89e Soirée des Oscars

Moonlight sacré meilleur film dans un incroyable cafouillis

La La Land a été annoncé comme lauréat de l’Oscar du meilleur film mais en réalité, le véritable vainqueur était Moonlight. Arrival s’inscrit au tableau d’honneur grâce au concepteur sonore Sylvain Bellemare.

Pour un coup de théâtre, c’en fut tout un ! La La Land était en passe de rafler les prix les plus importants, dont l’ultime Oscar de la soirée, celui remis au meilleur film de l’année.

Warren Beatty, sur la scène du Dolby Theater en compagnie de Faye Dunaway, sort le carton de l’enveloppe, hésite longuement en regardant sa partenaire, et lui demande d’annoncer le lauréat : La La Land ! Une fois toute l’équipe du film de Damien Chazelle montée sur scène et les remerciements faits, on a expliqué qu’un mélange a été fait. En vérité, le véritable lauréat de l’Oscar du meilleur film de l’année est le remarquable film de Barry Jenkins, Moonlight. Incrédulité, confusion. Jamais une soirée des Oscars ne s’était terminée dans un tel cafouillis, digne d’un gala tenu dans un sous-sol d’église condamnée à la fermeture.

En toute logique, les membres de l’Académie des arts et des sciences du cinéma étaient en passe de consacrer hier un film qui célèbre leur art. Et la cité qu’ils habitent. Véritable ode à un genre qui a fait la gloire du cinéma hollywoodien, tout autant qu’un chant d’amour à la Cité des anges, La La Land a quand même obtenu six statuettes dorées, dont celle remise à la meilleure réalisation. À 32 ans, le cinéaste Damien Chazelle est du coup devenu le plus jeune lauréat de l’histoire dans cette catégorie.

Emma Stone a été consacrée meilleure actrice, bouclant ainsi un parcours sans faute au cours de toute la récente saison des récompenses.

« Le plus bel honneur est d’avoir été en lice en votre compagnie », a-t-elle déclaré en s’adressant à ses colistières, parmi lesquelles Isabelle Huppert. 

« J’ai encore beaucoup à apprendre, à grandir, et cette statuette est un symbole magnifique pour m’inciter à poursuivre dans cette voie. »

— Emma Stone

La La Land a aussi remporté l’Oscar de la meilleure direction artistique, de la meilleure direction photo, de la meilleure trame musicale et de la meilleure chanson originale (City of Stars).

Manchester by the Sea fait belle figure

Sélectionnée 14 fois, la comédie musicale de Damien Chazelle n’a finalement pas eu droit au balayage auquel plusieurs s’attendaient. L’excellent drame Manchester by the Sea s’est notamment distingué dans la catégorie du scénario original. Et Casey Affleck a obtenu l’Oscar du meilleur acteur.

Ce dernier a d’abord rendu hommage à Denzel Washington et Viggo Mortensen, finalistes avec lui, ainsi qu’au talent de ceux qui lui ont permis d’être là. « J’aimerais dire quelque chose de plus significatif, mais je suis simplement heureux de faire partie de cette communauté », a ajouté l’acteur.

L’oscar du scénario adapté a été attribué à Moonlight. Le réalisateur Barry Jenkins, qui a tiré son scénario d’une pièce jamais produite de Tarell Alvin McCraney, s’est adressé à ceux qui croient ne plus avoir de place dans la société actuelle. « On ne vous laissera pas tomber au cours des quatre prochaines années ! », a-t-il assuré.

Un lauréat québécois

Deux semaines après avoir reçu un BAFTA Award à Londres, grâce à Arrival, Sylvain Bellemare a de nouveau été couvert de gloire hier en étant couronné dans la catégorie du montage sonore.

« Ce trophée est collectif, car il a été fabriqué dans plusieurs pays, et mené par une équipe québécoise. Salut Montréal ! Denis Villeneuve, je t’aime, tu nous apportes beaucoup d’amour, et all we need is love ! », a-t-il déclaré succinctement. C’est finalement le seul Oscar que le film de Denis Villeneuve a obtenu.

À cause du climat politique particulier qui règne en ce moment aux États-Unis, l’une des catégories les plus attendues était sans doute celle du meilleur film en langue étrangère. La statuette est allée au cinéaste iranien Asghar Farhadi, cette fois pour The Salesman (Le client). L’estimé cinéaste n’était pas présent, mais il a fait lire un message.

« Par respect pour les gens de mon pays et ceux des six autres nations à qui on a manqué de respect en passant ce décret inhumain interdisant l’entrée d’immigrants aux États-Unis, veuillez excuser mon absence. Diviser le monde entre le “nous” et “nos ennemis” crée la peur et permet de justifier agressions et guerres. Plus que jamais, le monde a besoin d’empathie », a-t-il notamment déclaré.

Mahershala Ali et Viola Davis sont primés

Peu de surprises du côté des catégories d’interprétation de soutien. Mahershala Ali est allé chercher, dès le début de la cérémonie, l’Oscar grâce à sa performance dans Moonlight. Sous une belle ovation, l’acteur, père d’une fille depuis quatre jours, a tenu à remercier ses professeurs, particulièrement ceux en art dramatique, qui lui ont appris à se mettre au service d’un rôle. « Ce n’est pas à propos de toi, mais à propos du personnage », a-t-il rappelé.

Mais c’est Viola Davis, récompensée grâce à sa brillante performance dans Fences, qui a livré l’un des discours les plus touchants de la soirée. « Je veux qu’on exhume les corps et les histoires de tous ces gens qui reposent dans les cimetières et dont nous n’avons jamais raconté la vie, a-t-elle dit. Je suis devenue une artiste et j’en remercie le ciel, car il s’agit de la seule profession qui célèbre ce que veut dire vivre une vie. »

Dans les catégories d’animation, les membres de l’Académie ont préféré célébrer des productions américaines. Un film des studios Pixar, Piper, a été consacré dans la catégorie du court métrage (celle où était finaliste le film de Theodore Ushev, Vaysha, l’aveugle), et Zootopia, une production Disney, a obtenu l’Oscar dans la catégorie du long métrage d’animation.

Dans une catégorie très relevée, celle réservée au meilleur documentaire, O.J. : Made in America, un film de près de huit heures réalisé par Ezra Edelman, est sorti grand vainqueur.

Signalons enfin que Fantastic Beasts and Where to Find Them a pu s’inscrire au tableau d’honneur grâce à la catégorie des meilleurs costumes. Suicide Squad en a fait de même dans la catégorie des meilleurs maquillages et coiffures. L’un des lauréats, d’origine italienne, a d’ailleurs tenu à dédier son Oscar à tous les immigrants. Il est à noter aussi que Kevin O’Connell, sélectionné pour la 21fois dans la catégorie du mixage sonore, a enfin vu sa sélection se transformer en statuette pour la première fois grâce à Hacksaw Ridge. Le film de Mel Gibson a aussi été récompensé dans la catégorie du montage.

Quelle soirée !

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