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MARCHÉ DU LOGEMENT MONTRÉALAIS
Deux réalités opposées

Des consultations publiques commenceront bientôt sur le Règlement pour une métropole mixte, mieux connu sous le libellé « règlement 20/20/20 », en référence à l’obligation des promoteurs d’inclure des logements sociaux, abordables et familiaux dans les mêmes proportions pour tout nouveau projet résidentiel de 50 unités et plus.

Dans les prochaines lignes, nous regarderons brièvement le marché du logement montréalais – fonctionne-t-il bien ? – pour ensuite, dans un prochain texte, examiner les effets possibles du règlement 20/20/20.

Trouver un logement à Montréal ces jours-ci est un défi, surtout pour les ménages à faible revenu. Les taux d’inoccupation frôlent les 2 % et même plus bas. Le FRAPRU (Front d’action populaire en réaménagement urbain) et d’autres groupes n’ont pas tort de sonner l’alarme et de réclamer l’intervention des pouvoirs publics. Encore faut-il bien identifier le problème.

Offre et demande

La disponibilité et les prix des logements sont le reflet à tout moment d’un jeu d’offre et de demande. Si l’offre (de logement) ne suit pas la demande – assez rapidement et en quantité suffisante –, le résultat sera une rareté de logements comme celle que Montréal connaît actuellement, avec des pressions haussières sur les prix.

Regardons d’abord la demande. L’économie montréalaise tourne à pleine vapeur. C’est une bonne nouvelle, mais qui se traduit par de nouveaux résidants (115 000 de plus sur l’île depuis 2011) auxquels il faut ajouter des populations flottantes : touristes, hommes et femmes d’affaires…

L’arrivée d’Airbnb et d’autres plateformes de location en ligne est venue ajouter des pressions additionnelles de demande d’espace, notamment dans des quartiers centraux. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a récemment adopté un règlement visant à limiter la location des résidences en ligne. Cependant, le niveau local possède peu d’outils pour encadrer la demande.

Passons à l’offre de logement, nerf de la guerre et objet du règlement 20/20/20. La performance de Montréal est loin d’être mauvaise. La dernière publication de l’Observatoire Grand Montréal de la CMM (bulletin Perspective Grand Montréal no 39) trace un portrait détaillé de l’évolution du marché.

Les mises en chantier à Montréal (ville et région) continuent de croître à un bon rythme avec une accélération depuis 2012, notamment pour les logements locatifs : 27 000 mises en chantier pour 2016-2018. Le résultat se voit dans les prix. Montréal a réussi à largement éviter les flambées de prix qui font le malheur des ménages d’autres villes, incapables de se loger sans faire des sacrifices démesurés. Bien sûr, tout Montréalais (surtout acheteur ou locataire) aimerait que les prix soient encore plus bas, mais les Montréalais demeurent choyés en comparaison à d’autres villes.

Les données sont bien connues. Les prix pour un logement comparable sont en gros la moitié de Toronto. Montréal reste l’une des villes les plus abordables en Amérique du Nord. 

Chiffre révélateur, presque 20 % des ménages locataires des classes moyennes et supérieures à Toronto se trouvent à consacrer 30 % de leur revenu au logement, contre 9 % à Montréal. Ménages à faible revenu à part (qui méritent une attention particulière), le logement reste, somme toute, abordable pour la grande majorité des Montréalais.

De plus, cette relation ne semble pas être menacée, du moins pas pour le moment. Selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le revenu médian des ménages locataires a augmenté plus rapidement que le loyer médian au cours des 10 dernières années.

Où donc est le problème ?

La réponse se trouve du côté des logements « subventionnés » (ou logement social), logements en coopérative ou construits par des OBNL d’habitation, financés par des programmes comme AccèsLogis.

Les mises en chantier des logements financés par des fonds publics ont systématiquement diminué depuis une décennie.

Il se construisait encore 1400 unités en 2009 contre 773 en 2018. La part du logement social dans les mises en chantier locatives est tombée de 31 % en 2007-2009 à 8 % en 2016-2018.

Il y a plusieurs raisons au sous-financement du logement social, notamment une belle chicane Ottawa-Québec dont les plus démunis paient le prix. Québec ne s’est toujours pas entendu avec Ottawa sur l’utilisation des fonds de la Stratégie nationale de logement mise en place par le gouvernement Trudeau en 2017, si bien que quelques centaines de millions dorment toujours dans les coffres de l’État.

Le marché montréalais du logement se caractérise, en somme, par deux réalités opposées. D’un bord, un marché privé qui réussit, somme toute, à livrer des logements abordables pour la grande majorité et, de l’autre bord, un secteur public qui ne répond pas aux attentes au titre du logement social.

Le défi, donc, est de réparer le vide dans le logement social, responsabilité de l’État, tout en assurant que le marché privé continue à fonctionner efficacement et peut-être encore mieux. Le règlement 20/20/20 est-il le bon outil pour y arriver ? C’est que nous allons voir dans un prochain texte.

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