Analyse

La campagne impossible

Québec — Marwah Rizqy veut se lancer dans la course à la direction du Parti libéral du Québec. Mais il est bien peu probable qu’elle y parvienne. Un obstacle insurmontable se dresse devant la jeune députée de Saint-Laurent : elle ne pourra trouver le financement nécessaire pour prendre place sur la ligne de départ.

Les règles fixées par le parti exigent que les candidats déposent 60 000 $ en fidéicommis comme ticket d’entrée pour la course. À peine 10 000 $ leur seront remboursés. Si la barre a été fixée aussi haut, c’est parce que le parti a besoin d’argent pour organiser la course, mais aussi pour éviter que des candidats fantaisistes ne lèvent la main. En 2013, avec un gouvernement péquiste minoritaire, les candidats Philippe Couillard, Pierre Moreau et Raymond Bachand avaient pu convaincre suffisamment de donateurs. L’élection du PLQ était plausible avec les déboires du gouvernement Marois. En outre, les trois candidats, politiciens expérimentés, pouvaient faire figure de « premiers ministrables ».

Mais avec la défaveur actuelle du PLQ dans la population, c’est une autre histoire. Même l’ex-ministre libéral, devenu commentateur, Jacques Dupuis prédit que le prochain chef sera un chef de transition, qu’il perdra les élections de 2022 et qu’il sera remplacé. 

Actuellement, dans toutes les régions à l’est de Montréal, l’organisation est famélique. Dans bien des circonscriptions, on ne trouve plus d’association. Souvent, il ne reste plus qu’une poignée de membres passablement âgés. Tous les dirigeants du parti se souviennent avec douleur du 1er octobre dernier. Non seulement le caucus était réduit à 29 élus, dont un seul à l’est de Montréal, mais surtout, c’est moins connu, dans 34 circonscriptions, le PLQ n’était pas parvenu à franchir le seuil de 15 % des suffrages nécessaire pour obtenir le remboursement des dépenses électorales. Un verdict sans appel témoignant du degré de désaffection des libéraux chez les électeurs.

L’exécutif du PLQ se réunit lundi, à Montréal. Et l’absence totale d’enthousiasme pour la course dans l’opinion publique suscite un malaise évident.

La permanence aimerait bien que Gaétan Barrette se lance en piste. Mais ce dernier n’a pas l’intention de se prêter à un exercice visant à permettre au PLQ de surnager dans les bulletins de nouvelles. Pas question pour lui de servir à distraire la galerie. À tout le moins, on est bien content du suspense que laisse planer l’ancien ministre de la Santé sur ses intentions, idéalement jusqu’à la dernière minute, au début de 2020.

La question de la course n’a pas été soulevée par les députés libéraux réunis en caucus présessionnel cette semaine, hormis Maryse Gaudreault. L’élue de Hull a prononcé un plaidoyer, exhortant ses pairs à faire « une campagne propre ». En fait, pour l’heure, dans les officines du PLQ, on se demande même s’il y aura une course, tant Dominique Anglade paraît la seule organisée sur le terrain.

Elle a déjà l’appui de sept de ses collègues du caucus, une image trompeuse, puisqu’avec la formule fort complexe choisie pour comptabiliser les votes au leadership, les députés n’ont guère de poids dans la balance. Le nouveau chef sera choisi cette fois-ci selon un mode de scrutin universel suivant un système complexe de points qui accorde autant de poids aux circonscriptions qui ont peu de membres. La formule prévoit aussi que les jeunes compteront pour le tiers des points. 

Début de la course en novembre

La direction du PLQ s’est retrouvée dans l’embarras quand André Fortin, député de Pontiac, a décidé de ne pas se lancer en piste. M. Fortin compte d’ailleurs ne pas appuyer qui que ce soit dans la course. Gaétan Barrette a promis la même neutralité.

Mme Rizqy veut annoncer sa décision en novembre. Le début officiel de la course est le 23 novembre. Les candidats ont jusqu’à février 2020 pour confirmer leur intention.

Alexandre Bibeau, le fils de Pierre, organisateur libéral chevronné, s’active pour permettre à la campagne de Mme Rizqy de démarrer. Ancien de la permanence libérale, il a conservé une longue liste de contacts. Un exemple : devenus orphelins, des organisateurs de Sébastien Proulx vont donner un coup de pouce à la députée de Saint-Laurent. Elle a déjà identifié ses appuis au sein du caucus, si elle se lance en piste : ses coprésidentes seraient Lise Thériault, députée d’Anjou, et Jennifer Maccarone, élue dans Westmount.

Des sources libérales à l’interne, sans lien avec l’organisation Anglade, confient que la campagne Rizqy manquera clairement d’appuis financiers. On espère aller chercher 20 000 $ du côté des circonscriptions. Ensuite, elle se tournera vers ses réseaux et ses connaissances. On mise sur un coup de main du côté des membres du Barreau – Mme Rizqy est proche du bâtonnier de Montréal. Ses collègues fiscalistes pourront aussi être mis à contribution, de même que les membres des communautés culturelles.

Mais la barre des 60 000 $ est encore loin de portée – les candidats doivent se financer à partir de dons qui ne peuvent dépasser 500 $. Autre condition, autre épreuve : les candidats devront rassembler 750 signatures de membres en règle provenant d’au moins 70 circonscriptions et de 12 régions différentes. De plus, 250 de ces 750 signatures doivent venir de membres nouvellement recrutés. Mme Rizqy veut concentrer sa campagne auprès des jeunes, un choix qui permet de recruter des membres, mais ne donne guère de financement.

La partie n’est pas plus facile du côté de Dominique Anglade, mais l’ex-ministre peut compter sur davantage d’entrepreneurs et de professionnels qu’elle a pu connaître, voire aider, durant son séjour au ministère de l’Économie. Mme Anglade a déjà annoncé son intention. Elle a déjà une organisation. Florent Tanlet, ex-candidat dans Taschereau, s’occupe des communications, Patrick Ryan et Richard Mimeau, des libéraux de longue date, font aussi partie de son cercle de conseillers.

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