Chronique

Test de crédibilité, test d’identité

Le chanteur de U2, Bono, semble être en panne d’inspiration, autant sur disque (désolé, j’ai trouvé le plus récent album, Songs of Innocence, vraiment quelconque) que dans ses discours politiques, lui qui a répété, la fin de semaine dernière à Montréal, exactement les mêmes mots que ceux qu’il avait utilisés en 2003 pour vanter le Canada : « The world needs more Canada » (« Le monde a besoin de plus de pays comme le Canada »).

Bono avait d’abord lancé ces mots dans un discours au Centre Air Canada, à Toronto, fin 2003 lors de l’élection officielle de Paul Martin à la tête du pays.

Le rockeur irlandais ne tarissait pas d’éloges à l’endroit de Paul Martin, qui s’était engagé à accroître significativement les budgets canadiens d’aide aux pays en développement et dans les programmes de lutte contre les épidémies.

Il les a répétés samedi à la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme tenue à Montréal sous l’égide du gouvernement Trudeau. Cette initiative a permis d’amasser 13 milliards auprès des gouvernements et de donateurs privés, dont 800 millions du gouvernement du Canada. Une réussite saluée par toute la communauté internationale. Bono, lui, était visiblement impressionné par l’engagement du Canada et de son jeune premier ministre.

Pour la petite histoire, la grande relation d’amitié entre Bono et Paul Martin n’a pas duré. Environ 18 mois plus tard, le chanteur de U2, de passage au Canada pour la tournée Vertigo, avait vertement critiqué les reculs de l’ancien premier ministre, se disant agacé par son attitude et allant même jusqu’à donner le numéro de téléphone de Paul Martin lors d’un spectacle à guichets fermés à Vancouver pour que les Canadiens l’appellent pour se plaindre.

On verra bien si Bono reviendra l’an prochain frotter les oreilles de Justin Trudeau ou si, au contraire, il chantera de nouveau ses louanges.

Difficile à dire parce que pour le moment, le succès de M. Trudeau repose beaucoup plus sur ce qu’il a promis de faire que sur ce qu’il a accompli après bientôt un an au pouvoir. Les très nombreux voyages du premier ministre Trudeau à l’étranger ont confirmé son statut de sensation sur la scène internationale et, ici, les sondages très favorables font perdurer la lune de miel entre le chef libéral et l’électorat. Soit, mais le bilan, à ce jour, est mince.

Plusieurs décisions importantes ont été repoussées en attendant des rapports ou des consultations, et la nouvelle session parlementaire qui commence cette semaine pourrait s’avérer être le premier vrai test de crédibilité du gouvernement Trudeau.

Les libéraux jouissent en ce moment de l’avantage de la glace, comme on dit au hockey : ils sont majoritaires, leurs opposants, qui n’ont pas de chefs en titre (et ils n’en auront pas avant l’an prochain), sont désorganisés et ils ont trois ans devant eux avant le prochain scrutin.

Il sera intéressant, dans les prochains mois, de voir si M. Trudeau profitera de cette position de force pour imposer ses réformes et ses projets de loi, notamment la réforme du mode de scrutin, promise par les libéraux en campagne électorale.

Le gouvernement Trudeau favorise le scrutin proportionnel préférentiel (les électeurs indiquant alors leur choix, dans l’ordre), un mode qui l’avantagerait, estiment les partis de l’opposition. Les conservateurs réclament bec et ongles un référendum sur la question, plaidant que le gouvernement ne peut procéder à un changement aussi important sans consulter la population. Sur le fond comme sur la forme, il s’agit sans doute du test parlementaire le plus important de ce jeune gouvernement.

La légalisation de la marijuana, autre promesse de Justin Trudeau, occupera aussi les esprits. Normalement, les nouveaux gouvernements préfèrent enclencher leurs réformes dans les deux premières années de leur mandat, question de libérer la voie vers les prochaines élections. On sent toutefois plus de prudence que d’empressement sur cette question.

Autres dossiers chauds : la réforme de la loi C-51 (antiterroriste), les projets de pipeline, l’aide financière à Bombardier, le financement de la santé pour les provinces, la négociation des traités de libre-échange et d’une nouvelle entente sur le bois d’œuvre avec les États-Unis.

Ajoutez à cela l’élection d’une nouvelle administration à Washington, en novembre.

Gros automne en vue à Ottawa.

À QUÉBEC, LE TEST D’IDENTITÉ DU GOUVERNEMENT COUILLARD

Si Justin Trudeau subira cette session un test de crédibilité, Philippe Couillard, lui, doit trouver des réponses à son test d’identité.

En gros (on se répète, je sais) : c’est quoi, le plan ? Quelles sont les priorités de ce gouvernement qui navigue à vue sans GPS depuis 30 mois ? Que faire des surplus ? Qui part, qui reste (et qui revient ? On dit que Pierre Moreau pourrait être de retour sous peu) ?

La question que Philippe Couillard et ses conseillers doivent se poser maintenant, c’est : « Quel bilan, quelles réalisations vais-je pouvoir défendre dans deux ans, aux prochaines élections ? ».

Les libéraux peuvent s’en remettre à leur bonne étoile électorale (démographique, en fait) et à la division du vote nationaliste entre le PQ et la CAQ, mais il est toujours plus prudent d’avoir quelque chose de concret à présenter à l’électorat.

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