Étude

Les catastrophes naturelles font croire en Dieu

Les tremblements de terre, tsunamis et éruptions volcaniques provoquent à long terme une hausse du sentiment religieux au sein d’une société, révèle une nouvelle étude danoise. « Des gens de toutes classes sociales, de tous niveaux de revenus et d’instruction se tournent vers la religion pour faire face à l’incertitude », explique en entrevue Jeanet Sinding Bentzen, auteure de l’étude et professeure agrégée d’économie à l’Université de Copenhague.

Votre étude Acts of God ? Religiosity and Natural Disasters analyse les données de plus de 400 000 individus dans 96 pays et montre que le sentiment religieux est plus vif dans les zones où se produisent des catastrophes naturelles, un phénomène qui est perceptible de génération en génération. Avez-vous été surprise par ces résultats ?

Ce qui m’a surprise, c’est à quel point l’effet était marqué et allait au-delà du type de désastre naturel, du revenu des gens ou de leur lieu de résidence dans le monde. Mes collègues économistes croyaient que ces gens se tournaient vers les églises pour trouver de l’aide matérielle après une catastrophe, ce qui, en conséquence, accroissait le sentiment religieux. Mais quand j’ai regardé les données, j’ai vu que cet effet était très mineur et que les gens se tournaient vers la religion comme moyen de faire face psychologiquement à l’adversité. On l’a vérifié auprès de toutes les grandes religions, à l’exception du bouddhisme. Les bouddhistes sont plus religieux à court terme après une catastrophe naturelle, mais, pour ce qui est du long terme, notre échantillon était trop restreint pour qu’on puisse tirer des conclusions.

Qu’est-ce qui vous a poussée à explorer le lien entre religiosité et désastres naturels ?

J’ai toujours été fascinée par la psychologie. En fait, lorsque j’ai eu à choisir mon champ d’études, j’hésitais entre la psychologie et l’économie. Lorsque j’ai pris connaissance de l’hypothèse voulant que la religion soit une façon de faire face à l’adversité, j’ai été convaincue, mais je trouvais qu’on manquait d’exemples concrets. Les psychologues nous disent qu’un choc psychologique doit survenir pour qu’on puisse discerner une cause. Alors je trouvais tout à fait naturel qu’un tel choc psychologique puisse potentiellement venir des tremblements de terre.

Les sentiments religieux et la menace de désastres naturels sont très présents en Asie du Sud-Est, par exemple. Pour la majorité de l’Amérique du Nord, toutefois, les tremblements de terre catastrophiques ne sont pas une menace. Est-ce à dire que le sentiment religieux va s’estomper ici au fil du temps ?

Plusieurs autres facteurs jouent un rôle dans la religiosité d’une société, alors il est difficile de se prononcer sur la trajectoire du sentiment religieux. Mon étude montre que les tsunamis influencent le sentiment religieux, ce qui s’applique jusqu’à un certain point à l’Amérique du Nord. Aux États-Unis, les gens qui habitent dans les États ayant des risques accrus de tremblements de terre sont plus nombreux à chercher sur le Net des termes comme « Dieu », « Jésus », « Bible » et « prière ». Une autre de mes études a montré qu’aux États-Unis, certains changements dans les lois ont entraîné une hausse de la religiosité. Ces initiatives visent à augmenter la coopération entre l’État et l’Église, à garantir la liberté religieuse et à augmenter l’autonomie de l’Église, de plus en plus appelée à fournir de l’aide à partir de fonds publics. De façon générale, la religiosité est gouvernée par l’offre et la demande. Les désastres naturels causent une hausse de la demande pour la religion, tandis que des initiatives pilotées par l’Église semblent augmenter l’offre religieuse.

80 % 

Quatre personnes sur cinq disent croire en Dieu. Les différences entre pays sont importantes. Par exemple, 100 % des Pakistanais croient en Dieu, alors qu’à peine 20 % des Chinois y croient.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.