Jacqueline Desmarais 1928-2018

Deux souhaits exaucés

L’ancien critique musical de La Presse Claude Gingras rend hommage à Jacqueline Desmarais, avec qui il a partagé sa passion et ses connaissances de la musique. 

Mme Desmarais… Je lui ai déjà dit que j’aurais aimé avoir une mère comme elle. J’ai eu une mère généreuse, mais toujours de mauvaise humeur, puisqu’elle souffrait de rhumatisme. Mme Desmarais était toujours de bonne humeur.

Elle était toujours souriante, joviale et très simple. Et pourtant, elle s’habillait de manière spectaculaire. Elle arrivait quelque part et il n’y avait plus rien qui existait.

Nous nous parlions souvent au téléphone. Nous pouvions parler d’une chanteuse de jazz, comme Della Reese, et j’allais mettre le disque. Je faisais jouer le disque au téléphone et elle l’écoutait à l’autre bout !

Un jour, j’ai appelé mon amie Margot Provencher, qui était la secrétaire de Mme Desmarais, et je lui ai dit que Mme Desmarais pourrait peut-être prendre en main ma collection personnelle de disques, de partitions, de livres et de magazines. C’est une des grosses collections au monde. J’ai 150 000 disques.

Mme Desmarais et Margot Provencher sont venues chez moi avec leur avocat et nous avons réglé tout ça. Tout ira à l’Université de Montréal. J’étais content parce que je sais maintenant que quand je vais trépasser, ma collection ne sera pas jetée dans un conteneur.

Elle a pris en main ma collection pour le grand bien de la communauté. Elle m’a rendu service, oui. Mais au moins, ce sera sauvegardé.

Avant de partir, Mme Desmarais m’a demandé si je voulais autre chose. J’ai dit : j’aimerais survoler [le domaine] Sagard en hélicoptère. Parce que ça me fascinait… Vous savez, il a 32 lacs là-dessus !

En août 2012, j’ai eu l’occasion d’y aller avec le jeune violoncelliste Stéphane Tétreault et son pianiste.

J’ai trouvé ça très impressionnant, j’ai trouvé ça surréaliste. C’était comme au cinéma. Il y avait de la musique qui jouait toujours en sourdine, toujours de l’opéra.

Nous avons parlé de toutes sortes de choses. On ne s’ennuyait pas avec elle. Je le répète, elle était toujours souriante.

Nous nous sommes promenés en calèche, Margot, Mme Desmarais et moi, sur le vaste terrain.

En début de soirée, nous sommes allés au pavillon de musique. Ce pavillon est extraordinaire, avec des portes qui coupent le son. M. Tétreault nous a offert un petit récital. Nous étions si près que nous aurions pu toucher à son violoncelle.

— Claude Gingras

Jacqueline Desmarais 1928-2018

Une riche collection sauvegardée

La présence colorée et attachante de Jacqueline Desmarais appartient désormais à nos plus beaux souvenirs. En même temps, son nom restera attaché à jamais à plusieurs des choses que nous chérissons le plus : l’orgue gigantesque de la Maison symphonique, l’entrée de Yannick Nézet-Séguin au Metropolitan Opera, le précieux violoncelle de Stéphane Tétreault, les innombrables jeunes voix d’opéra qu’elle a soutenues, et quoi encore.

On me permettra d’ajouter ici un détail plus personnel. Jacqueline Desmarais a accepté de prendre en main ma vaste collection de disques, partitions, livres et autres documents, laquelle, grâce à son immense générosité, sera déposée, à mon décès, à la faculté de musique de l’Université de Montréal pour y être à la disposition des chercheurs et mélomanes du monde entier.

Merci, Madame Desmarais. Nous ne vous oublierons jamais.

— Claude Gingras

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