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Apprendre aux enfants à dire « non »

Ils passent les deux premières années de leur vie à nous dire non. Mais une fois plus grands, nos enfants ont souvent du mal à s’affirmer. Face aux amis, ils disent souvent oui, de peur d’être rejetés, ou moins aimés. Pour être dans le coup, souvent, on dit oui malgré nous.

Dans J’ose pas dire non !, en librairie mercredi, l’auteure Christine Laouénan propose en vrac une foule de raisons de dire non. Un peu pêle-mêle, très franco-français (outre les expressions, les ressources proposées ne dépassent pas les limites de l’Hexagone, dommage), l’ouvrage, par ailleurs très joliment illustré, a le mérite de mettre le doigt sur un bobo dont on parle bien peu souvent.

« Vous y arrivez, comme adulte, à dire non, vous ?» , lance en boutade l’auteure, en entrevue au bout du fil. 

« Moi j’ai 58 ans et je peux vous dire que ça n’est pas évident. La peur de dire non, c’est souvent la peur d’être rejeté. »

— Christine Laouénan

Or à 10, 12 ou 15 ans, l’âge où le besoin d’identification aux autres est si fort, il est d’autant plus important d’apprendre à s’affirmer. Et bien souvent, s’affirmer, c’est refuser de céder. Bref, au lieu d’un oui sans conviction, c’est oser enfin dire non : non à ce qui ne nous ressemble pas, non à la pression, non à la manipulation. « Dire non, c’est dire " je " », rappelle l’auteure, qui écrit aussi que « savoir dire non, c’est s’autoriser à être ».

QUATRE RAISONS D’APPRENDRE À NOS ENFANTS À DIRE NON 

1. Non ! Pour être fidèle à soi-même

Ce n’est pas parce qu’on est bon en mathématiques et que notre père nous voit déjà ingénieur qu’il faille nécessairement rentrer dans le rang. Si nous, ce qui nous tente, ce qu’on sent, ce qui nous fait rêver, c’est la littérature, il faut oser s’affirmer, dit l’auteure. « Il s’agit d’être en accord avec soi-même, ce qu’on ressent, ses sentiments. » Vrai, à l’adolescence, on a tendance à trouver les jeunes « rebelles », concède-t-elle. « Souvent ils ont une façon maladroite de dire les choses, et facilement, le ton monte. » Faut-il le rappeler ? On peut dire « non » calmement, sans agressivité…

2. Non ! À l’intimidation

Ce n’est pas parce que tout le monde rit du petit nouveau que vous devez en rire aussi. Gare à l’intimidation des plus faibles, fait valoir l’auteure, qui déplore ce qu’elle appelle une « contagion sociale » : « un jeune fait avec un groupe ce qu’il ne ferait jamais seul, parce que la responsabilité se dilue », dit-elle. Pire : « parce qu’il a peur d’être victime, il préfère être un bourreau ». Or il faut dire « non » à cette pression, justement, sinon, indirectement, on fait de soi aussi une victime.

3. Non ! À la pression de la pub

Les jeunes, en quête d’identité, sont particulièrement sensibles aux diktats de la publicité. Mais leur faut-il absolument cette énième paire de baskets Adidas, là, tout de suite, parce que c’est la mode du moment ? « Si on dit aux jeunes : vous vous faites avoir par la publicité, ils n’aiment pas ça, fait valoir l’auteure. Or les publicitaires font de la surenchère. Si je dis non, je ne cède pas à cette pression, et ne pas céder, ne pas être une proie, c’est exister. »

4. Non ! À la manipulation

Tout particulièrement dans les relations gars-filles, il est malheureusement bien fréquent de tomber dans la manipulation. Et encore une fois, il faut dire « non ». « Il faut dire non au chantage, à la manipulation des sentiments, au contrôle abusif », insiste Christine Laouénan. Un gars qui fait une scène de jalousie à sa copine, non, ce n’est pas une forme d’amour. « Il faut dire non parce que c’est du contrôle de l’autre. La jalousie, c’est ne pas respecter la liberté de l’autre. » Tout comme il faut dire non à des demandes qui ne nous conviennent pas pour le moment. Une relation sexuelle, quand on n’en a pas envie, c’est non seulement de la manipulation, mais aussi de la violence, ajoute-t-elle. « Dire non, c’est se respecter. »

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