Monsieur l’inspecteur

Jolis glaçons ou dangereuse digue de glace ?

Quelques petits glaçons accrochés au toit, c’est joli. Mais quand ils deviennent affreusement costaux et longs et qu’ils sont reliés à une digue de glace sur le toit, on aurait tort de s’émerveiller.

Le phénomène des digues de glace se manifeste souvent sur les coquettes maisons d’après-guerre aux toits percés de lucarnes. Les vieux bungalows et toutes les maisons ayant un comble habité ou un toit à plusieurs versants peuvent aussi en être victimes.

Souvent, les propriétaires ignorent qu’il s’agit d’un problème aux conséquences potentiellement coûteuses. Chaque hiver, de la glace s’accumule aux mêmes endroits sur le débord de toit, au bas des noues (l’intersection de deux pentes) ou sous une lucarne. On s’imagine que c’est normal, jusqu’au jour où de l’eau s’infiltre à l’intérieur.

« Il y a une grosse différence entre des glaçons de 7 ou 10 cm et des glaçons de 60 ou 90 cm ! Quand on s’éloigne de la maison, on peut facilement voir qu’ils sont reliés à un barrage de glace sur le toit. » 

— Marc-André St-Pierre, inspecteur en bâtiment

Le soleil d’hiver peut faire fondre un peu la neige sur le toit, mais quand il y a formation de masses de glace, c’est la chaleur de la maison qui est responsable. Le toit est mal isolé.

Presque tous les toits de notre parc immobilier résidentiel sont isolés et ventilés selon les mêmes principes : dans le comble, un matériau isolant couvre toute la surface qui correspond au plafond du dernier étage. Sous cet isolant, un pare-vapeur empêche l’humidité contenue dans l’air chaud de migrer vers le comble.

Les toits en pente sont ventilés par des soffites, un matériau grillagé installé sous les débords de toit. L’air de l’extérieur y pénètre et circule jusqu’à un ventilateur de pignon. L’hiver, au-dessus de l’isolant, l’air dans le comble demeure froid.

PERTES DE CHALEUR

Dans les maisons aux combles habités et aux toits dotés de lucarnes, ces principes d’isolation et de ventilation sont souvent mal appliqués. La chaleur de la maison vient réchauffer le pontage du toit, qui réchauffe à son tour la toiture de bardeaux d’asphalte. L’eau coule alors jusqu’au débord de toit, qui, lui, ne reçoit pas la chaleur de la maison.

« L’eau gèle sur le débord de toit et la glace prend aussi dans la gouttière, explique Marc-André St-Pierre. Un barrage de glace se crée et lors d’un redoux, il retient de l’eau, qui peut s’introduire dans le toit. »

Dans de rares cas, l’infiltration d’eau se manifeste subitement sur le plafond et les murs de l’aire habitable. La plupart du temps, elle sera confinée au comble. L’eau détériorera l’isolant et finira par faire pourrir les éléments en bois.

« Le froid de l’extérieur rencontre la chaleur de l’intérieur vis-à-vis du pontage en contreplaqué. Il se produit un bris thermique et le contreplaqué se délamine. »

— Sylvain Blanchard, couvreur

Affaibli, le pontage fléchit sous le poids de la glace. Complètement gelé, le bardeau d’asphalte n’a pas la flexibilité qu’il aurait sous la chaleur de l’été. « Il devient aussi fragile que de la vitre. Il craque et se fend », illustre Sylvain Blanchard.

La glace contribue aussi à détacher le granulat dont sont recouverts les bardeaux. Résultat : la toiture n’est plus étanche, peu importe la saison !

RECONNAÎTRE LES SIGNES

Un bon inspecteur en bâtiment saura reconnaître les conséquences des digues de glace, même en été. À l’extérieur, la gouttière sera décrochée et le bardeau sera anormalement usé. Le revêtement de toit peut aussi avoir été réparé de façon artisanale, ou remplacé seulement aux endroits problématiques.

Dans le comble, l’inspecteur devra tenter de découvrir des signes d’infiltration d’eau sous les noues et près des lucarnes. Il examinera aussi l’isolant et le pare-vapeur. Dans les combles habités, ces vérifications seront impossibles.

L’installation de câbles chauffants sur le débord de toit peut éliminer l’accumulation de glace. Cependant, l’eau pourra quand même finir sa course en gelant sur la gouttière, et les problèmes d’isolation du toit demeureront.

Il est préférable de corriger le problème à la source, en révisant l’étanchéité du pare-vapeur, la quantité d’isolant et l’efficacité de la ventilation. Sinon, toute une série de conséquences perdurera : coûts de chauffage élevés, condensation et pourriture sur les éléments en bois et affaiblissement de la structure.

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