Prendre le stress par les cornes
Marie-Ève est, de son propre aveu, une fille anxieuse. En arrivant au collège Mont-Saint-Louis, il y a quatre ans, elle a tout de suite ressenti les effets de son anxiété. La nouveauté du collège, le stress de se faire des amis, la charge de travail, il y avait beaucoup d’inconnu. Elle avait le souci de son intégration, mais aussi de sa réussite.
« Parfois, j’étais tellement stressée, avoue-t-elle, que je n’arrivais pas à finir un examen ou alors j’étais incapable de faire un exposé oral. J’étais paralysée. C’était pareil quand je m’entraînais en ski. J’ai réalisé que ce n’était pas tant une pression qui venait de mes parents qu’une pression que je m’imposais, parce que je voulais “performer”. »
Marie-Ève était de la première cohorte d’élèves qui ont suivi le programme « Dé-stresse et progresse », à l’automne 2013. Il comprend cinq ateliers d’une heure au cours desquels les élèves déterminent les causes du stress et envisagent des stratégies pour atténuer ses effets.
« Ça m’a rassurée dans le sens où j’ai réalisé que tout le monde était dans la même situation. Petit à petit, je suis parvenue à m’enlever un peu de pression, même si je sais que c’est dans ma nature. Maintenant je réussis mieux. »
— Marie-Ève
Même constat pour Florence, 15 ans, qui avait tendance à faire des crises de panique.
« J’ai appris à identifier les causes de mon stress et à faire face aux problèmes, explique-t-elle. Ça m’a donné confiance. Si j’ai un gros examen, par exemple, je vais prendre le temps de me préparer, parler à mon prof, étudier avec des amis, aller en récupération. Mettre en place des stratégies. Je n’y arrive pas toujours, mais ça aide. »
La psychoéducatrice de Mont-Saint-Louis, Michelle Lévesque, qui anime les ateliers du programme « Dé-stresse et progresse » avec sa collègue Andrea Whiteway depuis quatre ans, affirme que les résultats ont été immédiats, entraînant une baisse de 75 % du nombre de jeunes qui cognent à sa porte pour des problèmes liés à l’anxiété.
« Dès la première année, on a constaté une baisse importante, a expliqué Mme Lévesque. Des jeunes qui vivaient un stress lié à leur arrivée au collège, à leurs relations amicales, à leur réussite. Ces ateliers les ont aidés à mieux gérer ce stress-là. » Une expérience positive partagée par plus d’un millier d’écoles (privées et publiques), dont l’école Père-Marquette, qui offre ces ateliers depuis deux ans.
« Aujourd’hui, le programme fait partie des mœurs du collège, nous dit le directeur de la première secondaire au collège Mont-Saint-Louis, Antoine Therrien. Quand des élèves ont besoin d’être aidés pour la gestion de leur stress, on leur rappelle les outils qu’on leur a présentés, ce qui fait que nos interventions sont plus efficaces. »
Le passage de l’école primaire à l’école secondaire est une source de stress pour les jeunes. Plusieurs études indiquent en effet que durant cette période de transition particulièrement importante, qui correspond au début de l’adolescence, le taux de cortisol (l’une des principales hormones de stress) augmente.
C’est la Dre Sonia Lupien, chercheuse en neurosciences à l’origine de ces travaux, qui a mis sur pied le programme « Dé-stresse et progresse » avec le Centre d’études sur le stress humain de l’Université de Montréal. Non pas pour l’éliminer car a-t-elle toujours soutenu, il est nécessaire à notre survie, mais pour changer notre attitude face au stress, comme elle l’explique dans son livre Par amour du stress.
Pour Mme Lupien, il s’agit d’aider notre cerveau à faire la distinction entre un stress absolu (un feu, par exemple) et un stress relatif, comme celui d’un examen ou d’une compétition.
Avant de former des enseignants et des psychoéducateurs du secondaire, elle a procédé à des tests de validation auprès de 500 adolescents. Le collège Mont-Saint-Louis était l’une des deux écoles qui se sont prêtées au jeu (en 2008-2009) en soumettant ses élèves à ces séances au cours desquelles des échantillons de salive ont été prélevés pendant une année scolaire pour mesurer la fluctuation du taux d’hormones de stress.
Conclusion : l’exposition au programme (et même jusqu’à trois mois après avoir suivi le programme) menait à une diminution significative des hormones de stress et des symptômes liés à la dépression, en particulier auprès des jeunes qui ont un haut niveau de colère. Des résultats publiés en 2013 dans la revue Neuroscience.
« On savait que ça ne fonctionnerait pas pour tout le monde, admet Sonia Lupien, mais on voulait s’assurer qu’au moins, ça n’augmenterait pas le stress ou la dépression chez les autres. Que le fait d’en parler n’ait pas un effet négatif. C’est ce qu’on a réussi à démontrer. »
Au fil des quatre dernières années, ce sont donc près de 60 000 élèves de première secondaire qui ont suivi le programme « Dé-stresse et progresse » dans la province.
« Il faut prendre conscience des objets du stress. Les jeunes captent ça très vite et réussissent à adopter de nouvelles stratégies. “Dé-stresse” est un beau succès dans ce sens-là. Les gens paient des impôts qui financent des études, mais il n’y a jamais personne qui se demande si ce que nous trouvons finit par servir. “Dé-stresse”, ça sert à ça ! »