Éditorial

Ne tablettons pas la technologie

Comment faire en sorte que les élèves tirent le meilleur de la technologie en classe ? Qui doit payer pour leur fournir une tablette électronique ou un ordinateur portable ?

Ces questions sans réponse refont malheureusement surface d’année en année à chaque rentrée scolaire. Pour cause : le ministère de l’Éducation n’a toujours pas élaboré de stratégie pour intégrer la technologie à l’école du XXIe siècle. C’est pourtant incontournable.

« Le fossé est immense entre la technologie et les écoles publiques », déplore Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication en éducation à l’Université de Montréal.

Ses recherches démontrent que la technologie en classe comporte certes des défis – à commencer par la distraction – mais peut aussi offrir des avantages indéniables. Pour en faire un réel outil d’apprentissage, la formation des enseignants et la responsabilisation des élèves sont toutefois incontournables.

Au lieu de bénéficier d’une démarche réfléchie et concertée, tout repose cependant sur les initiatives individuelles. C’est la volonté et l’entêtement des écoles qui font en sorte que les élèves québécois acquièrent – ou pas – une compétence pourtant indispensable dans la société d’aujourd’hui.

On assiste d’ailleurs à une « fracture pédagogique » notait le CEFRIO dans un rapport sur l’utilisation du numérique dans les écoles du Québec.

« D’un côté, des milieux savent en tirer profit pour leurs élèves, alors que de l’autre, certains en font un usage anecdotique et non significatif. »

— Extrait d’un rapport du CEFRIO

Le privé a sauté dans le train technologique depuis plusieurs années déjà. Aujourd’hui, la majorité des écoles privées exigent que les élèves travaillent, en classe comme à la maison, avec une tablette électronique ou un portable. La facture est refilée aux parents.

Le portrait est tout autre dans le réseau public. Les écoles qui souhaitent implanter un programme pédagogique intégrant les technologies doivent faire preuve d’audace et de détermination pour surmonter les nombreuses embûches.

La saga de l’école Le Sommet, à Québec, l’illustre clairement. Depuis 2014, l’établissement public a implanté un programme où tous les élèves de première secondaire travaillent obligatoirement avec une tablette électronique en classe, achetée ou louée par les parents à la commission scolaire.

Peu importe l’arrangement conclu ou les mesures mises en place pour réduire la facture, il est illégal de faire payer les parents, vient cependant de rappeler le Ministère en tapant sur les doigts de l’école et en pelletant à la commission scolaire la responsabilité de trouver une solution. Pour éviter que le projet ne tombe à l’eau, il semble maintenant qu’elle pourrait fournir les tablettes aux élèves concernés.

Dans l’ensemble des écoles du Québec, le problème de l’intégration des technologies en classe n’est pas réglé pour autant. Le défi du financement est crucial – nous y reviendrons prochainement – mais d’autres questions se posent également.

Tous les élèves doivent avoir la chance de maîtriser les technologies numériques, et il est nécessaire de trouver une façon d’y parvenir de façon réfléchie et équitable.

C’est au ministère de l’Éducation de répondre rapidement à ces enjeux et de stopper l’écart qui se creuse entre les écoles « technoriches »… et les autres.

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