Santé des adolescents

Qu’est-ce que le VO2 max ?

Le VO2 max est considéré comme l’une des meilleures mesures des capacités cardiorespiratoires et de l’endurance. « Le VO2 max se mesure en millilitres d’oxygène extraits chaque minute par kilogramme de votre poids corporel. Plus une personne est capable d’effectuer des exercices aérobiques de haute intensité pendant une longue période, plus son VO2 max est élevé », peut-on lire sur le site de l’Institut de cardiologie de Montréal. Plus la valeur est élevée, donc, plus la personne est en forme. Les experts estiment qu’une personne sédentaire peut améliorer de 30 à 35 % la valeur de son VO2 max grâce à l’activité physique.

— Gabriel Béland, La Presse

Santé des adolescents

De moins en moins en forme

Des données inédites obtenues par La Presse confirment ce que les professeurs d’éducation physique au Québec constatent sur le terrain : les jeunes Québécois sont de moins en moins en forme.

Malgré des années d’efforts pour inciter les jeunes à bouger, leur capacité respiratoire connaît un recul prononcé au Québec. Les jeunes ont aujourd’hui un VO2 max inférieur d’environ 10 % en moyenne par rapport à ceux de 1982.

Ces résultats représentent « un signal d’alarme » et dressent le portrait d’une situation « dramatique », selon plusieurs experts, qui déplorent les effets de la sédentarité et de l’omniprésence des écrans dans la vie des jeunes.

« Si ça, ça ne convainc pas les gens qu’on s’en va vers une catastrophe, je ne sais pas ce que ça va prendre pour faire changer les choses », lance Mario Leone, le chercheur qui a récolté ces données aux quatre coins du Québec.

La pire dégradation se constate chez les garçons de 17 ans, qui ont vu leur VO2 max – mesure de la capacité cardiorespiratoire – fondre de près de 19,8 % depuis 1982.

« Ce sont des données assez dramatiques. Ça annonce des problèmes futurs assez importants », explique M. Leone, directeur du Groupe de recherche sur les aptitudes physiques des enfants de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

« Le VO2 max est un des indicateurs de santé. Un VO2 max à 40 à 17 ans, c’est une valeur qu’on retrouvait avant chez des gens d’une quarantaine d’années. Alors des problèmes qu’on voyait apparaître plus tard, on les voit plus tôt. »

— Mario Leone, directeur du Groupe de recherche sur les aptitudes physiques des enfants de l’Université du Québec à Chicoutimi

« Test du bip-bip »

Mario Leone, avec d’autres chercheurs québécois, a fait passer des tests à 3000 jeunes du primaire et 2000 du secondaire de 2010 à 2015. Il leur a notamment fait faire le test navette de Luc Léger, le fameux « test du bip-bip » commun dans les écoles du Québec. Il s’agit d’un test de course qui consiste à faire des allers-retours, en augmentant la vitesse, jusqu’à l’épuisement.

Son but était entre autres de comparer les résultats obtenus par les jeunes d’aujourd’hui avec ceux colligés au tournant des années 80 par Luc Léger. Ce test uniforme permet d’estimer la capacité cardiorespiratoire des participants, donc le VO2 max.

Ce que les chercheurs ont constaté, c’est que les jeunes Québécois réussissent moins de paliers que par le passé. Ils ont moins de cardio. Ils ont aussi découvert que la condition physique des enfants, qui se dégradait modérément entre l’âge de 6 et 17 ans en 1982, chute dramatiquement aujourd’hui.

Il y a 35 ans, un jeune garçon perdait 4 % de sa capacité cardiorespiratoire de 6 à 17 ans. Aujourd’hui, le jeune perd près de 17 % de son VO2 max sur la même période.

« Ce que ça veut dire, en gros, c’est que le niveau d’activité physique des jeunes dans les années 80 était suffisant pour maintenir grosso modo la valeur du VO2 max, explique Mario Leone. Maintenant, ce qu’on voit, c’est que ce n’est plus suffisant pour maintenir ça. Plus les jeunes vieillissent, moins ils sont actifs. »

« Ça va aller en empirant si ça continue comme ça, ajoute le chercheur. La pression sur le système de santé, ça va être épouvantable. On parle beaucoup du vieillissement de la population. Mais quand on voit que le taux d’obésité a triplé chez les enfants, on se dit que ces jeunes-là, ils vont prendre des médicaments pendant 50 ans. »

Moins de temps pour bouger ?

Cette tendance à la méforme n’est pas propre au Québec : des chercheurs la constatent dans tout le monde occidental. Comment l’expliquer ? À peu près tous les experts consultés par La Presse montrent la sédentarité : les jeunes bougent moins qu’avant, tout simplement, pour une multitude de raisons.

« Ils ont le cours de musique, le cours de ci, le cours de ça… Rendus au cégep, c’est le travail, car ils ont besoin d’argent pour payer le téléphone et l’auto. Ils ont besoin de beaucoup plus d’argent qu’il y a 30 ans », fait remarquer la sociologue du sport Suzanne Laberge, qui s’intéresse à l’activité physique chez les jeunes depuis une trentaine d’années.

« La vie est beaucoup plus demandante que jadis. Ils doivent se battre. Ils sont des numéros. On n’est pas dans une crise de l’emploi, mais ils ont été influencés par la dernière crise financière », note la professeure au département de kinésiologie de l’Université de Montréal.

« Quand [les jeunes] veulent de l’argent, ils le veulent tout de suite. C’est une génération de l’immédiateté. »

— Suzanne Laberge, professeure au département de kinésiologie de l’Université de Montréal

Les spécialistes consultés par La Presse ne prédisent pas un inversement de ce phénomène de sitôt. La chute de la forme des jeunes Québécois inquiète autant les éducateurs physiques que les cardiologues (voir autres textes). Elle pourrait aussi poser des problèmes de recrutement pour le sport de haut niveau.

« Si la quantité d’adolescents en forme diminue, c’est certain qu’il sera plus difficile à l’avenir de trouver des éléments de talent comme on en a encore au Québec. Ça, ça m’inquiète », explique Guy Thibault, directeur des sciences du sport à l’Institut national du sport du Québec (INSPQ).

Les chiffres de M. Leone ne surprennent pas du tout cet homme qui suit l’état de la condition physique des jeunes depuis des années au Québec. « Ça corrobore ce qu’on constate quand on a suivi la situation un peu. C’est déplorable », dit-il.

Même chose au cégep

D’autres données recueillies par La Presse appuient les résultats de Mario Leone. Au cégep de Lévis-Lauzon, par exemple, les éducateurs physiques mesurent, dans le cadre d’un projet ambitieux qui n’a pas son pareil dans le reste de la province, la condition physique d’environ 1000 élèves chaque année.

Les jeunes sont soumis à un test de paliers. Ce que les enseignants du cégep ont constaté, c’est que depuis le début du projet, en 1999, chaque année, de plus en plus de jeunes abandonnent au premier palier, celui qui demande le moins d’efforts.

« C’est comme si au hockey, après l’échauffement, tu ne te rendais pas à la partie. C’est un peu le même principe. »

— Daniel Thibault, éducateur physique au cégep de Lévis-Lauzon

À l’Université de Sherbrooke, des chercheurs ont quant à eux relevé la condition physique et les habiletés motrices des étudiants en éducation physique et en kinésiologie. De 2006 à 2013, ils ont fait passer des tests à ces jeunes qui sont normalement parmi les plus actifs.

« On a constaté une diminution de la condition physique de nos étudiants et aussi de leurs habiletés motrices dans les dernières années », note Félix Berrigan, directeur du programme de baccalauréat en enseignement en éducation physique et à la santé à l’Université de Sherbrooke.

« Ce qui est surprenant, c’est qu’on constate cette diminution chez des jeunes qui se prédisposent à des domaines sportifs. Ce sont de futurs éducateurs physiques et de futurs kinésiologues », dit-il.

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