Ferme piscicole des Bobines

Le plus important site d’élevage de truites au Canada

Le Québec recense quelque 28 000 fermes de tailles et de productions diverses. Si on assiste à l’émergence de nombreuses petites exploitations agricoles bio ou de proximité, la réalité économique est que ce sont moins de 30 % des fermes québécoises qui produisent près de 80 % des denrées que l’on retrouve en épicerie. On vous propose de découvrir quelques-unes de ces grandes entreprises agricoles intégrées et diversifiées du Québec.

East Hereford — Normand Roy a commencé bien modestement l’élevage des truites mouchetées dans le sous-sol de la maison de la ferme laitière de ses parents à Saint-Malo, dans les Cantons-de-l’Est. Aujourd’hui, 56 ans plus tard, la Ferme piscicole des Bobines, à East Hereford, toujours en Estrie, est le plus important producteur de truites au Québec et deviendra prochainement le plus important site d’élevage de truites en bassins fermés au Canada, alors que la production passera de 210 à 460 tonnes de truites par an.

Après les premières expérimentations des débuts à la ferme de ses parents, Normand Roy et sa conjointe, Doris Brodeur, poursuivent leur passion naissante sur une terre qu’ils achètent à Saint-Malo avant de s’établir en 1980 à Sainte-Edwidge-de-Clifton, à proximité du ruisseau des Bobines, qui servira à nommer l’entreprise.

« On était limités à 18 tonnes par année. On vendait pour l’ensemencement des lacs et on distribuait des truites entières à certains magasins Provigo de la région, mais on voulait produire à plus grande échelle. Après plusieurs recherches, on a trouvé un site alimenté en sources souterraines de grande qualité et à grand débit à East Hereford. C’est là qu’on a entrepris notre expansion », relate Normand Roy.

Quand on arrive dans le village d’East Hereford, tout juste à la frontière américaine, on peut difficilement manquer la Ferme piscicole des Bobines, avec sa dizaine de bâtiments blancs qui forment un tout uniforme dans le vallon où ils sont situés, au sud de la petite localité.

C’est ici qu’arrivent les œufs de truites déjà fécondés qui se transformeront en alevins qui seront à leur tour élevés dans deux pouponnières jusqu’à l’âge de 6 mois.

Ces bébés truites fréquenteront par la suite des bassins de préengraissement jusqu’à ce qu’ils atteignent la taille de sept pouces, avant de migrer dans les bassins d’engraissage où ils poursuivront leur croissance durant deux ans jusqu’à ce qu’ils atteignent un poids de 1 kg. On dénombre quelque 110 bassins sur le site des Bobines.

À 28 mois environ, les truites sont mûres pour passer à l’usine de transformation, où elles seront découpées en filets ou transformées en pâtés. Tout est fait sur place. Une quinzaine d’employés sont nécessaires pour réaliser tout le processus.

Une entreprise en transformation

« On s’est installés ici parce que l’eau de source est de très grande qualité et on a entrepris de faire l’élevage en bassins 12 mois par année. On a construit une usine de biofiltration et une usine d’épuration, ce qui nous permet d’éliminer plus de 90 % du phosphore des déjections des truites, bien au-delà des normes du ministère de l’Environnement », précise Normand Roy.

Depuis 1989, le site d’East Hereford a connu des transformations successives qui culmineront bientôt avec l’ajout d’une vingtaine de bassins d’engraissement et le démarrage d’un nouveau système de production qui permettra de doubler la production annuelle.

Ce projet est copiloté par Clément Roy, le fils de Normand qui s’est joint à l’entreprise familiale comme actionnaire minoritaire en 2005, puis est devenu actionnaire majoritaire en 2011. Et bientôt, il sera actionnaire unique, à la suite d’un processus rigoureux de transfert qui a été convenu à l’époque.

« J’ai fait mes études et j’ai même pratiqué le droit agricole et le droit en environnement durant un an avant de revenir à l’entreprise. J’y travaille depuis que je suis tout jeune et avec ma conjointe, Véronique Fontaine, on est ici à temps plein depuis 2005. On souhaite poursuivre son développement », m’explique Clément Roy.

Le repreneur est particulièrement fier du projet d’expansion qui est en voie d’être finalisé. Pour doubler la production de 210 à 460 tonnes de truites par an, la Ferme piscicole des Bobines a dû implanter un nouveau système qui maintiendra la température de l’eau à 12 degrés.

« Avec de l’eau à température plus élevée, même l’hiver, on réduit de 28 à 18 mois le temps qu’il faut pour rendre une truite mature à 1 kg. On a construit un nouveau bâtiment avec un système de chauffage par géothermie et panneaux solaires. On a réduit de 60 % nos coûts énergétiques », souligne Clément Roy.

Une production écoresponsable

Des coûts de chauffage réduits et une utilisation de l’eau augmentée considérablement grâce à l’ajout d’une usine de filtration à l’entrée du processus qui permet d’utiliser 95 % de la même eau, comme dans un aquarium géant, image le producteur.

« Cette technique nous permet d’élever nos truites sans hormones de croissance ni antibiotiques, grâce à notre eau de source de très grande qualité. »

Les déjections des truites, essentiellement composées de phosphore, sont récupérées et valorisées en servant à engraisser les champs de grandes cultures de la région.

« Cela fait des années qu’on n’arrive pas à répondre à la demande, qui est toujours en croissance. Un kilo de truite donne deux filets de 500 grammes. On vend 70 % de notre production en filets de truite congelés, 10 % en filets fumés, 10 % en produits transformés et 10 % en truites d’ensemencement pour les lacs de la pourvoirie Réal Massé. »

— Clément Roy

L’ancienne aquaculture que Normand Roy avait démarrée avec sa conjointe à Sainte-Edwidge-de-Clifton a par ailleurs été rachetée par sa fille Johanne et son conjoint, qui poursuivent la production pour l’ensemencement des lacs.

« On prévoit atteindre une production de 330 tonnes en 2023 et de 460 tonnes en 2025, ce qui fera de la Ferme piscicole des Bobines le plus important site d’élevage de salmonidés en bassins fermés au Canada », confirme l’éleveur.

À 70 ans, Normand Roy est très heureux de transmettre le flambeau à son fils. Il estime qu’il était temps. Va-t-il pour autant commencer à passer ses hivers en Floride ?

« Ce n’est pas son genre. Il va être encore très présent ici, soyez sûr de ça », répond sur un ton convaincu son fils Clément.

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