Littératie fiscale

Pourquoi

vous devriez

aimer la fiscalité

Quand je dis que la fiscalité est l’un des aspects que je préfère en finances personnelles, mes interlocuteurs font souvent la grimace. Beurk ! Pourquoi la fiscalité ? C’est que contrairement à la Bourse, la fiscalité permet de faire de l’argent sans prendre aucun risque. Il suffit d’être au courant.

Une de mes proches parentes, par exemple, passait à côté d’un précieux crédit d’impôt destiné aux handicapés. Quoique lourdement éprouvée par une maladie dégénérative, elle ne se considérait pas comme « handicapée » sur le plan fiscal.

Personne ne lui en avait parlé. Ni son médecin, ni le réseau de la santé, ni le pseudo-comptable qui faisait sa déclaration de revenus. Il lui suffisait pourtant de remplir un formulaire pour économiser des milliers de dollars par année en impôts. Un baume fort apprécié.

Malheureusement, la majorité des Québécois sont des cancres de la fiscalité. Enfin, c’est ce qui ressort d’un sondage exclusif réalisé par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques.

À une série de questions de base sur l’impôt et les taxes, les Québécois obtiennent un score de seulement 55 %, sous la note de passage. Les résultats sont encore plus faibles chez les femmes, les jeunes, les moins nantis et les moins scolarisées.

En fait, peu de gens sont vraiment ferrés en fiscalité. Sur les quelque 1000 répondants, à peine 9 personnes ont décroché la note parfaite. Et seulement 18 ont obtenu plus de 90 %. Moins de 2 % de l’échantillon. Pas fort.

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Pourtant, le quiz ne comportait pas de questions pièges. Ce n’était pas le but des auteurs de l’étude.

Avec ce sondage, ils voulaient plutôt mesurer notre niveau de « littératie fiscale », un concept nouveau inspiré de la « littératie financière », qui est devenu très populaire depuis la crise financière de 2008. Partout à travers le monde, les gouvernements ont investi des sommes considérables pour améliorer les connaissances des individus en finances personnelles.

Mais en fiscalité, beaucoup de travail reste à faire. Quelle est la différence entre un REER et un CELI ? Comment s’appliquent les taxes à la consommation ? Qu’est-ce que la progressivité de l’impôt ?

Sais pas !

« Environ 40 % des gens n’ont pratiquement aucune idée des mécanismes fiscaux, se désole le coauteur de l’étude, Jean-Herman Guay, de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

« Ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils n’ont tout simplement pas l’intérêt. À quoi bon ? Qu’est-ce que ça va me donner de plus ? Pour eux, c’est comme si l’impôt et les taxes étaient une espèce de fatalité. »

Mais leur ignorance risque de leur coûter cher.

« À la lumière de résultats aussi faibles, je suis porté à croire que les gens ne peuvent pas aller chercher tous les crédits qui leur sont destinés », estime le titulaire de la Chaire Luc Godbout.

À ce chapitre, je vous invite à lire ma chronique de demain sur les mesures fiscales qui passent dans le beurre. Clairement, il y a des millions qui restent sur la table.

Mais de manière plus large, les piètres connaissances fiscales des Québécois minent leur compréhension des grands enjeux socioéconomiques.

Comme citoyen, que retiendront-ils des budgets que Québec et Ottawa s’apprêtent à déposer ? Comme électeurs, comment décodent-ils les débats publics où la fiscalité tient une place centrale ?

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Mais les contribuables ne sont pas les seuls à blâmer, loin de là. Ce n’est pas leur faute si la fiscalité est atrocement compliquée.

En février dernier, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a annoncé que les documents qu’elle envoie aux contribuables seraient présentés dans un format plus clair et plus facile à comprendre. Ce n’est pas trop tôt !

J’ai vu des contribuables se faire réclamer cavalièrement des milliers de dollars par le fisc qui n’avait pas cru bon d’envoyer autre chose qu’une pile d’avis de cotisation incompréhensibles agrafés ensemble. Aucune lettre d’introduction. Aucune civilité. Aucune explication. Si l’on veut que les citoyens se conforment aux règles, encore faut-il qu’on les leur explique.

Ottawa a aussi l’intention de regrouper différentes mesures d’aide aux familles en une seule et unique allocation. C’est un pas dans la bonne direction. Si les gouvernements avaient moins de mesures, mais qu’elles étaient plus généreuses, il serait plus facile de les faire connaître et de s’assurer qu’elles atteignent leur cible.

Mais les mauvaises langues diront que les gouvernements font exprès pour que les mesures fiscales restent dans l’ombre pour éviter qu’elles ne coûtent trop cher.

D’un budget à l’autre, ils ne peuvent s’empêcher d’offrir de nouveaux bonbons fiscaux pour séduire l’électorat. Mais comme les coffres de l’État sont vides, ces bonbons ont souvent une portée très limitée.

Prenez les transports en commun. C’est vert, c’est politiquement vendeur. Mais comme Québec n’avait pas beaucoup d’argent pour appuyer cette noble cause, il a créé une mesure indirecte que personne ne connaît.

À quoi bon maintenir une panoplie de petites mesures peu payantes et compliquées qui ne touchent pas leur cible ? Vivement un grand ménage !

Des pistes pour parfaire vos connaissances

Un cours

L’Université du Québec à Trois-Rivières lance la 2e édition de son cours en ligne intitulé « La littératie financière et fiscale ouverte à tous ». Ouvert au grand public, le cours débute le 14 mars et dure cinq semaines. L’inscription gratuite se fait ici :

 

Une application

Conçu par le cabinet comptable Raymond Chabot Grant Thornton, le Planiguide fiscal est une ressource gratuite qui vulgarise les différentes mesures fiscales.

L’application (iPad, iPod, iPhone) est offerte dans l’App Store, mais le guide existe aussi en version PDF.

Un livre

Année après année, le fiscaliste André Boulais met à jour son livre Réduisez vos impôts en y insérant les nouvelles mesures fiscales. Au coût de 39,95 $, l’ouvrage est un bon investissement pour ne rien laisser filer dans sa déclaration de revenus.

Un atelier

De nombreux organismes communautaires et écoles de comptabilité organisent des ateliers gratuits de préparation des déclarations. Pour trouver la ressource la plus près de chez vous, consultez le site de l’Agence de revenu du Canada (ARC).

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