Élections à l'Île-du-Prince-Édouard

Victoire des conservateurs, percée historique des verts

Ottawa — Les électeurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont choisi d’écrire l’histoire hier en élisant un premier gouvernement minoritaire – du jamais-vu – formé du Parti progressiste-conservateur et en confiant l’opposition officielle au Parti vert, une percée politique sans précédent à l’échelle du Canada.

Les progressistes-conservateurs ont remporté 12 des 27 circonscriptions de la plus petite province du pays au terme d’une lutte à trois qui aura été chaude jusqu’à la toute fin. Le Parti vert, qui ne comptait que deux sièges à la dissolution du Parlement, a fait un gain historique en élisant neuf députés pour former ainsi l’opposition officielle.

La défaite aura cependant été cuisante pour les libéraux, qui ne sont même pas parvenus à faire réélire leur chef et premier ministre sortant, Wade Maclauchlan, et n’ont arraché que cinq sièges. « C’est quelque chose qui se passe en politique, a-t-il déclaré aux journalistes, la mine basse. Le vent a changé. »

Les sondages prédisaient une course à trois, mais donnaient l’avance aux verts de Peter Bevan-Baker depuis plusieurs mois. Élu une première fois en 2015, Bevan-Baker, dentiste de formation que plusieurs ont qualifié de politicien « hors norme », a réussi à tirer la bannière du Parti vert à un niveau jamais égalé au pays.

Au cours de la course, M. Bevan-Baker a tenté de convaincre les électeurs que les verts ne se préoccupaient pas que de l’environnement, offrant une plateforme centrée sur un éventail de problèmes sociaux.

« L’Île-du-Prince-Édouard a montré au Canada que oui, on peut voter vert et que oui, les verts peuvent former une opposition officielle, et donc nous sommes passés de l’adolescence à l’âge adulte comme formation politique », s’est réjoui le chef adjoint du Parti vert du Canada, Daniel Green, en entrevue avec La Presse.

Celui qui a été récemment candidat à l’élection partielle dans Outremont ne cache d’ailleurs pas que la performance des verts à l’Île-du-Prince-Édouard augmente les attentes en prévision du scrutin fédéral du 21 octobre prochain. « J’ai toujours dit que quand le Parti vert gagne à un endroit, [la formation] gagne partout au Canada », a lancé M. Green.

« Ça commence à faire beaucoup d’élus verts au pays. Ça donne un message que voter vert, ce n’est pas la fin du monde, qu’un vote vert est utile et fait avancer le pays et les provinces », a ajouté Daniel Green, rappelant qu’ils ont fait élire trois députés au Nouveau-Brunswick et un premier député en Ontario, en juin dernier, aux élections provinciales.

NOUVEAU GAIN CONSERVATEUR

Si certains analystes expliquaient la victoire du Parti progressiste-conservateur comme un retour au pouvoir sans grande surprise dans cette province où le Parti libéral et les conservateurs gouvernent en alternance, d’autres y voyaient une démonstration nouvelle de la montée des partis plus à droite à l’échelle du pays.

Il y a à peine une semaine, faut-il le rappeler, le Parti conservateur uni de Jason Kenney prenait le pouvoir de l’Alberta avec une écrasante majorité. En 2018, les provinces de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick sont aussi passées aux mains des conservateurs. La Saskatchewan et le Québec ont aussi élu des partis plus à droite.

« C’est clair qu’actuellement, il y a un mouvement conservateur au Canada », a tranché Danielle Pilette, professeure associée au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’Université du Québec à Montréal, qui explique la tendance par une insatisfaction grandissante des Canadiens envers les politiques du gouvernement de Justin Trudeau.

« Je pense que ce [que les provinces veulent], c’est de faire un contrepoids au pouvoir fédéral et aux mesures plus nationales qui concernent moins les provinces canadiennes. On veut envoyer le message que le gouvernement central doit négocier avec les provinces sur des enjeux davantage territoriaux », a-t-elle expliqué.

« APPÉTIT POUR LE CHANGEMENT »

Don Desserud, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, hésite à faire un rapprochement entre l’élection d’un gouvernement conservateur dans la province insulaire et les victoires conservatrices de l’Alberta et de l’Ontario. « Il y a certes un appétit pour le changement », nuance-t-il.

À son avis, c’est avec la carte de vouloir faire de la politique autrement et dans un intérêt beaucoup plus collaboratif que le chef conservateur prince-édouardien Dennis King a su tirer son épingle du jeu.

« Je pense plutôt que cette élection démontre que vous pouvez avoir un style différent et obtenir du succès. »

— Don Desserud, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard

Par ailleurs, il note que la percée historique des verts prouve également que la montée des conservateurs est loin d’être le seul facteur à considérer pour expliquer le résultat du scrutin. Il croit cependant que les libéraux provinciaux seront peut-être tentés d’évoquer la perte de vitesse du Parti libéral ailleurs au pays pour expliquer leur défaite.

Les libéraux de Wade Maclauchlan cherchaient à obtenir un quatrième mandat, après avoir rappelé à maintes reprises aux insulaires que l’économie de la province demeurait la plus forte du pays.

Lors de la dissolution de l’Assemblée législative, les libéraux détenaient 16 sièges sur 27, les conservateurs, 8, et le Parti vert, 2. Il y avait un indépendant. Un total de 14 sièges est nécessaire pour la majorité, mais seulement 26 des 27 sièges étaient en jeu, hier.

Samedi, la commission électorale a reporté le vote dans le district de Charlottetown-Hillsborough Park après la mort du candidat du Parti vert Josh Underhay et de son jeune fils dans un accident de bateau sur la rivière Hillsborough. Une élection partielle aura lieu dans la circonscription au cours des trois prochains mois.

Les Prince-Édouardiens, qui se prononçaient aussi hier sur la réforme du mode de scrutin, ont finalement voté contre la mise en place d’un mode de scrutin proportionnel mixte, optant pour le maintien du mode de scrutin uninominal à un tour. Un total de 49 % des électeurs a voté en faveur de la réforme, alors que 51 % ont voté contre.

— Avec La Presse canadienne

Justin Trudeau félicite Dennis King

Le premier ministre Justin Trudeau a transmis ses félicitations au nouveau premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Dennis King. « Au nom du gouvernement du Canada, je félicite Dennis King, qui aura le privilège d’agir à titre de premier ministre de cette belle province », a souligné M. Trudeau dans une déclaration, rappelant le « rôle important » de la province insulaire dans les Maritimes. « Je suis impatient de travailler avec le gouvernement provincial dans le cadre de la Stratégie de croissance pour l’Atlantique pour créer des nouveaux emplois pour la classe moyenne et des nouvelles opportunités pour les jeunes. Ensemble, nous continuerons d’encourager la croissance économique stable et à long terme, tout en protégeant l’environnement et en luttant contre les changements climatiques. »

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