Période d’étude obligatoire
La fin des classes ne signifie pas pour autant le début d’une longue récréation : les résidants ont l’obligation de faire 45 minutes d’étude chaque soir. S’ils peuvent travailler à l’heure qui leur convient, le temps qu’ils passent dans le local est compté. Bien des jeunes arrivent après les classes à 16 h et ceux qui font du zèle sont rares, si bien qu’à 16 h 45 bien précises, une file s’étire devant le bureau du surveillant. Celui-ci veille aussi à ce que le temps des résidants ne soit pas passé à flâner sur l’internet. « Lui, c’est le champion de ça », dit en boutade un éducateur à un jeune au sens de la répartie aiguisé. « C’est pour ça que je me mets devant la fenêtre. Je te vois toujours arriver », rétorque-t-il.
« Un endroit le fun »
Il ne faut pas beaucoup de temps pour que les résidants troquent leur uniforme scolaire contre leurs vêtements de tous les jours. Après les classes, les cochambreuses Maïka Gagné (à droite) et Annie Beaudin ont regagné leur chambre. Cette dernière est résidante au collège depuis septembre dernier. Vivre à l’école, dit-elle, lui a permis de s’accepter comme elle est. Elle ne se maquille plus pour aller en classe, observe-t-elle. Et l’école, qu’elle considérait comme un endroit « plate », a pris une nouvelle dimension. « L’endroit plate est devenu un endroit le fun », dit-elle.
Découvrir l’hiver à la dure
Certains élèves étrangers découvrent l’hiver québécois à la dure. Originaire de Saint-Barthélemy, dans les Antilles, Mathias a été pris d’un accès de fièvre qui l’a mené à l’hôpital la veille. Il souffre d’une pneumonie et il est placé en isolement dans une chambre que l’adolescent appelle à la blague la « suite royale ». En début de soirée, l’éducateur Martin Thivierge va lui porter des vêtements et lui prête son téléphone, pour que ses parents puissent le voir. « Est-ce que tu penses que tu te couvres assez ? », lui demande son père inquiet. Il n’a pas fini de le rassurer que Martin Thivierge intervient. « Non ! Mathias ne veut pas se décoiffer… »
Des ateliers de kick-boxing
Antoine Lévesque a été pensionnaire au Collège Saint-Bernard et y revient régulièrement pour aider aux ateliers de kick-boxing. « Je suis vraiment resté accroché », dit-il. L’éducateur Martin Thivierge se souvient d’un jeune homme qui était « prêt à tout pour impressionner ses chums ». Aujourd’hui titulaire d’un diplôme d’études professionnelles en machinerie lourde, l’ancien élève est persuadé que c’est l’équipe du pensionnat qui lui a évité de lâcher l’école.
« Je m’ouvre à mes coéquipiers »
Plus ils vieillissent, plus les pensionnaires ont l’occasion de sortir le soir s’ils respectent les règles établies. En ce mercredi, c’était cours de conduite pour certains, si bien qu’ils ont manqué sans trop de tristesse l’heure du souper à la cafétéria. « On connaît le menu », dit l’un d’eux avec dépit. Ils sont nombreux à fréquenter le Collège Saint-Bernard pour son programme sport-études, qui attire notamment des hockeyeurs. C’est le cas de Vincent Mathieu, de Valcourt (au premier plan à droite), qui craignait de ne « connaître personne » en arrivant au collège cette année. « Je ne vois plus beaucoup mes amis d’enfance, mais je m’ouvre à mes coéquipiers », dit-il. Rien ne peut toutefois remplacer le grand lit qu’il retrouve à la maison les fins de semaine…
Un spectacle de magie
« Oh, my God, c’est arrangé avec le gars des vues ! » C’est bientôt l’heure du coucher pour les plus jeunes pensionnaires et David Elkienbaum a été invité à faire un spectacle de magie à leur étage. Les blagues de Belges trahissent les origines réunionnaises de l’adolescent de 15 ans, véritable boute-en-train qui captive son auditoire. « Mes parents me manquent, il y a beaucoup de choses qui me manquent de La Réunion, confie-t-il. Mais on m’entoure beaucoup ici, le cadre m’empêche de trop y penser. » Il termine son spectacle sous les applaudissements. « Y pourrait-tu venir plus souvent ? », demande un jeune conquis.
« On a un accès privilégié aux jeunes »
De l’avis de tous, la résidence des filles est plus calme que celle des garçons. Avant la nuit, les éducatrices passent de chambre en chambre. C’est souvent le moment des confidences. « On a un accès privilégié aux jeunes, on joue un peu le rôle de maman », dit l’éducatrice Josiane Michaud après avoir bordé quelques résidantes. Parce qu’elle a cédé sa chambre à une journaliste pour la nuit, Coralie Bergeron fait ce soir-là du camping avec Élise Croteau et Rosalie Boisvert.
Pas d’appareils électroniques la nuit
La routine du coucher est bien rodée. Avant la nuit, les plus jeunes résidants doivent remettre leurs appareils électroniques. « Je ne pense pas que la rigueur, c’est quelque chose qui leur déplaît, observe Christian Kulczycki, « coach Kawa » pour les intimes. Souvent, ils sont laissés à eux-mêmes à la maison. » Son collègue Martin Thivierge explique que la relation de confiance qu’il tisse avec les jeunes contribue à l’ambiance dans les résidences. « Je sais quand je fais une bonne job et quand le jeune fait son bout de chemin », dit-il.
« Vous allez où, les gars ? »
Tito Basaneze fait le tour des chambres de la résidence des garçons pour s’assurer que tous vont au lit. Une lumière éteinte ne signifie pas pour autant qu’ils dorment. L’éducateur Martin Thivierge aime parfois se jouer des jeunes, en claquant une porte pour leur faire croire qu’il est parti. « Ils sortent de leur chambre et je leur dis : “Vous allez où, les gars ?” Ils allaient tous à la toilette… Tu les vois rentrer dans leurs chambres comme des coquerelles », dit-il en riant.
Un déjeuner en pyjama
Dès 7 h, les plus jeunes pensionnaires commencent à affluer à la cafétéria, certains, comme Emmanuelle Bell-Comeau, encore en pyjama. L’élève de première secondaire est arrivée au début de l’année avec sa sœur jumelle, qui avait repéré le pensionnat. « Ma mère travaille tous les matins tôt. Comme je suis pensionnaire, ça permet à mes parents de travailler », dit Emmanuelle.
Un directeur aux premières loges
L’école est sur le point de commencer, et comme si elle quittait la maison, Tania Vincent ne pourra revenir à la résidence avant la fin de la journée. En se rendant dans sa classe, elle passera devant le bureau du directeur, aux premières loges de la vie dans les résidences. « Tu ne peux pas dire : je vais mettre juste un peu d’argent dans les résidences. Ça prend du monde pour les encadrer. Ce sont des jeunes parfois en crise d’adolescence, avec leurs joies, leurs peines, leurs tourments. Ça prend du monde qui va jaser avec eux », dit-il.