Santé des adolescents

Revaloriser l’éducation physique

Jean-Claude Drapeau a enseigné l’éducation physique pendant 38 ans au cégep. Il n’a pas assez des cinq doigts d’une main pour compter toutes les fois où des bureaucrates, des ministres ou des experts ont suggéré de réduire ou d’éliminer complètement les « cours d’éduc » au Québec.

« Les cégeps ont été fondés à la fin des années 60 et déjà en 1970, des gens influents essayaient de sortir l’éducation physique obligatoire des cégeps », se souvient M. Drapeau, qui est président de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec (FEEPEQ).

L’idée d’éliminer les cours obligatoires d’éducation physique dans les cégeps ressurgit périodiquement. Elle a failli se réaliser dans les années 90. Puis, plus récemment, le rapport Demers dévoilé en 2014 a remis des conclusions « préjudiciables à l’éducation physique », selon M. Drapeau.

Pour les éducateurs physiques, deux choses sont claires. D’abord, les données dévoilées par La Presse aujourd’hui ne sont pas une surprise.

« On est conscients de cette problématique-là. On constate la dégradation de la forme des jeunes de visu sur le terrain », confirme M. Drapeau.

« On n’a pas besoin de faire de gros tests pour le voir. Il s’agit de leur faire faire du basketball, avec des arrêts-départs, et on voit tout de suite que des choses ne tournent pas rond. »

— Jean-Claude Drapeau, président de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec

Ensuite, les éducateurs physiques sont persuadés que leur matière peut aider les jeunes à adopter de saines habitudes de vie, à se doter d’outils qui les suivront toute leur vie et les aideront à rester en santé.

L’expérience de Victoriaville

Au cégep de Victoriaville, une expérience intéressante permet de mesurer l’impact de ces cours sur les jeunes. Depuis 1999, les enseignants là-bas recueillent des données dans une épreuve de 3000 m.

Les étudiants font la course au début de la session, puis la refont à la fin, après avoir réalisé une série d’exercices cardiovasculaires. Le résultat ? Sans surprise, ils s’améliorent. Leur temps fond de 1 min 20 s en moyenne. Ainsi, un jeune qui courait les 3 km en 15 min 30 s en début de session arrive à les franchir en 14 min 10 s à la fin de la session.

« Quand on dit aux jeunes qu’ils vont s’améliorer s’ils font des efforts, ils ne nous croient pas nécessairement, raconte Louis Gilbert, éducateur physique au cégep de Victoriaville. Le jeune souffre parfois d’embonpoint, d’obésité. Il a des problèmes de sédentarité. Il ne pense pas être capable. Il laisse sa peau en début d’année pour faire 3000 m, il ne croit pas une seconde qu’il va pouvoir faire mieux. »

Puis il fait mieux. Il réalise, pour le reste de sa vie, qu’il peut améliorer sa forme physique s’il y met les efforts. « Elle est là, la preuve que les cours d’éduc fonctionnent, dit Louis Gilbert. C’est notre paye au quotidien. »

Des trous au secondaire

Mais l’idéal, ce serait que les jeunes soient sensibilisés bien avant le cégep. La FEEPEQ pense que les cours d’éducation physique sont insuffisants au primaire et au secondaire. Elle milite aussi pour leur introduction dès le préscolaire.

« Au secondaire, quand on enlève les tempêtes, les journées pédagogiques, les congés… C’est rendu que les éducateurs physiques rencontrent les jeunes au mieux 38 fois dans l’année. Au secondaire, on a un trou qui est dramatique. »

— Jean-Claude Drapeau

Au primaire, le ministère de l’Éducation recommande 120 minutes d’éducation physique par semaine. Mais il ne s’agit que d’une suggestion. Selon la FEEPEQ, plus de 30 % des écoles ne respectent pas ce minimum recommandé.

Avant le primaire, il n’y a pas de cours d’éducation physique à proprement parler.

« L’éducation physique n’existe pas au préscolaire. On parle d’un temps crucial entre 2 et 9 ans au cours duquel les jeunes vont développer le plus leurs habiletés motrices, note Jean-Claude Drapeau. En bas de 5 ans, ils n’ont pas de cours d’éducation physique. Alors quand j’entends que la condition physique des jeunes se dégrade, ne venez pas nous mettre ça sur le dos ! »

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