Élections provinciales Opinion

ÉCONOMIE
Les véritables enjeux des élections au Québec

Depuis 1981, le Québec a connu une croissance économique relativement décevante. On doit faire mieux que de se satisfaire d’un enlisement socioéconomique relatif.

Le PIB réel du Québec a presque doublé (hausse de 97 %), le PIB réel par habitant a augmenté de 54 %, le nombre total d’emplois a augmenté de 51,4 %, le nombre d’emplois à temps plein a augmenté de 40,3 %. Bravo.

Mais sur cette même période…

La population totale du Québec a augmenté de 28,2 %, alors que celle du Rest of Canada (ROC) augmentait de 55,0 % et celle de l’Ontario, de 61,1 %.

Le nombre de jeunes de moins de 20 ans a diminué de 15,4 % (perte de 313 000), alors qu’il augmentait de 6 % (+ 344 000) dans le ROC et de 12 % (plus 327 000) en Ontario.

Le nombre de jeunes de 20 à 44 ans a augmenté de 3 % (+ 83 000) au Québec alors qu’il augmentait de 36 % (+ 2,5 millions) dans le ROC et de 40 % (+ 1,4 million) en Ontario.

Le Québec perd sa population de jeunes. La perte de la population de jeunes au Québec devrait être au cœur des préoccupations. Elle ne l’est pas.

La création d’emplois est un facteur important d’attrait et de fidélisation des jeunes travailleurs et leurs familles. Seulement 18,5 % des emplois à temps plein créés au Canada entre 1981 et 2017 l’ont été au Québec. Le nombre total d’emplois a augmenté de 51,4 % au Québec par rapport à 66,8 % au ROC. Si le Québec avait créé des emplois au même rythme que le ROC, il aurait créé 431 500 emplois de plus (+ 30 %) que les 1,4 million d’emplois effectivement créés.

La situation s’est améliorée depuis 2009 : 20,4 % des emplois à temps plein et 22,0 % des emplois totaux créés au Canada l’ont été au Québec. Le nombre total d’emplois a augmenté de 9,6 % au Québec par rapport à 10,3 % au ROC et 10,8 % en Ontario, alors que le nombre d’emplois à temps plein augmentait de 9,1 % au Québec, de 10,7 % au ROC et de 11,7 % en Ontario.

Le PIB réel par habitant suit une trajectoire particulière, car il dépend à la fois de la croissance du PIB réel (numérateur) et de la croissance de la population (dénominateur). On observe que le PIB réel par habitant du Québec était inférieur de 6147 $ à celui du ROC en 1981. Cet écart a augmenté de 80 % pour atteindre 11 060 $ en 2017.

Malgré des gains significatifs de niveau de vie, le Québec s’appauvrit par rapport au ROC. Sur la période 2009-2017 postérieure à la dernière récession économique (2008 à 2010), le PIB réel du Québec a augmenté de 14,3 % alors que ceux du ROC et de l’Ontario augmentaient respectivement de 22,3 et 21,7 %. Par habitant, les hausses au Québec, au ROC et en Ontario ont été de 6,8, 11,4 et 11,5 %.

Au cours des 10 dernières années (2007-2016), les investissements en termes réels des entreprises commerciales, publiques et privées, en bâtiments non résidentiels, machines et équipements et produits de propriété intellectuelle se sont élevés à 298 milliards au Québec, soit 9,2 % de son PIB. Au ROC, ces investissements ont été de 13,1 % du PIB. La différence suggère un déficit d’investissement au Québec de 126 milliards. 

Les investissements des entreprises conditionnent les gains de productivité et de bien-être. Les déficits chroniques à ce chapitre sont à la fois le témoin et le précurseur d’une dégradation continuelle de la position concurrentielle du Québec.

Une situation d’autant plus préoccupante que notre économie est fortement ouverte vers l’extérieur (52 % du PIB exporté en 2001-2008 et 46 % en 2009-2016). Entre 30 et 40 % des emplois au Québec dépendent des marchés extérieurs. En d’autres termes, le Québec n’investit pas suffisamment et donc consomme trop.

La productivité au Québec, mesurée par le PIB réel par heure travaillée, a augmenté de 35,7 % entre 1981 et 2016, par rapport à 58,1 % en Ontario et 49,3 % au Canada dans son ensemble. Elle a augmenté durant la même période (données de l’OCDE en parité de pouvoir d’achat) de 71,2 % aux États-Unis, de 82,6 % en Allemagne, de 78,9 % en France, de 77,1 % en Suède et de 62,5 % en Australie.

Renverser la tendance actuelle posera d’énormes défis. Il faut en prendre conscience et s’y attaquer.

Pour y arriver, il faudra convaincre nos politiciens de cesser de jouer aux apprentis sorciers, de défendre le mythe de la gratuité en tout et de vouloir régler d’en haut tous les problèmes en réglementant, en subventionnant et en manipulant les prix et donc les salaires. Une politique qui à terme ne peut qu’infantiliser la population et mal orienter l’entrepreneuriat, voire le tuer dans l’œuf. Il faudra compter sur la capacité d’autonomie et de résilience des Québécois et leur pouvoir d’innover et de sortir des sentiers battus.

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