ÉDITORIAL

Protéger les hôpitaux

« Êtes-vous découragée ? » La question a été posée par Guy A. Lepage à Joanne Liu, présidente internationale de Médecins sans frontières (MSF), lors de son récent passage à l’émission Tout le monde en parle.

Elle y était reçue pour parler de la multiplication du nombre d’attaques contre les hôpitaux dans les zones de guerre ces dernières années. Une tendance aussi effrayante que scandaleuse.

La Syrie est le pays le plus touché par ces attaques, perpétrées tant par des États que des combattants. Les plus récentes statistiques font état de 359 attaques contre 256 établissements médicaux dans ce pays depuis le début du conflit, dont plusieurs étaient soutenus par MSF. Quelque 730 médecins, infirmières et autres membres du personnel soignant ont été tués.

De quoi, donc, en décourager plus d’un.

Mais pas Joanne Liu. Parce qu’elle demeurait convaincue, a-t-elle expliqué à Guy A. Lepage, de pouvoir faire bouger le Conseil de sécurité de l’ONU dans ce dossier.

Elle avait raison. Les membres du Conseil de sécurité – l’institution la plus puissante de l’ONU – ont adopté hier à l’unanimité une résolution qui vise à freiner ces attaques odieuses.

On y « demande instamment » aux divers acteurs impliqués dans les conflits de « mettre au point des mesures efficaces pour prévenir » de nouvelles attaques contre les installations médicales et leur personnel.

Déterminée et éloquente, la présidente de MSF a joué un rôle de premier plan dans cette initiative. Elle a hier poliment, mais fermement, réprimandé la quasi-totalité des membres permanents du Conseil de sécurité pour avoir été « associés à des coalitions responsables d’attaques contre des installations médicales depuis un an ».

Plusieurs facteurs expliquent cette aberration. Notamment le fait que la frontière entre combattants et non-combattants est de plus en plus floue. Et que pour certains belligérants (ceux du groupe État islamique, par exemple), tous les moyens sont bons pour semer le chaos et la terreur. Y compris trouver refuge dans des hôpitaux.

Le rappel à l’ordre est d’autant plus important : on ne doit plus permettre à tout un chacun de bafouer impunément le droit international humanitaire.

Il faut répéter que la guerre a des règles. Répéter que s’en prendre à un hôpital est un crime de guerre.

La communauté internationale doit maintenant « transformer cette résolution en actes », comme l’a dit hier Joanne Liu à l’ONU. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, devra faire rapport à tous les 12 mois sur l’application de la résolution. La prochaine année sera donc cruciale.

Le Conseil de sécurité peut-il empêcher les hôpitaux d’être ciblés ? Non, bien sûr. La portée de la résolution est limitée. Il faut à tout prix déployer des efforts renouvelés pour mettre fin au conflit en Syrie et à d’autres guerres sanglantes (dont celle au Yémen) qui pourrissent depuis trop longtemps.

Mais l’adoption de cette résolution est un premier pas qui permet à tout le moins de mobiliser l’opinion publique. Elle nous rappelle qu’il ne faut pas se décourager, mais bien s’indigner et, tout comme Joanne Liu, refuser de tolérer l’intolérable.

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