Opinion : Montagnes Blanches du Saguenay

L’alarme est sonnée, passons aux solutions

Il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions. C’est la perspective que je privilégie le plus souvent.

C’est aussi celle qui me vient à l’esprit lorsque je réalise le chemin parcouru pour protéger la forêt pluviale du Grand Ours en Colombie-Britannique. Pendant cinq ans, des groupes environnementaux et des communautés des Premières Nations étaient en situation de conflit avec les entreprises forestières et le gouvernement provincial. Nous nous montrions mutuellement du doigt.

Ce n’est qu’en nous asseyant pour ouvrir le dialogue que nous avons réalisé que nous avions des valeurs communes et qu’il fallait cesser de percevoir la situation sous l’angle des « problèmes » pour considérer la recherche de solutions. Cela passait par la collaboration.

Aujourd’hui, les accords obtenus sur la forêt pluviale du Grand Ours constituent un modèle mondial de coopération et de collaboration contre l’affrontement.

Malheureusement, l’état actuel des choses dans les montagnes Blanches, au Saguenay, nous force maintenant à constater que tout est toujours pareil et que rien ne change.

Greenpeace a publié récemment un rapport sur la dégradation, du fait de l’activité humaine, d’une des plus importantes forêts du Québec, les montagnes Blanches, dont la superficie équivaut à 20 fois celle de l’île de Montréal.

La région est d’une beauté à couper le souffle et représente un havre de biodiversité. Véritable refuge pour le caribou forestier, cette forêt en danger abrite quelques-uns des plus importants paysages de forêts intactes restants au sein de la forêt boréale canadienne. Les forêts intactes sont de vastes étendues de forêts vierges reconnues par les scientifiques pour leur rôle crucial dans la biodiversité.

EXPLOITATION SANS PRÉCÉDENT

Au lieu de bénéficier de la protection dont elle a incessamment besoin, cette forêt subit les impacts d’une exploitation industrielle sans précédent.

Heureusement, nous ne sommes pas les seuls à soulever ces préoccupations. Un comité scientifique indépendant et multidisciplinaire, mandaté par le gouvernement, affirme depuis longtemps que les montagnes Blanches forment un écosystème fragile.

Des observations par satellites faites entre 2000 et 2013 montrent également que 50 % des forêts intactes dans les montagnes Blanches ont été perdues ou dégradées. Les perturbations humaines telles que l’exploitation forestière industrielle y sont signalées comme jouant un rôle très important dans la dégradation des forêts par rapport aux perturbations naturelles, comme les incendies de forêt.

La dégradation naturelle existe depuis des millénaires et pourrait être exacerbée par les changements climatiques, mais dans le cas présent, les perturbations d’origine humaine pourraient être le point de bascule vers des dommages irréversibles, avec des conséquences désastreuses pour les communautés et la biodiversité.

Notre rapport montre également que l’organisme le plus prestigieux en matière de certification forestière, le Forest Stewardship Council (FSC), a suspendu, ou mis fin à, trois certificats tenus par certaines des principales entreprises forestières opérant dans la région en raison de leur incapacité à respecter les normes internationales concernant la gestion forestière responsable, en manquant à la conservation des forêts intactes et de l’habitat naturel du caribou.

Il est cependant encourageant que le gouvernement du Québec se soit engagé à protéger une vaste étendue de l’habitat naturel du caribou considéré comme critique dans les montagnes Blanches.

Greenpeace croit fermement que ce dossier est pour le gouvernement provincial une excellente occasion de faire preuve de leadership, en créant une vaste zone protégée dans les montagnes Blanches, et en bâtissant des ponts avec les Premières Nations de la région ainsi qu’avec les groupes environnementaux et les syndicats en vue de trouver des solutions durables.

TERRITOIRES ANCESTRAUX

Tout progrès dans ce dossier doit désormais avoir le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations dont les territoires ancestraux composent cette région. Toute solution à long terme doit également intégrer les propositions du plan de conservation du caribou des gouvernements respectifs.

En sonnant l’alarme, Greenpeace espère faire partie de ceux qui travailleront à la recherche de solutions. Il n’est pas trop tard pour préserver ce qu’il reste dans cette région cruciale de richesses culturelles et environnementales ou de ressources naturelles pour les générations futures. Nous devons agir maintenant.

Alors que nous marquons les 20 ans de campagne pour la protection de la forêt pluviale du Grand Ours, rappelons-nous que dans tout projet que l’on entreprend, les leçons les plus précieuses ne sont pas apprises, elles sont vécues.

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