Pointe-Saint-Charles

La Ville évacue de force 19 locataires

Délai insuffisant. Processus inhumain. Grave négligence. Manque de coordination. Des organismes communautaires et des avocats ont dénoncé hier la façon de faire de l’administration Plante, qui a forcé l’évacuation des 19 locataires de deux immeubles résidentiels de Pointe-Saint-Charles pour des raisons de salubrité et de sécurité. Explications.

DANGER

Un peu avant Noël, des inspecteurs du Service de sécurité incendie de la Ville ont constaté que ces immeubles, situés dans les rues Châteauguay et du Centre, étaient non sécuritaires pour les occupants en cas de feu. Sans parler des problèmes d’insalubrité : infiltration d’eau, moisissures, vermine… Le 2 février, la Direction de l’habitation de la Ville a remis des avis d’évacuation aux locataires, qui avaient jusqu’à hier midi pour partir. « Je veux m’assurer que la population est en sécurité. Si un édifice n’est pas sécuritaire, je ne peux pas juste les laisser à l’intérieur. Je ne veux pas avoir un accident sur la conscience », a déclaré hier la mairesse Plante.

DÉLAI

Les organismes communautaires de Pointe-Saint-Charles ne contestent pas les faits. Ces deux immeubles sont effectivement insalubres et en très mauvais état. La Ville est au courant des problèmes depuis très longtemps, plaident-ils. Mais le délai de trois semaines accordé aux locataires pour quitter les lieux est trop court. « C’est inacceptable et inhumain », affirme Cédric Glorioso-Deraiche, porte-parole des organismes membres de la table de concertation Action-Gardien, à Pointe-Saint-Charles. « Ces locataires ont peu de revenus et plusieurs souffrent de problèmes de santé mentale. Ils sont démunis. » Y a-t-il des enfants ? « Un adolescent », répond M. Glorioso-Deraiche. Les autres sont des adultes qui vivent seuls ou partagent un appartement.

LOCATAIRES

Que va-t-il leur arriver ? « Ces personnes vont être relogées, a assuré la mairesse. Est-ce souhaitable, un préavis si court ? Non. Mais la sécurité est une priorité et il fallait agir. » En attendant, les locataires ont été pris en charge, notamment par la Croix-Rouge. « Personne ne sait ce qui va arriver demain ou après-demain », a déploré Me Manuel Johnson, un avocat de l’aide juridique qui représente les locataires. « La Ville les a amenés dans un motel, mais on ne sait pas pour combien de temps. Ces personnes sont tellement démunies qu’elles ne voulaient pas quitter leur logement même s’il était dangereux. Elles savent très bien qu’elles ne trouveront pas d’appartements au même prix à Montréal et sont attachées à Pointe-Saint-Charles, un quartier tissé serré. C’est un drame social. » Des gens habitaient dans ces appartements depuis plus de 10 ans et payaient 600 $ par mois.

PROPRIÉTAIRE

Le propriétaire des deux immeubles, Robert Zaphiratos, habite à Hawkesbury, en Ontario. Il n’a jamais été vu dans les environs. Depuis 2010, il accumule les infractions de non-conformité. Son avocat, Bruce Taub, s’est présenté en Cour supérieure avant-hier dans le but de faire infirmer la décision et de gagner du temps. Mais le juge a rejeté sa demande, estimant que les immeubles présentaient trop de problèmes et que les travaux exigés n’avaient pas été effectués dans le passé. Un avis de détérioration a été remis en 2012. « Le propriétaire a été négligent. Mais la Ville aussi a été négligente », assure Me Manuel Johnson. « Elle aurait pu faire les travaux, envoyer la facture au propriétaire ou encore exproprier les immeubles et les vendre à des groupes communautaires pour un montant symbolique. Elle avait tous les pouvoirs pour le faire et n’a rien fait. »

— Avec Pierre-André Normandin, La Presse

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