Vacances de Trudeau dans l’île privée de l’Aga Khan

La commissaire à l’éthique se saisira du dossier

Les vacances familiales et le voyage en hélicoptère privé de Justin Trudeau dans l’île privée de l’Aga Khan respectent-ils la Loi fédérale sur les conflits d’intérêts ? La commissaire fédérale à l’éthique Mary Dawson a confirmé hier qu’elle se penchera sur la question, après avoir reçu une demande d’un député conservateur. La Presse a posé la question à deux experts en droit.

La loi

L’article 11 de la loi fédérale interdit de façon générale à un ministre d’accepter un cadeau pouvant « raisonnablement donner à penser qu’il a été donné pour [l’]influencer », mais il permet à un élu d’accepter un cadeau d’un ami. L’article 12 interdit à un ministre de voyager à bord d’avions privés « pour quelque raison que ce soit », sauf « circonstances exceptionnelles ». Le premier ministre Trudeau fait valoir que l’Aga Khan est un ami de la famille et que son hélicoptère privé est la seule façon de se rendre dans l’île.

Non

Que décidera la commissaire fédérale à l’éthique ? Le professeur de droit Patrick Taillon croit que le cadeau, notamment le voyage d’hélicoptère, ne respecte pas la loi fédérale. À son avis, le fait que la fondation de l’Aga Khan soit inscrite au registre fédéral des lobbyistes démontre, amitié ou non, que le cadeau n’est pas désintéressé au sens de la loi. L’article 12 fait aussi une référence spécifique aux voyages en avion. « La commissaire n’a pas une grande marge d’appréciation », affirme M. Taillon, qui enseigne le droit à l’Université Laval.

Pas de réponse évidente

Le professeur de droit de l’Université d’Ottawa Charles-Maxime Panaccio estime qu’il n’y a pas de « réponse évidente » dans le cas des vacances de M. Trudeau. « Sur la question des principes, qu’un ami paie le transport pour se rendre chez lui peut se défendre, dit-il. Mais l’article 12, qui semble strict, ne considère pas le lien d’amitié pour justifier un vol privé payé par un ami. Cet article avait été adopté après que des ministres [notamment Paul Martin] avaient voyagé à bord d’avions privés. »

« Manque de jugement », dit Deltell

Les conservateurs estiment que cette affaire démontre un « manque flagrant de jugement ». « Il a droit à des vacances privées en famille, on ne l’empêchera jamais de voir ses amis, mais il faut le faire à visage découvert. Dans le doute, on consulte [la commissaire] ou on s’abstient. Quand il y a des situations délicates, qu’on donne l’heure juste et qu’on paye, on n’a pas de problèmes. Il n’a pas découvert [l’hélicoptère privé] en débarquant de l’avion. On s’attend à un remboursement [pour l’hélicoptère] », a indiqué le député conservateur Gérard Deltell, qui précise que le bureau du premier ministre n’a pas été transparent dès le départ dans ce dossier.

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