MUSIQUE Les 20 ans de La Llorona

Un soleil sur fond noir

Le cancer a fauché Lhasa de Sela à 37 ans, le 1er janvier 2010. Elle aura notamment légué La Llorona, album couronné de succès créé avec Yves Desrosiers. Des témoins racontent l’aventure exaltante que fut sa création.

MUSIQUE Les 20 ans de La Llorona

LA RENCONTRE

À l’été 1991, fraîchement arrivée de San Francisco, Lhasa de Sela, 18 ans, fait la connaissance d’Yves Desrosiers, qui joue alors avec Jean Leloup. Un an plus tard, par hasard, elle le croise de nouveau et lui dit qu’elle veut chanter. Il lui laisse son numéro de téléphone sur une pochette d’allumettes. Elle va le rappeler.

Yves Desrosiers :

« Sur le coup, j’ai essayé de la refiler à un de mes amis guitariste de jazz parce qu’elle voulait chanter du jazz. J’ai fini par la rencontrer et lui faire faire un bout d’essai, chez elle, avec ma guitare. Elle me tuerait si je disais devant elle que je l’ai passée en audition ! On a décidé de monter un tour de chant pour aller jouer dans le métro ou dans la rue et, en février 1993, on jouait pour la première fois aux Bobards. »

Lhasa et Yves Desrosiers se produisent dans les bars du Plateau, puis le bassiste Mario Légaré se joint à eux en 1995. Aux standards de jazz et complaintes mexicaines des débuts s’ajoutent progressivement leurs propres chansons, musique de Desrosiers, paroles en espagnol de Lhasa de Sela.

Yves Desrosiers :

« Lhasa n’avait pas de métier, elle commençait. Il fallait qu’elle chante un peu, qu’elle se fasse la main. J’étais plus vieux qu’elle de 10 ans et j’avais derrière moi un bon 10 ans de métier, donc je me disais qu’il fallait qu’elle prenne du galon. Au début, on a fait quelques chansons traditionnelles de jazz en anglais. Elle était anglophone, sauf que ça ne m’allumait pas parce que tout le monde les faisait, et peut-être même mieux. Puis elle a commencé à chanter des rancheras mexicaines que son père lui avait fait écouter. Je trouvais que sa voix sonnait bien là-dedans, alors que je trouvais ça plutôt ordinaire dans les chansons anglaises. »

À l’automne 1995, Desrosiers croise au Spectrum Denis Wolff, directeur artistique de la maison de disques Audiogram, et lui parle de leur duo.

Yves Desrosiers :

« Il a tout de suite été intéressé. J’ai fait une maquette de trois chansons qu’il a fait entendre à [son patron] Michel Bélanger. Une semaine plus tard, il m’a dit : “C’est beau, on va faire un disque.” »

Denis Wolff :

« Il y avait consensus que c’était une proposition artistique forte. Je relisais les textes de Lhasa, c’est en espagnol, mais les thématiques étaient très inspirées de toutes les grandes traditions de poètes sud-américains et espagnols. Elle était dans la jeune vingtaine, mais elle avait une grande maturité. »

Michel Bélanger :

« Personne n’avait d’hésitation. »

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