Quand l’avocat de Trump a reçu un chèque d’un joueur du Canadien
New York — C’est l’un des plus grands mystères entourant les affaires plus ou moins propres de Michael Cohen. En 1999, celui qui n’était pas encore connu comme l’avocat personnel de Donald Trump a reçu un chèque de 350 000 $ dont le signataire n’était nul autre que le défenseur russe Vladimir Malakhov, qui portait alors l’uniforme du Canadien de Montréal.
Selon Malakhov, cette somme était un prêt destiné à une amie russe de Floride qui lui avait demandé d’envoyer le chèque à Cohen. Or, lors d’une déclaration sous serment, l’amie a affirmé n’avoir jamais reçu l’argent ou été informée de l’existence du chèque, jusqu’à ce que celui-ci réapparaisse dans le cadre d’un procès en Floride, des années plus tard. De son côté, Cohen n’a pas été en mesure d’expliquer comment le chèque lui était parvenu ni ce qu’il était advenu des 350 000 $ de Malakhov, l’un des hockeyeurs russes professionnels qui ont fait face à des menaces ou à des tentatives d’extorsion de la part de la mafia russe dans les années 90.
« [Cohen] a dit qu’il n’avait aucune idée de ce dont il était question, ce qui est une réponse très étrange de la part d’un avocat », a dit à La Presse Seth Hettena, qui dévoile l’histoire du chèque de Malakhov dans Trump/Russia : A Definitive Story, un livre sur les liens de Donald Trump avec la Russie qui paraîtra le 8 mai aux États-Unis. « Les règles du barreau exigent que les avocats s’occupent des fonds de leurs clients avec attention. »
Mais Michael Cohen n’est sans doute pas l’avocat le plus respectueux des règles. Soupçonné de fraude bancaire, de fraude électronique et de violation de la loi sur le financement électoral, il a fait l’objet lundi d’une perquisition visant son bureau et sa chambre d’hôtel à New York. Des agents du FBI y ont saisi des documents relatifs à plusieurs dossiers, dont les versements d’argent auprès de l’actrice porno Stormy Daniels et de l’ex-mannequin de Playboy Karen McDougal. Les deux femmes prétendent avoir eu des liaisons avec Donald Trump.
Parmi toutes les mauvaises nouvelles qui ont gâché la semaine du président américain, la perquisition du FBI semble être celle qui l’a le plus ulcéré. La raison tient sans doute au rôle très particulier que joue Michael Cohen auprès de Donald Trump. Un rôle que le titre d’« avocat personnel » du président ne saurait résumer.
« Plusieurs personnes surnomment Cohen “Tom” en référence à Tom Hagen, le consigliere du clan Corleone dans le film Le parrain, et Cohen aime ça. »
— Seth Hettena
« Trump est un gars dont le comportement le place souvent dans des situations délicates. Or, il veut maintenir une certaine image. Et c’est le boulot de Cohen de protéger cette image. »
L’avocat personnel de Donald Trump peut ainsi parfois jouer les pitbulls pour défendre son client, comme il l’a expliqué à un journaliste d’ABC en 2012.
« Cela signifie que si quelqu’un fait quelque chose que M. Trump n’aime pas, je fais tout ce que je peux pour régler ça à l’avantage de M. Trump. Si vous faites quelque chose de mauvais, je vais fondre sur vous, je vais vous prendre par le cou et je ne vous lâcherai pas tant que je n’aurai pas fini. »
Michael Cohen utilise aussi l’argent pour protéger Donald Trump. Il a admis avoir joué un rôle d’intermédiaire entre Karen McDougal et le groupe American Media Inc., qui a versé 150 000 $ à l’ex-mannequin de Playboy pour s’assurer de l’exclusivité de son histoire avec Donald Trump. Et il a reconnu avoir versé 130 000 $ à Stormy Daniels, tout en jurant avoir agi sans le consentement ou la connaissance de Donald Trump.
Mais l’importance de Michael Cohen ne tient pas seulement à ces rôles de pitbull ou de bagman. L’avocat est aussi un rouage important dans les relations commerciales ou financières du président avec la Russie et les pays de l’ex-URSS, dont l’Ukraine et la Géorgie. Né à Long Island il y a 51 ans, il a attiré l’attention du futur président lorsque lui et des membres de sa famille, dont son beau-père d’origine ukrainienne, Fima Shusterman, ont acheté, dans l’espace de cinq ans, des appartements d’une valeur totale de 17,5 millions de dollars dans des tours appartenant à Trump, selon Seth Hettena.
« Ma source me dit que le beau-père de Cohen servait d’intermédiaire pour transférer des fonds russes vers les entreprises de Trump dans les années 90 », dit Seth Hettena.
L’auteur de Trump/Russia note un autre mystère entourant les affaires de Michael Cohen, qui a fait des millions dans l’immobilier et le taxi à New York. Après l’élection de Donald Trump, l’avocat s’est aussitôt départi de ses parts dans une salle de réception appartenant à un oncle à Brighton Beach, un quartier de Brooklyn.
« C’est curieux. Pourquoi y aurait-il un conflit entre avoir des parts dans une salle de réception et représenter un président en tant qu’avocat ? », demande Seth Hettena.
La réponse tient peut-être au fait que le club est fréquenté depuis des années par des membres de la mafia russe de Brighton Beach.