Environnement

La planète se réchauffe, l’agriculture se transforme

Washington — Les changements climatiques poussent les agronomes à modifier leurs boules de cristal. Les données américaines montrent que sous nos latitudes, les rendements pourraient augmenter avec le réchauffement de la planète. Mais l’impact des canicules et des sécheresses est difficile à modéliser et le comportement des fermiers encore davantage, explique Katja Frieler.

Extrêmes

En gros, plus on s’éloigne des tropiques, plus l’augmentation de la température moyenne va augmenter le rendement des cultures, selon Mme Frieler, qui travaille à l’Institut de recherche sur les impacts climatiques de Potsdam, en Allemagne, et qui présentait ses travaux au congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement des sciences, à la mi-février, à Washington. « Mais cet effet positif est atténué par les coups de chaleur et les sécheresses. Il faut tenir compte non seulement du nombre de “degrés-jours de croissance”, mais aussi des “degrés-jours de flétrissement”. C’est le nombre de jours où il fait trop chaud pour que les plantes survivent. Nous en sommes aux balbutiements de ces travaux, nous parvenons à peine à reproduire les dernières décennies avec nos modèles. »

Adaptation

La prévision de l’impact des changements climatiques sur l’agriculture est compliquée par la réaction des fermiers. « Il n’y a des données précises qu’aux États-Unis, dit Mme Frieler. Mais on a vu que les fermiers changeaient de cultivars pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques et allongeaient la saison de culture. Ce sont des comportements qui sont très difficiles à incorporer dans nos modèles. Par exemple, on parle beaucoup du vin, mais pas beaucoup de la possibilité de changer de cépage pour s’adapter aux températures plus chaudes. »

Dioxyde de carbone

L’autre grande inconnue est la réaction des plantes à l’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone, le gaz à effet de serre le plus important, qui est notamment libéré par la combustion des carburants fossiles. « Les plantes absorbent du CO2 et relâchent de l’oxygène par le processus de la photosynthèse, dit Mme Frieler. Le CO2 est en quelque sorte un fertilisant pour elles. Mais on comprend mal l’interaction entre la photosynthèse et les nutriments du sol. Beaucoup d’études biologiques restent à faire sur ce point avant qu’on puisse incorporer le CO2 dans nos modèles de prévisions des rendements agricoles. »

Le facteur humain

Pour transformer en équations mathématiques le comportement des fermiers, l’économiste de Potsdam veut écumer les bases de données commerciales, les réseaux sociaux et mettre sur pied des projets de « science citoyenne ». « Il faut innover pour trouver une manière de modéliser le facteur humain, dit Mme Frieler. C’est crucial pour savoir vraiment ce qui va se passer dans nos champs à mesure que la Terre va se réchauffer et qu’il y aura davantage d’extrêmes climatiques. L’homme s’est toujours adapté à son environnement. Certains disent que les changements climatiques vont aller plus vite que notre capacité d’adaptation, mais on ne peut pas baser nos modèles sur ce genre d’hypothèses. Il nous faut trouver une manière de déceler les différents types d’adaptation qui sont déjà en cours chez les fermiers. »

En chiffres

3 jours

Augmentation de la durée moyenne entre les semences et la récolte chez les producteurs de maïs américains depuis 1981

6 tonnes par hectare

Rendement moyen du maïs en 1981 aux États-Unis

11 tonnes par hectare

Rendement moyen du maïs en 2017 aux États-Unis

28 %

Pourcentage de l’augmentation de rendement du maïs américain depuis 1981 est attribuable au réchauffement de la planète

SOURCE : PNAS

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