Grande entrevue  Alexandre L’Heureux, nouveau PDG chez WSP

Approfondir l’empreinte mondiale du groupe

Alexandre L’Heureux deviendra dans les prochains jours le nouveau PDG de WSP, anciennement Genivar, où il succédera à Pierre Shoiry qui a dirigé durant 20 ans la firme d’ingénierie montréalaise et orchestré son expansion internationale. Double singularité, Alexandre L’Heureux est un Québécois francophone et il n’est pas ingénieur.

En l’espace de 10 ans et à la suite de multiples acquisitions, WSP est passée du statut d’acteur canadien d’envergure à celui qui consolide l’industrie mondiale de la consultation dans le secteur de l’ingénierie.

« Alexandre s’est joint à nous comme chef de la direction financière en 2010, au moment où on a entrepris notre expansion internationale. On avait établi une solide plateforme canadienne et on avait deux options : soit on se faisait acheter, soit on devenait un joueur mondial. On a décidé de consolider notre présence à l’extérieur », résume Pierre Shoiry, PDG sortant de WSP.

Il est donc possible pour une multinationale montréalaise de trouver un PDG québécois. Avec une présence dans 39 pays et des revenus qui excèdent les 6 milliards de dollars, WSP aurait pu décider d’aller à l’extérieur pour choisir son nouveau PDG, à l’instar de nombreuses entreprises qui ont choisi cette voie.

« On est une entreprise publique sans actionnaire de contrôle. Pour moi, la relève, ç’a toujours été important. En travaillant en étroite collaboration avec Alexandre, j’ai vu qu’il partageait notre culture et notre vision.

« Après 20 ans comme PDG, j’ai jugé que c’était le temps de réaliser la transition », ajoute celui qui deviendra vice-président du conseil de WSP.

Lorsque Pierre Shoiry a été nommé PDG en 1995, le groupe réalisait des revenus de 180 millions avec 1800 employés. Vingt ans plus tard, il affiche des revenus de 6 milliards et compte 35 000 personnes.

Alexandre L’Heureux, comptable de formation et analyste financier, prendra officiellement les rênes de l’entreprise lorsqu’on aura trouvé un nouveau chef de la direction financière pour le remplacer.

« Je travaillais pour un fonds d’investissement américain à New York lorsque Pierre Shoiry m’a approché, en 2009, pour devenir chef de la direction financière. J’avais 35 ans et j’étais à la croisée des chemins.

« Soit je terminais ma carrière aux États-Unis, soit je revenais au Québec. Le défi de transformer Genivar en joueur mondial m’a convaincu de revenir », relate le nouveau PDG.

ACTIONNAIRES PARTENAIRES

Pour réaliser leur plan, Pierre Shoiry et Alexandre L’Heureux avaient besoin d’actionnaires capables et désireux de les épauler dans l’exécution de leur plan.

La Caisse de dépôt et placement du Québec et le Régime de pensions du Canada ont été ces deux partenaires importants qui, au fil des ans, ont haussé de 18 à 35 % leur participation au capital de l’entreprise.

« Lorsque Pierre a annoncé, il y a deux mois, que j’allais lui succéder, un de nos gros actionnaires a dit : “Je vous respectais avant, mais je vous respecte encore plus aujourd’hui”, témoignant ainsi de son appréciation du processus qui avait été mis en place », relate Alexandre L’Heureux.

Mieux encore, le titre de WSP ayant légèrement reculé lors de l’annonce du départ de Pierre Shoiry, l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada a décidé d’acheter pour 50 millions de dollars d’actions supplémentaires pour bien démontrer son appui à la transition en cours.

Rappelons qu’en 10 ans d’existence, l’action de Genivar, émise à 10 $, en vaut aujourd’hui quatre fois plus. Au cours de cette période, le titre de WSP a aussi livré 15 $ de dividendes.

COLLABORATION STRATÉGIQUE

Alexandre L’Heureux et Pierre Shoiry ont toujours travaillé en équipe pour réaliser leur plan d’internationaliser l’entreprise. En six ans, ils ont complété plus de 60 acquisitions, dont deux majeures : la britannique WSP, en 2012, et l’américaine Parsons Brinckerhoff, en 2014.

« Notre stratégie est simple. Depuis 2010, on construit l’entreprise sur les grandes tendances socio-démographiques. D’ici 2050, c’est plus de 6 milliards d’individus qui vont vivre dans les centres urbains, soit sur 2 % du territoire de la planète. »

— Alexandre L’Heureux

« L’urbanisation, le vieillissement de la population, les changements climatiques et la modernisation des infrastructures vont être au cœur de notre activité », explique le prochain PDG.

WSP réalise plus de 75 % de ses revenus dans les secteurs du bâtiment, des transports et des infrastructures. Le secteur industriel, qui recoupe l’énergie et les ressources naturelles, accapare 15 % et l’environnement, 7 %.

Les acquisitions successives, et particulièrement celles de WSP et de Parsons Brinckerhoff, ont permis au groupe d’élargir sa présence dans 39 pays avec un fort positionnement dans les pays industrialisés.

Cette expansion internationale a aussi permis à Alexandre L’Heureux de prendre conscience de l’importance d’un siège social fort à Montréal.

« Au cours des dernières années, on a fermé deux sièges sociaux, celui de WSP à Londres et celui de Parsons Brinckerhoff à New York. Le siège social, c’est là que se trouvent les plus hauts salariés de l’entreprise et c’est de là qu’on nourrit un réseau de fournisseurs », observe-t-il.

Le groupe compte notamment sur des contingents de 8000 employés au Canada, 6000 aux États-Unis, 5000 en Grande-Bretagne, 3500 en Suède, 2000 en Australie, 2000 en Chine, 1500 en Afrique du Sud…

PROCHAINE EXPANSION

« On veut élargir notre positionnement géographique. On va annoncer prochainement trois nouvelles petites acquisitions en Finlande, en Suède et au Mexique.

« On commence modestement au Mexique, mais on veut développer ce marché. Comme on l’a fait en Colombie où on a commencé nos activités il y a cinq ans avec 100 employés et où on en compte aujourd’hui 1500 », signale Alexandre L’Heureux.

Le nouveau PDG prévoit que les revenus du groupe vont passer de 6 à 8 milliards d’ici la fin de 2018 et que les effectifs passeront de 35 000 à 45 000 personnes.

« La moitié de notre croissance va se faire de façon organique et l’autre moitié va se réaliser par acquisitions », anticipe-t-il.

Comment gère-t-il le fait qu’il est le PDG d’une firme d’ingénierie sans être pour autant ingénieur de formation ?

« C’est la question que tout le monde me pose. WSP est une entreprise qui chapeaute avant tout une activité humaine. Ça prend un leader qui comprend ce qui anime cette industrie et qui veut la pousser plus loin. Je pense avoir démontré ces capacités », expose-t-il humblement.

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