Témoignage

Souvenir amer pour la diaspora vietnamienne

Le 30 avril 1975 marque la mainmise du Nord communiste sur le Viêtnam du Sud

Comment oublier cette souffrance infinie d’une défaite humiliante de tout un peuple face aux assauts victorieux d’un pouvoir maléfique, le régime communiste, imposé par la force, réalisé dans le sang et les larmes des vaincus ? 

Loin d’être enfouie dans la profondeur du passé lointain, et malgré le pouvoir cicatrisant du temps, cette souffrance resurgit, intense, submergeant mon âme d’amertume à la moindre réminiscence du drame que les réfugiés vietnamiens ont vécu et dont le monde libre a aidé à panser les blessures. 

Comment oublier ces yeux rouges de rage des soldats communistes hissés sur leurs tanks écrasant les résistants sud-vietnamiens aux portes de Saigon ? Il reste imprimé dans ma mémoire le triste spectacle d’une population affolée qui cherchait à fuir par terre, par mer, par air le soi-disant paradis communiste aux crimes monstrueux déjà implanté dans le Viêtnam du Nord. 

Ces fuyards avaient raison : ceux qui restaient croisaient les bras, impuissants, se regardant, les larmes aux yeux, car l’aigle de vengeance du vainqueur ne tardait pas à sortir ses griffes, à déployer ses ailes de grande envergure pour couvrir de ténèbres d’enfer d’immenses camps de concentration où résonnaient les cris de douleur et de désespoir des prisonniers sud-vietnamiens affamés, torturés et où gémissaient les âmes des milliers d’autres impunément fusillés ou qui ont succombé à l’épuisement. 

La cruauté de la vengeance communiste, associée à une économie socialiste délabrée, a poussé des centaines de milliers de Vietnamiens à devenir des « boat people » sur une période de plus de 10 ans. 

Ceux qui sont parvenus aux rivages ont réussi à refaire leur vie dans le monde libre grâce à la générosité de l’Occident. J’étais parmi eux. Mais tant d’autres, des centaines de milliers d’aspirants à la liberté, ont été emportés par les vagues, engloutis dans le fond de l’océan. Imaginez l’immense douleur des mères, des épouses, des enfants qui attendaient en vain un signe de vie de leurs proches. Étaient-ils parvenus au rivage ? La grande question face à laquelle la radio de la BBC de l’époque a été le dernier recours pour obtenir une réponse, ne serait-ce que partielle ; la BBC a été écoutée assidûment par presque toute la population du Viêtnam du Sud, avide des nouvelles des bateaux parvenus sur la terre ferme ou secourus en mer. 

Pour la diaspora vietnamienne, le temps ne peut effacer la triste mémoire du drame, mais il atténue la douleur d’une blessure mal cicatrisée. 

Drames d'aujourd'hui

Cependant, une nouvelle blessure prend forme, aussi profonde que l’ancienne : celle de voir le peuple vietnamien sombrer dans un drame d’esclavage imposé par une dictature sanguinaire où des centaines de blogueurs croupissent pendant des années dans les prisons, où d’innombrables citoyens sont torturés ou tués dans les postes de police, où l’esclavage sexuel est un moyen de survie et où l’avenir économique est sombre, détruit par la corruption des capitalistes rouges, des ignares anciens bourreaux, convertis en gestionnaires, administrateurs, ministres, membres hauts placés du parti. 

Nous souffrons de la souffrance du peuple vietnamien qui vivote, qui agonise, opprimé sous le poids accablant du joug communiste. Nos rêves d’une société libre affranchie de la dictature communiste au Viêtnam sont interrompus par une réalité cruelle : le régime dispose d’un effectif de plus d’un million d’agents de répression prêts à réprimer dans le sang toute expression de liberté de pensée et toute lutte pacifique pour les droits de l’homme. 

En ce 30 avril, reconnu par le Canada comme Jour du parcours vers la liberté, la diaspora vietnamienne commémore ses héros : les cinq généraux et des dizaines d’officiers qui se sont suicidés lors de la chute de Saigon. Nous évoquons la mémoire des centaines de milliers de réfugiés qui ont péri en mer ou dans les forêts lointaines. 

C’est aussi l’occasion pour nous d’exprimer notre gratitude profonde aux peuples et aux dirigeants des nations qui nous ont accueillis avec générosité, nous offrant un don inestimable : la liberté.

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