homosexualité ne soit plus officiellement considérée comme un crime ou une maladie mentale en Chine, des établissements de santé publics et privés du pays continuent d’offrir des « thérapies de conversion » visant à changer l’orientation sexuelle des individus.

Des attitudes changeantes

L’attitude de la société chinoise par rapport à l’homosexualité a grandement fluctué au cours de l’histoire du pays, relate Human Rights Watch dans un rapport paru il y a quelques jours. Les relations anales entre hommes ont été retirées du Code pénal en 1907, mais un certain flou juridique a persisté jusqu’en 1984, lorsque cette pratique sexuelle a été associée par un haut tribunal à des « activités de hooliganisme ». Le Code criminel a été révisé en 1997, établissant sans ambiguïté la légalité des relations sexuelles entre hommes. La Société de psychiatrie chinoise a ensuite retiré en 2001 l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Les organisations LGTBQ ont enregistré des gains non négligeables depuis ce temps, mais les protections juridiques contre la discrimination demeurent déficientes, favorisant les dérives.

Une forte pression

Bien que l’homosexualité soit légale, nombre de parents réagissent mal en apprenant que leur enfant fait partie de la communauté LGTBQ. Human Rights Watch explique que cette réaction découle en partie du fait que les familles souhaitent que leur progéniture ait des enfants et prolonge leur lignée. La politique de l’enfant unique, qui a été révisée en 2016 pour permettre à chaque couple d’en avoir deux, a longtemps alimenté les pressions à ce sujet. L’interdiction du mariage homosexuel et l’impossibilité pour les couples gais d’adopter un enfant contribuent aussi au phénomène. Même si l’homosexualité n’est pas une maladie et que les « thérapies de conversion » n’ont aucune valeur médicale, des parents décident d’y avoir recours en pensant pouvoir changer les choses et exercent de fortes pressions sur leur enfant pour le contraindre à collaborer.

« Mon père m’a dit qu’il ne savait pas comment il pourrait continuer à vivre et à faire face aux autres membres de sa famille si les gens découvraient que je suis gai. Il me suppliait d’aller en thérapie… À ce stade, qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? »

— Xu Zhen

Privés de liberté et intimidés

Parmi les 17 personnes interviewées par Human Rights Watch, cinq ont indiqué avoir été retenues contre leur gré dans des hôpitaux psychiatriques et soumis à de sévères restrictions de mouvement et de communication. Trois d’entre elles ont tenté de s’évader. Deux ont été reprises et ramenées à la clinique. Même celle qui a réussi à prendre la fuite a finalement dû reprendre le « traitement » après être retournée à la maison familiale. La plupart des homosexuels interrogés ont déclaré qu’ils avaient dû subir des commentaires insultants de la part du personnel gérant les « thérapies ». Des termes comme « malade », « pervers » et « sale » étaient souvent utilisés pour les décrire.

Médicaments inconnus et électrochocs

Plus d’une dizaine des personnes interrogées dans le cadre de l’étude ont affirmé qu’elles avaient dû ingérer des médicaments dans le cadre de leur traitement, souvent sans savoir quelle était leur nature ou leur finalité. Certains d’entre eux ont été obligés de continuer à le faire après être rentrés à la maison à la suite de plusieurs semaines de traitement. Des « thérapeutes » ont aussi utilisé des électrochocs pour tenter de créer une association mentale entre douleur et relation homosexuelle. Dans plusieurs cas, des images de pornographie étaient utilisées alors que le courant était administré. Seule une des cinq personnes ayant subi des électrochocs avait été avisée au préalable de ce qui allait se passer.

« Le docteur m’a demandé de penser au fait d’avoir une relation sexuelle avec mon copain. Et j’ai senti de la douleur au niveau de mes poignets. J’ai pris peur, je n’avais aucune idée de ce qui se passait. »

— Li Zhen, qui a subi une « thérapie de conversion » dans le sud-ouest de la Chine

Des protections inadéquates

Il n’existe pas, selon Human Rights Watch, de contrôles appropriés de la part des autorités sanitaires chinoises pour éviter que des établissements continuent de pratiquer des « thérapies de conversion », et les mécanismes de signalement ne fonctionnent pas. Aucune des personnes interrogées par l’organisation n’a porté plainte pour ce qui lui est arrivé, craignant notamment que son orientation sexuelle soit rendue publique. Il semble par ailleurs qu’aucun médecin offrant de tels services n’ait été sanctionné. Un homme a réussi en 2014 à poursuivre avec succès une clinique où il a subi une « thérapie de conversion » pour « marketing trompeur ». En 2016, un autre homme contraint de suivre une « thérapie » de cette nature a poursuivi l’établissement responsable et obtenu la publication d’excuses publiques dans les journaux locaux ainsi qu’une indemnisation.

« La thérapie de conversion est toujours disponible. Elle n’est pas sur la liste des services offerts, mais oui, vous pouvez toujours l’obtenir. »

— Une clinique chinoise qui a rapidement repris ses activités après avoir été condamnée en justice relativement à ses pratiques en 2014

*Les noms utilisés dans le rapport de Human Rights Watch sont fictifs.

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