Éditorial Ariane Krol

Pour un commissaire à la santé vraiment indépendant

Ça n’a pas traîné. Cinq mois à peine après les élections, la CAQ a entrepris de ressusciter le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, dont le gouvernement Couillard avait stupidement tenté de se débarrasser. Assurons-nous maintenant que son titulaire ait l’indépendance nécessaire pour jouer son rôle efficacement.

Le nouveau commissaire sera nommé au plus tard en juin, a annoncé la ministre de la Santé, Danielle McCann, la semaine dernière. Bravo !

Ce Commissaire n’a pas le pouvoir de vider les urgences ni de réduire l’attente pour un médecin de famille. Mais en illustrant, chiffres et exemples à l’appui, comment notre système de santé peut faire mieux, il le pousse dans la bonne direction. Face à un ministère comme celui de la Santé et des Services sociaux, qui accapare près de la moitié de ses dépenses de programme, ce n’est pas du luxe.

C’est pourquoi la création de ce poste, défendu par Philippe Couillard du temps où il était ministre de la Santé, était une si bonne idée… et pourquoi son abolition, sous le même Philippe Couillard devenu premier ministre, était si malavisée. Malgré des ressources limitées (moins d’une vingtaine d’employés et environ 2,5 millions de dollars de budget), l’ex-commissaire Robert Salois aura réussi, en moins de 10 ans, à démontrer la pertinence de la fonction.

Qui d’autre, dans le gouvernement libéral de 2015, aurait financé deux recherches indépendantes pour mesurer l’impact de la rémunération des médecins sur l’accès aux soins ? Qui, dans le très centralisateur ministère de la Santé, aurait enquêté assez longtemps sur les plaintes des patients contre les établissements pour dénoncer l’inaccessibilité des données ? Si l’on veut trouver des réponses utiles, il faut pouvoir poser des questions difficiles.

Pour identifier des candidats, pas de souci : le comité prévu par la loi, où les experts de la santé et des services sociaux occupent autant de sièges que les élus, saura certainement repérer les prétendants de qualité. Par contre, il vaudrait mieux que le choix final soit, comme pour le Protecteur du citoyen ou le Vérificateur général, soumis à l’approbation des deux tiers de l’Assemblée nationale, au lieu de relever du gouvernement seul.

Mme McCann a beau affirmer le caractère « essentiel » du poste, et souligner sa capacité à « formuler des critiques constructives », personne n’aime se faire taper sur les doigts.

Mettre le travail du Commissaire à l’abri de possibles pressions ministérielles rendrait service à tout le monde. La fonction y gagnerait en crédibilité, et le gouvernement s’éviterait les soupçons d’ingérence.

Il ne s’agit pas de retarder l’arrivée du prochain titulaire. Avec toute son équipe à embaucher et sa planification à refaire, il en aura déjà pour des mois avant de démarrer ses travaux. Si la Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être peut être modifiée avant sa nomination, que la ministre le fasse ; sinon, qu’elle s’en occupe le plus rapidement possible.

N’oublions pas que le mandat, d’une durée de cinq ans, ira au-delà des prochaines élections. Peu importe qui formera alors le gouvernement, assurons-nous que ce ne soit pas de lui, mais de l’Assemblée nationale, que relèvera le prochain commissaire à la santé.

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