PRESTATIONS D’ASSURANCE-EMPLOI EN RAISON DE PROBLÈMES DE SANTÉ

Les combats de Marie-Hélène Dubé

Marie-Hélène Dubé a 44 ans, deux enfants, trois cancers à son actif et une maison plus hypothéquée que quand elle l’a achetée.

Est-il normal, demande-t-elle, que l’assurance-emploi ne verse que 15 maigres semaines de prestations à une personne qui s’apprête à affronter de durs traitements ou une longue rééducation ?

Est-il normal, poursuit-elle, qu’au Canada, la maladie ait si tôt fait de pousser à la rue des gens qui, si on leur donnait un peu de temps, pourraient mieux contribuer à la société qu’en se retrouvant à vivre de l'aide sociale ?

Mme Dubé, qui habite à Laval, demande que tous les chefs fédéraux en campagne électorale se positionnent par rapport à cet enjeu. Elle le demande au nom des 600 000 personnes qui ont signé la pétition qu’elle a lancée en 2009 pour réclamer un prolongement des prestations pour s’arrimer à ce qui se fait partout dans les autres pays du G8 (à l’exception des États-Unis), où les prestations versées sont nettement plus généreuses et s’étendent dans plusieurs cas à un an ou plus.

À la première annonce de cancer, le jour de son 32e anniversaire, Mme Dubé était criminologue. « Ironiquement, je travaillais pour le gouvernement fédéral. »

Les emplois permanents se faisant de plus en plus rares, Mme Dubé travaillait à forfait, avec un contrat qui était renouvelé de fois en fois.

« Quand on m’a annoncé que j’avais un cancer de la glande thyroïde, je me suis sentie dans un tel état d’urgence que la question des 15 petites semaines d’assurance-emploi m’est apparue secondaire. »

— Marie-Hélène Dubé

Or, souligne-t-elle, quand il est question de cancer, il n’y a pas que la convalescence qui soit longue : les résultats des nombreux tests ne sont pas instantanés, les traitements à suivre ne s’imposent pas d’emblée, et dans son cas, encore fallait-il que le bon dosage de médicaments soit trouvé, note-t-elle.

LE CANCER REVIENT

Quand elle a pu retourner travailler, plusieurs mois plus tard, Mme Dubé était déjà endettée de plusieurs milliers de dollars.

Trois ans plus tard, rebelote. Le cancer revient. « Là, je me suis dit : "Pas le temps de niaiser, je dois vite retourner travailler." »

La réalité l’a vite rattrapée. Trop fragile, elle n’a pu reprendre le travail qu’à raison de trois jours par semaine.

À ce rythme, quand le cancer a de nouveau frappé, à ses 36 ans, et plus fort que jamais avec de multiples atteintes aux ganglions, Mme Dubé a dit à son médecin que l’opération majeure qu’elle devait subir allait devoir attendre un peu.

« Je n’avais pas les 630 heures requises pour avoir même droit à mes 15 semaines. »

— Marie-Hélène Dubé

« Au bureau, ma patronne et les collègues ont été formidables, ils m’ont permis de travailler beaucoup de la maison. N’empêche, je suis arrivée à l’opération sur les genoux. »

Ça ne s’est pas bien passé. « J’ai eu toutes les complications possibles, j’ai été paralysée d’un côté pendant un moment… »

C’est là que l’idée de lancer une pétition lui est venue. Ç’a fait boule de neige. « Au fil des ans, le prolongement des prestations au-delà des 15 semaines a fait l’objet de projets de loi qui se sont rendus en deuxième lecture, mais qui ne sont pas allés plus loin. J’ai eu l’écoute de Jack Layton, de Michael Ignatieff, du Bloc québécois, mais nous en sommes toujours au même point, avec les mêmes 15 semaines que depuis 1971. »

PAS QUE LE CANCER

Bien que cela lui ait donné un sérieux coup de payer ses factures d’épicerie et d’Hydro-Québec à même sa marge de crédit, Mme Dubé signale que d’autres personnes sont encore bien plus mal prises qu’elle, qui est toujours propriétaire, aujourd’hui professeure au cégep et dont le cancer est maîtrisé depuis huit ans.

« Moi, j’avais ma maison, que j’ai pu réhypothéquer, mais que font les autres ? Une femme m’a raconté que pendant tout un été, elle a dû vivre sous une tente avec son fils, dans un terrain de camping. »

Et il n’y a pas que le cancer, souligne Mme Dubé. Des personnes qui ont eu un accident ou qui ont d’autres problèmes de santé très rares ont tout autant besoin de temps.

Comme Mme Dubé, la Coalition Priorité Cancer croit aussi qu’il est temps que les choses changent et qu’il est anormal que le régime soit tellement plus généreux à l’égard de ceux qui perdent leur emploi que pour ceux qui doivent s’en absenter pour des raisons de santé.

Rehausser le soutien financier apporté aux personnes qui doivent lutter contre une maladie grave telle que le cancer, ce n’est pas de la charité, croit Nathalie Rodrigue, présidente de la Coalition Priorité Cancer. « C’est un juste retour des contributions à l’assurance-emploi versées par ces mêmes personnes. »

Selon l’Agence de la santé publique du Canada, deux Canadiens sur cinq recevront un diagnostic de cancer au cours de leur vie.

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