Hiver neigeux et pluie abondante

La tempête parfaite

Ce n’est pas une illusion : il a plu énormément sur le Québec au cours des dernières semaines. La neige tombée cet hiver, la pluie abondante du printemps, mais en partie aussi les changements climatiques expliquent la montée du niveau de plusieurs cours d’eau.

Pourquoi pleut-il autant ?

C’est le temps de blâmer les Américains, dit à la blague Denis Thibodeau, météorologue à Environnement Canada. « On a eu une série de trois dépressions provenant du Texas, qui ramassent beaucoup d’humidité du golfe du Mexique. La première est arrivée tandis qu’on avait une bonne couche neigeuse sur le sol, ce n’était pas le timing parfait. » La troisième, qui sévit en fin de semaine, va « stagner sur l’est du Québec ».

Le sol ne peut-il absorber l’eau qui tombe ?

Oui, jusqu’à un certain point. « Au Québec, la nappe phréatique, soit le niveau où le sol est saturé, n’est jamais très loin sous la surface du niveau du sol, explique François Brissette, ingénieur hydrologue et professeur à l’École de technologie supérieure (ETS). Donc, s’il pleut beaucoup, la nappe se retrouve près du niveau de surface. Il n’y a juste plus de place pour absorber l’eau, comme une éponge remplie d’eau. Quand la nappe phréatique est pleine, l’eau s’en va vers le cours d’eau plus vite, et on a un gonflement rapide. »

Pourquoi les rivières débordent-elles ce printemps ?

Le Québec a beau avoir un climat tempéré et recevoir à peu près la même quantité de précipitations chaque mois, l’hiver a été particulièrement neigeux. La quantité de neige, mais aussi la fonte rapide survenue ce printemps, ont contribué aux inondations actuelles, dit François Brissette. « Le deuxième facteur, c’est qu’on a eu au mois d’avril le double des précipitations qu’on a d’habitude. Mettez les deux ensemble, c’est la recette parfaite pour les inondations. » C’est également ce qui explique que la rivière des Outaouais fasse des siennes, selon lui. « Ils ont eu plus de neige et plus de pluie, résume le professeur de l’ETS. C’est clair que pour les gens qui sont le long du lac des Deux Montagnes, qui est l’exutoire de la rivière des Outaouais, la situation ne devrait pas s’améliorer. On est significativement au-dessus de la plus haute valeur en 30 ans : ça commence à ressembler à un niveau centenaire. »

Peut-on comparer la situation actuelle au déluge du Saguenay ?

Les conditions ne sont pas les mêmes, dit l’ingénieur hydrologue François Brissette. « Au Saguenay, c’était un phénomène très différent, c’était en été et c’était des orages. Ce qu’on vit est plus comparable à ce qui s’est passé sur le Richelieu en 2011. Dans ce cas, on était à un niveau plus extrême encore. Il va falloir attendre de voir ce qui va se passer en fin de semaine. »

Les changements climatiques sont-ils responsables de la météo actuelle ?

Il est très difficile de faire des liens entre un seul évènement et les changements climatiques. « Le lien qu’on peut faire, c’est que l’incertitude climatique et hydrologique est augmentée par les changements climatiques et va l’être sans cesse. Les changements climatiques favorisent l’apparition d’évènements qui sortent de la normale », dit Nicolas Milot, professeur associé à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM.

Un avis partagé par Alain Bourque, directeur général d’Ouranos. « On ne peut pas dire que cet évènement-là n’est pas cohérent avec les changements climatiques », dit-il.

« À peu près tous les simulateurs climatiques de la planète s’entendent pour dire que sur le sud du Québec, on verra plus de précipitations l’automne, l’hiver et le printemps », dit-il. Toutefois, avec la hausse des températures, la neige devrait fondre plus vite l’hiver. « En moyenne, ça pourrait donner des crues printanières moins importantes. Mais à partir du moment où on s’attend à plus de précipitations, ça augmente probablement aussi la probabilité d’avoir des évènements plus spectaculaires si tu as la combinaison gagnante de paramètres : pas mal de neige l’hiver, un printemps mouillé. »

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