Opinion

Mutsumi Takahashi, icône  montréalaise

Lorsqu’on parle de Montréal et de ses symboles, il est difficile d’échapper aux classiques comme la croix du Mont-Royal, l’oratoire Saint-Joseph et Joe Beef. Mais à ces symboles de Montréal, il faut ajouter les grands Montréalais, comme Mutsumi Takahashi, qui est à l’antenne à CTV Montreal (jadis CFCF-12) depuis les années 80.

Symboliquement, il serait tentant de la comparer à Bernard Derome ou à Pierre Bruneau. Mais Takahashi, à cause de son histoire, est probablement la plus montréalaise de nos chefs d’antenne. Parce que son histoire est so Montreal.

Arrivée du Japon dans la métropole avec ses parents alors qu’elle était encore enfant, Takahashi est l’incarnation de ce rêve que les Américains se sont approprié, comme s’il n’y avait qu’aux États-Unis que ceux qui arrivent d’ailleurs rêvent de réussir.

Il y a deux semaines, j’étais invitée au journal du midi de CTV Montreal pour parler de l’importance de la diversité en entreprise. C’est Mutsumi Takahashi, la papesse, qui allait célébrer la messe de l’heure du déjeuner. Un rituel qui vaut au réseau d’alléchantes cotes d’écoute. Une messe qui est répétée aussi à l’heure du souper avec son acolyte du soir, Paul Karwatsky, et qui dépasse, en nombre d’auditeurs, les autres journaux télévisés anglophones de la province.

Takahashi est cheffe d’antenne, emblème et icône du réseau CTV Montreal et, depuis peu, récipiendaire de l’Ordre du Canada. 

Mits, le sobriquet utilisé par ses collègues et ses nombreux fans, est d’une modestie déstabilisante, dans un monde où des inconnus ayant un certain nombre d’abonnés en ligne sont des célébrités. Elle est bien au-delà de tout ça, elle qui ne tweete pas. C’est rare, rafraîchissant, et c’est un rappel que la popularité en ligne, c’est souvent comme la richesse au Monopoly.

À l’annonce de sa nomination à l’Ordre du Canada il y a quelques jours, les félicitations et les éloges sur Twitter se sont enchaînés, de Bill Brownstein, le grand éditorialiste de la Montreal Gazette, à Maya Johnson, cheffe de bureau à Québec pour CTV, et à Joe, le Montréalais qui, comme tant d’autres, compte sur Mutsumi, chaque jour et chaque soir, pour savoir ce qui se passe ici et ailleurs.

Mutsumi, comme ses homologues dans les autres réseaux, fait beaucoup plus que lire les nouvelles. Elle donne le ton. Elle mène la barque. 

Dans les eaux troubles des médias depuis quelques années, ce n’est pas rien. CTV Montreal, comme d’autres, n’a pas échappé aux mutations du monde des médias. Coupes, rebranding, ajustements. Mais Mutsumi, qui, comme Ricardo, Cher et Oprah, n’a besoin que d’un prénom, est toujours restée imperturbable et au goût du jour.

L’auditoire de CTV Montreal n’entre pas dans une seule case. Il est anglophone. Il est bilingue. Il est allophone. Et il est loyal. Mutsumi est donc le visage de tous ces Montréalais : multicases, multilangues, multipolitains, qui, peut-être, ne se retrouvent pas ailleurs dans les médias. Takahashi, comme cheffe d’antenne, a aussi un rôle éditorial. Son regard éditorial n’est pas meilleur ou pire que celui de ses comparses des autres réseaux, mais son regard est certes différent et, comme la diversité en entreprise, amène une nuance et une vision enrichissante qui est bénéfique à tous.

Avant notre interview, Mutsumi me parlait du visage changeant de l’arrondissement de Côte-des-Neiges, avec des données précises. Dans son analyse, à part la précision, il y avait beaucoup de sensibilité. Celle de quelqu’un qui, malgré des racines bien ancrées ici, sait très bien ce qu’un déracinement veut dire. C’est cette précision et cette sensibilité qui font de Mutsumi Takahashi une référence. Elle est aussi un rappel – pour les décideurs encore frileux – que de se voir, de se reconnaître à l’écran, est important et que le visage du Québec change. Et en plus, c’est payant.

Je suis fan de Mutsumi Takahashi, elle le sait. Et un jour, je vous raconterai comment une des plus importantes amitiés de ma vie s’est solidifiée grâce à Mutsumi. Même elle n’est pas au courant. Mais pour l’instant, j’aimerais tout simplement lui dire merci. À travers son travail et l’excellence de celui-ci, Mutsumi est devenue une boussole, un how-to. Celle de la réussite, celle de la diversité du tissu social de la métropole et de l’apport des multiples communautés qui lui donnent son identité. Et si un jour on oublie tout ça et son importance, rendez-vous à midi et à 18 h, sur les ondes de CTV Montreal.

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