Accueil de réfugiés syriens

La générosité en temps de crise

Avec l’arrivée imminente de réfugiés, de nombreux Québécois veulent faire des dons et participer à l’accueil des Syriens. Sommes-nous plus généreux en temps de crise ?

« La philanthropie utilise beaucoup l’urgence. Et il y a des urgences plus urgentes que d’autres », dit Caroline Bergeron, responsable du certificat en gestion philanthropique de l’Université de Montréal. 

Il est impossible de prévoir quelle sera notre réponse à l’arrivée des réfugiés syriens, explique Mme Bergeron, car beaucoup de variables entrent en ligne de compte. Une chose est certaine, dit-elle : « Les organismes devraient lancer leurs campagnes maintenant parce qu’il y a un élan. Cette semaine, les gens ont vu les photos des premières familles qui arrivaient ici. »

« Les Canadiens sont très généreux, que ce soit pour les inondations de Calgary ou lorsqu’il y a un feu dans une petite collectivité », dit Nicolas Moyer, directeur général de la Coalition humanitaire, un regroupement d’organismes qui agit en cas de crise humanitaire. Toutefois, leur réponse varie grandement d’une crise à une autre, dit-il. Et cela est directement lié à la couverture médiatique des événements, qui crée une hiérarchisation des crises pour le public. 

« Le facteur le plus déterminant est l’information disponible, explique Nicolas Moyer. S’il y a un séisme, la réponse va être très rapide et les médias locaux vont être dépêchés sur place. Les journalistes vont parler de l’aide humanitaire et les gens vont comprendre les besoins de la population. Dans le cas d’un conflit, on va parler des efforts diplomatiques et des enjeux politiques. Ça ne mobilise pas l’empathie du public. Ça déshumanise la relation entre le donateur et la personne touchée. » 

En 2010, les Québécois avaient massivement répondu à l’appel des organismes humanitaires après le séisme en Haïti. Plus de 66 millions de dollars leur ont été versés dans les six mois suivant la tragédie, une contribution exceptionnelle.

« On sait que les gens qui donnent en temps normal donnent plus en temps de crise. Les gens qui font déjà du bénévolat vont aussi être les premiers à offrir leurs services pour l’accueil de réfugiés. » 

— Caroline Bergeron, responsable du certificat en gestion philanthropique de l’Université de Montréal

On observe qu’il y a un effet d’entraînement en philanthropie, explique Yvan Comeau, professeur à l’École de service social de l’Université Laval et coauteur d’une étude sur les entreprises philanthropiques publiée l’année dernière. 

Cela va au-delà des cycles économiques ou des modalités fiscales qui expliquent normalement les variations en philanthropie. « Quand il se crée un mouvement, les gens veulent en faire partie », explique-t-il. Cela est vrai pour une crise humanitaire comme pour un drame humain, rappelle Yvan Comeau.

Au Québec, les gens ont fait preuve de beaucoup de générosité après le déluge du Saguenay de 1996 ou la tragédie de Lac-Mégantic en 2013, où 14 millions de dollars ont été recueillis à la Croix-Rouge. 

LES QUÉBÉCOIS DONNENT MOINS 

Pourtant, année après année, Statistique Canada nous rappelle que les Québécois sont les moins généreux du pays. 

« Statistiquement, c’est vrai que les Québécois donnent moins, mais ils donnent en aussi grand nombre », précise Nicolas Moyer, de la Coalition humanitaire. 

Le professeur Yvan Comeau ajoute que les organisations religieuses qui récoltent des dons sont moins nombreuses au Québec que dans le reste du Canada, ce qui explique certainement en partie cette différence.

« On n’a pas un historique de culture philanthropique très élevé. »

— Caroline Bergeron, responsable du certificat en gestion philanthropique de l’Université de Montréal

Et les dons en temps de crise, aussi généreux soient-ils, ne renversent pas cette tendance.

UNE QUESTION DE GÉNÉRATION 

Fait fort intéressant, le comportement philanthropique est différent d’une génération à l’autre. Les Y, par exemple, vont être plus sensibles aux questions d’aide internationale, explique Caroline Bergeron. Ils ont moins d’argent à donner, mais ils souhaitent participer à des projets d’aide. 

À l’inverse, dit-elle, les plus « mûrs » donnent plus d’argent, mais vont préférer donner localement, à des organismes près d’eux. C’est aussi le cas de la génération X, qui préfère soutenir des infrastructures communautaires. 

Dans le cas des réfugiés syriens, plusieurs phénomènes seront à observer dans les prochains mois, note Caroline Bergeron. Il faudra aussi voir comment les gens ajusteront leur générosité en cette fin d’année. À quelques jours des guignolées, en pleine campagne Centraide, elle craint que les campagnes des uns ne souffrent de celles des autres.

« J’ai bien peur qu’il n’y ait un déplacement, dit Caroline Bergeron. Il ne faut pas s’attendre à ce que les gens doublent leurs dons. Ce n’est tout simplement pas possible. »

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