Analyse

LE CANADIEN EST FOU

Un vaillant esprit a déjà défini la folie comme le fait de répéter sans cesse la même chose en espérant un résultat différent.

Le Canadien est fou.

Il répète soir après soir la même valse : un effort traduisant une volonté réelle de s’en sortir, mais souvent cette même poivrée de lancers qui provoque peu de chances de marquer. Une marge d’erreur inexistante pour un jeune gardien dépassé par les événements et des bourdes offertes chaque match à un adversaire qui ne manque pas d’en profiter.

« C’est toujours la même histoire », constate Dale Weise.

En attendant, le bateau coule à pic et le Canadien est pour l’instant exclu du portrait des séries éliminatoires. Si l’on devait imager cet instant précis, on dirait que cette équipe-là a l’air échec et mat.

On comprend Michel Therrien d’avoir été si émotif après la rencontre. Le souffle était court, mais les réponses étaient longues alors qu’il se portait à la défense d’une équipe qui ne l’a toujours pas abandonné.

« J’espère qu’il n’y a pas personne qui va critiquer l’effort de ce groupe-là parce que là, il faut que ça arrête, a lancé le coach. Ces gars-là donnent tout ce qu’ils ont. Est-ce que l’exécution est toujours là ? Non. Ça arrive. Mais l’effort, 100 %. »

Cette démonstration de solidarité, son capitaine la lui a bien rendue.

« Ça me tue, a dit Max Pacioretty. De la façon que cette équipe a joué depuis que Michel et Marc (Bergevin) sont ici, on ne peut pas les laisser tomber. Ils nous ont placés dans cette position. Ils ont établi le parfait plan de match, on a le groupe de joueurs parfaits. On a eu du succès lors des saisons précédentes, cette saison aussi. L’exécution n’est pas là et ça n’a rien à voir avec le personnel d’entraîneurs. »

AVEC LE TEMPS TOUT S’EN VA

Le manque d’exécution, malheureusement, a été personnifié hier par Andrei Markov.

C’est un peu triste de le voir perdre ses repères de la sorte. De sentir qu’il frappe le mur. Celui qui a été pendant si longtemps le général à la ligne bleue du Canadien, celui qui a été le dénominateur commun de tous ces défenseurs qui, les uns après les autres, ont engrangé des points à la ligne bleue du CH, voit ses habiletés s’estomper.

Avec le temps va tout s’en va…

Therrien a fait un vibrant plaidoyer pour le défendre, écorchant au passage ces amateurs à la mémoire plus courte qui ont fait valoir leur mécontentement.

« J’étais déçu que des gens le huent. Il a 37 ans et il a tout donné à cette organisation au fil des ans. Il vient un temps où le corps ne suit plus. Ça n’arrive pas à tous les matchs, mais ça a été le cas ce soir. J’ai été déçu. Ce n’est pas un manque de vouloir. »

En première période, son revirement en zone défensive ressemblait à une passe parfaite sur le bâton de Maxime Talbot, dont le tir vers Mike Condon – comble de malheur – a dévié sur lui.

« Je me sens mal. J’étais responsable de cela. Je ne chercherai pas d’excuse. »

— Andrei Markov

Or, ce genre de gaffes s’accumule depuis quelques semaines. Un jeune comme Nathan Beaulieu – ou, tiens, Jarred Tinordi – jouerait de la sorte et l’on n’ose pas imaginer le sort qui lui serait réservé.

Therrien a raison de faire valoir les états de services de Markov. Peu importe son ton bourru, ce dernier demeure un modèle au sein de l’équipe en matière d’application au travail. Et personne n’a envie d’en faire un bouc émissaire au moment où l’équipe traverse ses plus sombres moments.

« Markie a été le meilleur joueur de cette équipe pendant des années, et il est encore l’un des meilleurs de l’équipe, a martelé le capitaine Pacioretty. Je m’inspire de lui pour son dévouement envers la game et la façon qu’il la joue. »

COINCÉE DE TOUTES PARTS

Les entraîneurs et Markov lui-même trouveront peut-être un moyen d’adoucir l’atterrissage et de soutirer ce qui lui reste pour le meilleur de l’équipe. Car de la façon dont le Tricolore est bâti, il a encore bien besoin de lui.

Nonobstant la blessure qui a forcé Beaulieu à déclarer forfait en cours de rencontre, ce dernier demeure l’une des seules cartes maîtresses dont dispose Bergevin pour procéder à une transaction. Mais avec quelle aisance le DG peut-il se départir d’un jeune défenseur certes inconstant, mais appelé à assumer de plus grandes responsabilités, alors que le rendement de Markov exige qu’on lui en enlève ?

Les solutions de transaction qui s’étiolent, les défaites qui s’accumulent, un gardien-vedette qui n’a toujours pas enfilé l’équipement, un entraîneur-chef qui n’a pas beaucoup de successeurs crédibles si la haute direction en avait un jour assez…

L’équipe est coincée de toutes parts.

Et si la pointe du couteau fait juste un peu plus mal quand on regarde du côté d’Edmonton, où Zack Kassian a marqué un but, ajouté une mention d’aide et a été sur le premier trio des Oilers hier...

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