La beauté de l’art et du vivre-ensemble

En attendant que la directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), Nathalie Bondil, arrive, le photographe de La Presse prend le temps de faire un peu de repérage.

On pourrait faire la photo ici, ou là…

Mais quand celle que La Presse consacre personnalité de l’année en culture arrive, tous les plans prennent gentiment, joyeusement, le champ. Avec un grand sourire qui efface toute opposition, elle fait comprendre qu’il n’est pas question de capter une image ailleurs que dans le nouveau bâtiment, son bébé, son nouveau chouchou, le Pavillon pour la paix qui vient tout juste d’être inauguré.

Et, évidemment, on dit oui.

Ce n’est pas loin, explique-t-elle, il suffit de traverser le musée. Il est derrière le pavillon Jean-Noël Desmarais. Comment ne pas aller le découvrir ? Un pavillon « pour la paix », en plus, un nom qui n’a jamais semblé aussi pertinent que maintenant, alors que cette année 2016 se termine dans un mode confus et troublant, entre des nouvelles terrifiantes de Syrie et d’autres pour le moins déconcertantes de Washington…

« Qui a trouvé le nom ? Je crois que c’est moi », précise la directrice en marchant rapidement dans le labyrinthe de couloirs et de tunnels qui permettent de circuler entre les différents espaces de l’immense institution, sans jamais sortir sous la pluie, dans le froid. Renata et Michal Hornstein, qui ont financé le nouvel immeuble totalisant près de 5000 mètres carrés destinés à différentes collections d’art ancien, avaient déjà un pavillon à leur nom, il fallait donc trouver autre chose. Et ces survivants de l’Holocauste, morts au début de l’année, étaient effectivement de grands pacifistes et incarnaient cet idéal, explique la directrice.

Un avant-goût du 375e ANNIVERSAIRE

Pour la photo, on suit donc la grande dame, qui salue tout le monde au passage. On monte dans des ascenseurs, on descend des escaliers. Les salles somptueuses aux couleurs sombres où l'on se croirait dans des salons de tous les temps s’enchaînent au centre de la construction, alors que tout le pourtour est hautement moderne et lumineux. Il y a des tableaux, des objets, de l’ancien et du nouveau en contrepoint. On admire la beauté des œuvres, mais aussi le regard que l’on pose ainsi sur la vie à une autre époque. Alors qu'on se sent transporté à travers les années, une installation lumineuse de Lightemotion sur les murs d’une salle consacrée à la nature morte nous ramène au présent.

Partout, il y a des visiteurs qui profitent de ce premier legs du 375e anniversaire de la métropole, notamment dans la grande cafétéria du sous-sol, où des centaines d’écoliers mangent entre deux visites. Parce que le MBAM, c’est aussi tout un nouveau volet éducatif et thérapeutique, parrainé cette fois par l’ancien éditeur Michel de la Chenelière.

La vision du musée soutenue et mise en avant par Mme Bondil n’est pas traditionnelle. Avec des expos sur Robert Mapplethorpe, Jean Paul Gaultier, Pompéi ou Miles Davis, on sort des sentiers battus et l’institution collectionne les records de fréquentation. Le public embarque. 

« C’est une erreur de confiner le discours des œuvres aux yeux des spécialistes. »

— Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal

Et elle entend poursuivre dans cette voie où elle est maintenant engagée jusqu’en 2021. Un de ses leitmotivs : l’intelligence émotionnelle doit prendre sa place dans la discussion sur l’art. Que le dialogue s’ouvre ! Surtout que tout le monde, dit la directrice, a quelque chose à gagner du contact avec l’art. L’émotion esthétique aide la santé du cerveau, crée de nouvelles connexions, nous aide à vivre seuls et ensemble. Quand on se plonge dans tout cela, dit-elle, on comprend que « le monopole des arts n’appartient à personne, même pas aux artistes ».

Avec le nouveau président du conseil d’administration du musée, Jacques Parisien, Mme Bondil entend donc toujours faire évoluer son institution vers de nouvelles avenues. Prêt d’œuvres en région, accueil de programmes scolaires, visites pour les aînés, échanges interculturels… D’ailleurs, prochain objectif : profiter de l’espace récemment dégagé grâce au nouveau pavillon pour célébrer les cultures du monde. La directrice cherche même une façon d’arrimer la nourriture avec l’expression artistique de la multiplicité à montrer, à expliquer.

Et l’été prochain, c’est sur un kilomètre, en plein air, pendant cinq mois, que la paix sera exprimée sous forme de sculptures et de photos sous les étoiles, rue Sherbrooke. Le musée sera donc plus que jamais à la portée de tous et au premier plan des célébrations de cette ville qu’elle adore et dont son institution est devenue plus que jamais un incontournable, un pilier.

Bravo, Mme Bondil !

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