Condo locatif

Acheter pour louer, un pensez-y-bien

L’offre peut paraître irrésistible : « Condos neufs au centre-ville, locataires inclus. Revenus mensuels garantis. » Vous achetez un appartement et il se paiera tout seul grâce au loyer que vous empocherez, assurent les promoteurs du projet Le 1248, au centre-ville de Montréal.

« On vous garantit la première année de loyer. Si vous ne trouvez pas de locataire, le promoteur vous versera un montant équivalent », explique la courtière immobilière Diane Sabourin, directrice des ventes du projet, où il reste une vingtaine d’appartements à vendre.

Quelques projets de condos mettent de l’avant ce genre de promotions pour attirer les acheteurs. Le 1248 l’offre en toutes lettres dans ses publicités depuis quelques mois, alors que d’autres en parlent aux acheteurs potentiels lorsqu’ils négocient les conditions de vente.

S’ils se sentent obligés de promettre des cadeaux, est-ce parce qu’investir dans un condo à revenus est risqué ?

Plusieurs fois par semaine, des investisseurs consultent le formateur en immobilier Ghislain Larochelle, président d’ImmoFacile, pour évaluer la rentabilité de propriétés à vendre, compte tenu du prix demandé, des revenus qu’ils pourraient en tirer et des dépenses à prévoir. Son constat : difficile de faire de l’argent avec la location d’un condo. « Généralement, les acheteurs oublient de tenir compte de plusieurs dépenses », dit-il.

Mais on assure le contraire sur le site du projet Le 1248, chiffres à l’appui : le constructeur, Groupe Aquilini, publie un budget détaillé des revenus et des dépenses que peuvent prévoir les investisseurs.

L’un des avantages de l’achat d’un condo neuf, c’est que le loyer n’est pas soumis au contrôle de la Régie du logement au cours des cinq premières années, souligne Diane Sabourin. « Le propriétaire est libre d’indexer le loyer comme il le veut pour s’ajuster au marché. »

Dany Cardinale est aussi convaincu de la rentabilité d’un condo. Après l’avoir habité six ans, il a mis en location son studio du quartier Griffintown, l’année dernière, pour un loyer de 1200 $ par mois.

Une fois toutes les dépenses payées, il lui reste un revenu net de 100 $ par mois, affirme-t-il. En plus, la valeur de sa propriété a augmenté de 63 000 $ en sept ans, soit 34 %. « Nommez-moi des fonds communs qui auront un tel rendement ! », lance-t-il.

Il se sert maintenant de l’équité disponible sur son premier condo pour en acheter un autre dans la Tour des Canadiens, face au Centre Bell, avec un associé, au prix d’environ 375 000 $. Les propriétaires croient pouvoir le louer pour 3000 $ à 4000 $ par mois à une entreprise qui s’en servirait pour loger des employés de passage, des clients, partenaires ou autres invités, en profitant d’un accès privilégié aux événements présentés au Centre Bell.

Le marché de la revente de condos a fortement ralenti ces dernières années, mais la demande reste forte dans les quartiers centraux.

Prix médian des copropriétés/depuis un an/depuis cinq ans

Île de Montréal : 279 500 $/+ 4 %/+ 14 %

Centre-ville : 325 000 $/+ 5 %/+ 5 %

Plateau Mont-Royal : 337 000 $/0 %/+ 15 %

Copropriétés en location/Taux d’inoccupation

Centre-ville : 25 %/2,4 %

Laval : 20 %/1,9 %

Grand Montréal : 15 %/3 %

Sources : Chambre immobilière du grand Montréal et SCHL

BIEN DES DÉTAILS À VÉRIFIER

Ghislain Larochelle estime que les prévisions des vendeurs sont souvent embellies. « Même dans un immeuble neuf, il peut y avoir des bris, de la peinture à faire après le départ d’un locataire, indique-t-il. Et les taux hypothécaires risquent de monter dans quatre ans. »

De plus, les bâtiments neufs ne sont pas exempts de vices de construction, qui peuvent causer des problèmes dès les premières années. Les charges de copropriété peuvent aussi être très basses au départ, mais augmentent souvent par la suite.

« Ils oublient aussi les frais à prévoir au moment de la vente », ajoute l’expert. En effet, juste la facture de courtage immobilier peut facilement atteindre 20 000 $, ce qui entame sérieusement le profit potentiel.

LOUER À COURT TERME

Pour faire de l’argent avec un condo, il faut le louer à court terme, sur des sites comme AirBnB, selon M. Larochelle. « Mais peu de propriétaires le font, parce que ça prend une équipe pour faire le ménage, donner les clés aux locataires, etc. », dit-il.

Un ami de Dany Cardinale a déjà mis un condo en location sur AirBnB et lui a confirmé que c’est « une mine d’or » : les revenus sont deux à trois fois plus élevés que pour une location à long terme. Mais le propriétaire a dû cesser d’accueillir des visiteurs en raison de plaintes des voisins.

En effet, la location à court terme est interdite par plusieurs associations de propriétaires de condos, et dans de nombreux secteurs. Un appartement destiné à cet usage ne peut être situé dans un secteur résidentiel et doit être certifié par la Corporation de l’industrie touristique du Québec.

À Québec, un projet d’appartements en copropriété mise justement sur la possibilité de louer à des touristes pour attirer les acheteurs. « Des jeunes qui voyagent plusieurs semaines par année ou des retraités qui passent l’hiver en Floride aimeraient pouvoir louer leur condo quand ils sont absents, explique Denis Bolduc, l’un des promoteurs du projet. On veut une convention de copropriété qui donne cette latitude, pour leur permettre de rentabiliser leur investissement en récoltant des revenus supplémentaires. »

M. Bolduc croit que les locataires seraient des gens qui viennent travailler à Québec pour quelques semaines ou quelques mois et qui n’ont pas envie d’habiter à l’hôtel, plutôt que des touristes de passage pour quelques jours. Mais la convention de copropriété, qui n’est pas encore rédigée, ne devrait pas fixer de période minimale de location, concède-t-il.

Cependant, comme le futur immeuble sera situé dans un secteur zoné résidentiel, un propriétaire qui annoncerait un condo à louer de façon traditionnelle contreviendrait à la loi québécoise sur l’hébergement touristique.

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