Stadorama

Le Stade, ce mal-aimé

Catherine Mathys est amoureuse du Stade olympique depuis son plus jeune âge. Là où la plupart des gens voient une soucoupe volante ou une toilette géante, quand ce n’est pas un trou financier sans fond, cette journaliste voit une silhouette élégante reconnaissable entre mille, un monument qui contribue à l’identité de la métropole. Dans son livre Stadorama, elle explique les raisons de sa passion. Et donne la parole à plusieurs personnalités qui livrent leur vision de ce stade mal-aimé. Explications en cinq thèmes.

UN AMOUR INCOMPRIS

« J’ai un immense amour pour le Stade depuis mon tout jeune âge, affirme Catherine Mathys, journaliste et collaboratrice à l’émission La sphère sur ICI Radio-Canada Première. Je suis née au Québec mais je suis fille de diplomate et j’ai vécu à l’étranger jusqu’à l’âge de 18 ans. J’ai donc eu une relation à longue distance avec le Stade. Pour moi, la nostalgie de Montréal était incarnée dans la silhouette du Stade, pas dans celle du mont Royal. Et quand je me trouve là, au pied du Stade, je trouve ça fabuleux. Sauf qu’en parlant, j’ai bien réalisé que mon amour n’était pas partagé, qu’il y avait un fossé entre ma passion et ce que les autres pensaient du Stade. D’où l’idée d’un livre. Je voulais qu’on m’explique cette relation complexe et controversée qui s’est forgée avec les années. Je ne comprends pas que les gens n’aiment pas le Stade. Il fait partie de l’identité de Montréal comme la tour Eiffel fait partie de celle de Paris. Est-ce qu’on imaginerait un Parisien faire un détour pour ne pas voir la tour Eiffel ? »

L’ARCHITECTE ROGER TAILLIBERT

« M. Taillibert a 90 ans aujourd’hui et c’est un homme encore très actif, super occupé. Le Stade occupe vraiment une place à part dans sa vie. Il se souvient de chaque détail, de chaque décision qu’il a prise. On dirait qu’il l’a dessiné l’an dernier, c’est presque émouvant. L’image du Stade est même son avatar sur Gmail. M. Taillibert n’a pas toujours été bien traité dans les médias, mais il a tout de suite accepté de m’accorder une entrevue, il n’a pas du tout d’aigreur. Pour lui, le Stade est le point d’orgue de sa carrière, c’est comme un père qui parle de son enfant même si le Stade actuel n’est pas exactement celui qu’il a dessiné. Le tout premier croquis n’existe plus car il l’avait dessiné sur une serviette de table dans un bistro. Mais tout était là dès le premier dessin : l’ovale, la tour penchée. Il nous a prêté de très beaux croquis qui enrichissent le livre. »

UN PERSONNAGE DE FICTION

« Le Stade olympique n’existe pas dans la fiction québécoise. J’ai donc demandé à trois écrivains – Simon Boulerice, Catherine Mavrikakis et Jean-Paul Daoust – d’écrire un texte dans lequel le Stade figurerait. J’avais envie de remettre le Stade à l’ordre du jour, qu’il existe comme personnage et non seulement comme un problème à régler. J’aime aussi beaucoup dans le livre le texte de l’économiste Ian Marcil qui parle de la valeur de l’inutile. Au fond, c’est ce qu’on lui reproche au Stade. J’aime aussi la façon dont le designer Michel Dallaire, qui a conçu la torche olympique et le mobilier du Village olympique, parle du Stade. Il ne l’aime pas mais est capable d’en parler de manière objective, avec respect. »

UN MONUMENT

« Roger Taillibert aurait aimé que son stade soit appelé “monument”. Or ce fut rarement le cas. Il est très reconnaissant à l’endroit de Lise Bissonnette qui a utilisé ce mot dans son rapport rendu public en 2012 et dont certains extraits sont reproduits dans le livre. On semble oublier que c’est un des endroits les plus fréquentés par les touristes qui visitent la métropole. C’est un de nos monuments importants. »

UNE NOUVELLE VIE

« Depuis 40 ans, on parle du Stade de façon négative. Peut-on en parler autrement ? Si j’avais une baguette magique, j’insufflerais un peu plus la vision de Drapeau et Taillibert qui souhaitaient en faire une plaque tournante de l’activité sportive. Je terminerais ce qui n’a jamais vu le jour afin que le Stade devienne un point de rencontre majeur. Je miserais sur le sport parce que le Stade a raté sa vocation artistique. Le son n’est pas bon, ce n’est pas agréable d’aller voir un spectacle là. J’aimerais bien qu’une équipe professionnelle s’y installe. Baseball ? Rugby ? Je rêve que ça redevienne tripant d’aller au Stade, un peu comme les étincelles qui s’allument les premiers vendredis du mois quand tous les food trucks se rassemblent sur l’esplanade. »

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