Chronique

Une rente bonifiée pour la nouvelle année

Depuis le temps qu’on l’espérait, la bonification du Régime de rentes du Québec (RRQ) est enfin arrivée ! C’est particulièrement une bonne nouvelle pour les jeunes qui font leurs premiers pas sur le marché du travail et qui verront les pleins bénéfices de l’amélioration du régime.

Tout le monde veut une rente généreuse, garantie, indexée à l’inflation. Mais lorsque vient le temps d’économiser, les bonnes résolutions prennent vite le bord ! Alors un peu plus d’épargne forcée est souhaitable, même si certains grognent qu’on leur tord le bras.

L’entrée en vigueur des nouvelles règles, le 1er janvier prochain, tombe à point nommé. Comme l’économie roule à fond de train, la hausse de cotisation ne sera pas trop difficile à avaler. Et de toute façon, la différence sur les chèques de paie sera minime, puisque l’augmentation se fera très graduellement jusqu’en 2027.

Avant d’entrer dans les détails, voici un rappel des règles actuelles.

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En ce moment, le RRQ permet aux retraités de toucher une rente qui remplace 25 % de leurs revenus d’emploi jusqu’à concurrence d’un salaire de 57 400 $. Pour financer cette rente, les cotisations s’élèvent à 10,8 % par année, assumées en parts égales par l’employeur et l’employé (5,4 % chacun).

Les améliorations permettront aux travailleurs d’obtenir une rente de retraite équivalant à 33,3 % de leurs revenus d’emploi. Mais pour y arriver, il faudra cotiser davantage, bien sûr.

En 2019, la cotisation supplémentaire sera de 0,3 % (0,15 % employé/employeur). Concrètement, cela fera seulement 80 $ de moins sur votre chèque de paie. On parle donc de 22 cents par jour, ce qui n’est vraiment pas la mer à boire !

À terme, en 2023, la cotisation excédentaire sera de 2 % (1 % employé/employeur), ce qui fera fondre votre chèque de paie d’environ 500 $.

À partir de 2024, le maximum des gains admissibles grimpera de 57 400 $ à 62 500 $, afin de mieux préparer à la retraite les travailleurs à revenus plus élevés. Sur cette tranche de revenus où il n’y a aucune cotisation actuellement, une nouvelle ponction de 8 % (4 % employé/employeur) sera donc ajoutée. Cela correspondra à 320 $.

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Mais il ne faut pas voir ces nouveaux prélèvements comme une hausse d’impôt. Non ! Les travailleurs se paient eux-mêmes. À la retraite, ils bénéficieront de l’argent mis de côté tout au long de leur carrière.

Dans 40 ans, cela fera une énorme différence. Par exemple, une personne de 65 ans qui a un salaire de 65 000 $ recevra une rente de 20 677 $. Ce sera une amélioration considérable de 50 % par rapport à la rente qu’elle pourrait obtenir aujourd’hui (13 610 $).

Je sais que beaucoup de jeunes désabusés s’imaginent que la cagnotte sera vide lorsqu’ils arriveront à la retraite. Mais c’est un mythe.

« Aujourd’hui, le régime se porte très bien », garantit Jean-François Therrien, actuaire en chef du Régime de rentes du Québec.

« Les entrées de fonds sont suffisantes pour couvrir les sorties de fonds sur 50 ans, sans utiliser le capital qui est en réserve à la Caisse de dépôt. Le RRQ est là pour de bon. »

— Jean-François Therrien

Pour assurer l’équité intergénérationnelle, le nouveau régime sera d’ailleurs entièrement capitalisé. Cela signifie qu’il faudra avoir cotisé pendant 40 ans pour avoir droit aux pleins bénéfices. Pas question de verser une rente pleine et entière à des retraités qui n’ont cotisé que 10 ans, comme on l’a fait à l’époque de la création du RRQ !

Par conséquent, la bonification n’apportera pas un cent aux retraités actuels et elle n’aura qu’un impact limité pour les travailleurs qui approchent de la retraite. Mais ceux-ci sont majoritairement assez bien préparés pour la retraite, selon les experts qui ont revu le système.

« Ils étaient plus préoccupés pour les jeunes, à cause de l’érosion des régimes de retraite à prestations déterminées et de l’accès à la propriété. Comme les prix des maisons sont élevés, les hypothèques sont plus longues et cela restreint la capacité d’épargner pour la retraite », explique M. Therrien.

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Remarquez qu’il existe une excellente façon de bonifier sa rente de RRQ pour les gens qui approchent de la retraite. Comment ? Il suffit de patienter plus longtemps avant de la demander.

En attendant à 70 ans, la rente mensuelle maximale s’élève à 1611 $, ce qui est presque deux fois plus que la somme que vous auriez reçue en réclamant votre rente dès 60 ans.

Malgré tout, les travailleurs demandent leur RRQ à soixante et un ans et demi en moyenne, un chiffre qui est stable depuis plusieurs années. Plus de la moitié des prestataires demandent leur rente dès qu’ils le peuvent, c’est-à-dire à 60 ans. À peine 3 % attendent après 65 ans et seulement 1 % le font à 70 ans.

Pourquoi les gens ne sont-ils pas plus patients ?

Peut-être qu’ils ont peur de mourir jeunes et de laisser de l’argent sur la table. Mais je vous rappelle qu’une personne de 60 ans a 25 % de chances d’être encore en vie à 95 ans. Qu’à cela ne tienne, certains préfèrent peut-être profiter de la vie au maximum pendant qu’ils sont en santé, quitte à être pris en charge par l’État lorsqu’ils seront sans le sou.

De manière générale, les gens qui toucheront le Supplément de revenu garanti (environ 40 % des retraités au Québec) ont avantage à demander leur RRQ dès l’âge de 60 ans, considère M. Therrien.

Mais pour les retraités un peu mieux nantis, plusieurs planificateurs financiers indépendants estiment que l’âge idéal pour demander sa RRQ est plutôt autour de 68 ans.

Patience, patience…

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