Mon clin d’œil

On aura 50 % du nouveau pont Champlain pour la fête du Québec, et l’autre portion de 50 % pour la fête du Canada. Un vrai référendum.

RÉPLIQUE

Il n’y a pas de sot métier !

En réponse à la chronique de Francis Vailles, « Alors, on sauve les restos ou les hôpitaux ? », publiée mardi

Monsieur Vailles, nous sommes choqués de lire vos propos dans la chronique « Alors, on sauve les restos ou les hôpitaux ? » de mardi dernier.

Il semblerait qu’un choix s’impose entre les différents emplois souffrant de pénurie chronique, et que le gouvernement devrait prendre l’initiative d’encourager les Québécois et les nouveaux arrivants à choisir des emplois « de qualité » plutôt que des emplois « temporaires, peu payants » et destinés à la « main-d’œuvre bon marché » pour la restauration ou l’industrie touristique en général. 

Outre les conséquences évidentes telles que la fermeture d’établissements, l’allongement des files d’attente, la disparition d’évènements populaires et la perte de fleurons culturels qu’entraînerait un tel choix, permettez-nous de vous demander pourquoi vous cloueriez nos industries au pilori, alors qu’elles font partie intégrante de la société.

Pour débuter, permettez-nous de vous souligner l’importance de nos secteurs respectifs, tant pour l’économie québécoise et la création de richesse que pour le rayonnement culturel du Québec. 

L’industrie du tourisme représente plus de 2 % du PIB québécois, dont 34,5 % des capitaux sont des intrants nets à la balance commerciale de la province. Peu d’industries peuvent se targuer de créer autant de valeur, et encore moins peuvent affirmer être un vecteur de croissance pour d’autres industries par leur rayonnement à l’international et la convoitise qu’ils créent pour les produits, autant gourmands que culturels, faits au Québec.

D’autre part, et puisque vous en parlez spécifiquement, les festivals permettent un accès partout au Québec à des activités culturelles et sont une source de fierté pour tous les Québécois. Leur financement provient d’un ensemble de sources, dont un investissement savamment calculé, générateur de richesse et de retombées économiques et sociales pour une multitude de communautés sur l’ensemble du territoire, et non une subvention à l’emploi saisonnier, comme vous l’insinuez. Aussi, pour chaque serveur embauché dans ce secteur, une foule de manœuvres aux spécialisations techniques s’activent en arrière-scène, et aucun de ceux-ci n’est arraché à la restauration in situ.

Les employés qui constituent la main-d’œuvre de ce secteur vital ne sont pas des laissés-pour-compte qui préféreraient assurément être ingénieurs ou mécaniciens de machinerie lourde.

Les emplois de la restauration, tout comme ceux de l’hébergement et des festivals, sont des emplois enrichissants que plusieurs exercent par amour du métier. Ils représentent, dans bien des cas, le premier emploi qui servira à bâtir une expérience et une carrière. D’ailleurs, bon nombre de futurs professionnels travaillent dans nos entreprises lorsqu’ils sont aux études.

Par ailleurs, quel est l’intérêt d’avoir un emploi « payant », selon vos standards, s’il ne reste plus d’entreprises récréatives où dépenser son revenu discrétionnaire ? Selon votre modèle, les travailleurs aux emplois payants devront se tourner vers d’autres destinations que le Québec pour savourer un bon repas, profiter d’une chambre d’hôtel propre et s’amuser en famille – avec ce que cela peut représenter comme fuite de devises ! –, puisqu’il n’est pas prioritaire d’investir dans des emplois de l’industrie touristique québécoise.

La société est composée d’une myriade de types de personnes aux compétences variées et aux intérêts différents.

De « prioriser », par une stratégie ou une autre, des secteurs aux « emplois indispensables » revient à dire que certains emplois sont « dispensables » et sont appelés à disparaître au profit, notamment, de la technologie.

Nous pourrions abonder en ce sens pour tous les types d’emplois, en suivant cette logique, et dire qu’il serait plus profitable pour la société en général de remplacer les ingénieurs par des machines pourvues d’intelligence artificielle, vu la longue courbe d’apprentissage des humains, les heures de travail limitées et le risque d’erreur omniprésent. Si cette proposition choque, c’est parce que la plupart des gens préfèrent le contact humain à la programmation informatique, et il en va ainsi pour tous les métiers, la restauration, l’hébergement et le secteur événementiel inclus.

En terminant, l’application aveugle de stratégies basées uniquement sur le concept d’emplois de qualité ou payants dévalorise le choix de carrière et les métiers de tous les Québécois ayant choisi de travailler dans nos industries respectives. Rappelons-nous une formule simple : il n’y a pas de sot métier !

* Signataires : Liza Frulla, directrice générale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) ; Manuela Goya, vice-présidente, Développement de la destination et affaires publiques à Tourisme Montréal ; Xavier Gret, président-directeur général de l’Association Hôtellerie Québec (AHQ) ; Ève Paré, présidente-directrice générale de l’Association des hôtels du grand Montréal (AHGM) ; Martin Roy, président-directeur général du Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI) ; Sylvie Théberge, directrice générale de la Société des attractions touristiques du Québec (SATQ) et de Festivals et Événements Québec (FEQ)

Réponse de Francis Vailles

Vous avez absolument raison : il n’y a pas de sot métier. Et ma chronique ne visait nullement à bannir la restauration, l’hôtellerie et ses travailleurs, loin de là, ni à être hautain face à une profession fort digne.

Mais il faut être lucide : quand des restos réduisent leurs heures d’ouverture faute de main-d’œuvre, il y a un signal clair que la pénurie est problématique. Face à cette situation, faut-il adopter comme stratégie de maintenir et d’augmenter les subventions indirectes à cette industrie plutôt saisonnière, ce qui empire le problème ? Faut-il tout faire pour former davantage de serveurs et de cuisiniers au détriment d’autres secteurs qui s’arrachent aussi les cheveux pour trouver des employés ? 

Votre industrie devra trouver des solutions pour être plus efficace sur ce plan, et vous le savez. Elle devra aussi hausser les salaires. Les meilleurs établissements resteront, au bénéfice de tous. Et le Québec en général devra aussi faire des choix, malheureusement, car le manque de main-d’œuvre, notamment pour soigner des malades, ira en s’accentuant.

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