Psychologie

Se défouler pour se  sentir mieux

Dans le film Demolition de Jean-Marc Vallée, le personnage interprété par Jake Gyllenhaal saccage sa maison. Au jeune Chris qui l’accompagne, il confie : « Nous démolissons mon mariage. »

Il n’est pas le seul à ressentir le besoin de détruire des objets pour se sentir mieux. C’est une tendance de plus en plus populaire. À preuve, l’éclosion de salles de défoulement (rage rooms) aux États-Unis.

D’après le Daily Star, Kanye West en aurait une dans sa maison : sofa, assiettes, photos, sac d’entraînement et disques de Maroon 5 et de Nickelback s’y trouveraient. Au lieu de contenir sa rage ou de frapper quelqu’un, le rappeur peut utiliser cette pièce pour se défouler.

Au Québec, cette tendance voit aussi le jour. À Casse-Cité à Montréal, des salles sont à la disposition des clients pour détruire des objets à l’aide notamment de bâtons de baseball.

Une salle de défoulement est aussi offerte aux clients du restaurant Robin des Bois sur le boulevard Saint-Laurent. Dans ce lieu isolé, les gens sont invités à épingler un mot, un nom ou une photo sur un mur, pour ensuite y lancer des assiettes en échange d’un don volontaire.

« Il y a plusieurs années, lorsque mes copines ou moi vivions des difficultés dans la vie, on cassait des assiettes en groupe, explique la fondatrice du restaurant, Judy Servay. Ça arrive à tout le monde de ressentir de la colère ou de la violence, et nous nous disions qu’il valait mieux la libérer dans un environnement où nous ne faisions de mal à personne. »

« Et lorsque nous avons déménagé le restaurant sur le boulevard Saint-Laurent et que j’ai vu la petite salle à l’entrée, je me suis tout de suite dit que ce serait parfait pour une salle de défoulement ! »

Comme une thérapie ?

Patrice Coquereau, porte-parole du restaurant et organisme à but non lucratif Robin des Bois, a tenté l’expérience sous l’œil du photographe de La Presse.

« Dans les 11 dernières années, la Ville a éventré ma rue à 6 reprises. Et que dire des constructions sur Saint-Laurent ! Alors, pour l’interminable processus des travaux à Montréal, je lance des assiettes. C’est le fun à faire, puisque nous transgressons un interdit. »

— Patrice Coquereau, comédien et porte-parole de Robin des Bois

Selon Judy Servay, 92 % du temps, les gens sortent de la salle avec un gros sourire. « C’est aussi bon qu’une heure de thérapie ! », dit-elle en riant.

La psychologue Annie Renouf est d’accord qu’une fois de temps à autre, il peut être sympathique de s’adonner à cet exercice. « Mais agir, frapper ou détruire sans réflexion, je crois que c’est peu efficace », nuance-t-elle.

C’est pour cette raison qu’elle aime l’idée du Robin des Bois d’afficher le nom d’un événement, d’un mot ou d’une date sur le mur, puisque la personne prend le temps de réfléchir avant de se défouler. La symbolique de lancer une assiette sur le message devient alors plus forte.

« Si ça peut faire du bien, c’est bon d’y aller une fois ou deux, mais les effets positifs sont à court terme, explique Annie Renouf. Et ce ne sera jamais aussi bon qu’une thérapie où il faut se connecter à l’intérieur de nous. Où il faut vraiment se poser la question : qu’est-ce qui nous rend agressifs et pourquoi ? C’est là qu’on peut découvrir et apprendre à tolérer ses émotions. Aussi, pour développer des moyens qui ont un sens pour nous et qui fonctionneront encore à long terme. Là, ça va vraiment vous aider. »

« Il ne faut pas oublier que l’agressivité est une bonne chose, ajoute la psychologue. Elle permet de mettre nos limites, de s’afficher et de dire ce qui ne fait pas notre affaire. »

Se défouler sans détruire

Il n’y a pas qu’en détruisant des objets qu’une personne peut se défouler après une mauvaise journée. Plusieurs sports ou activités le permettent, dont le paintball et le combat à l’arc.

Au Combat d’archers à Montréal, les participants sont invités à jouer des parties de ballon-chasseur, mais avec un arc. Ce nouveau sport a été créé aux États-Unis, il y a quelques années.

« C’est vrai que c’est un bon sport pour se défouler, dit le propriétaire, Olivier Ulysse. Tu vises du monde, tu tentes de les atteindre avec tes flèches, et ce, sans te faire toucher. Tu es en mode combat. Une façon d’enlever les idées noires de sa tête. »

« De temps en temps, c’est agréable de se libérer de tensions ! rappelle Judy Servay. C’est un peu comme d’aller dans le bois avec une hache. Il y a plein de moyens à notre disposition. »

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